Qui est Cambridge Analytica, l’entreprise qui met le réseau social dans la mouise ? Quels sont les faits reprochés ? Que vient faire Donald Trump là-dedans ? Nous répondons à toutes ces questions dans ce dossier.
Facebook est le plus grand réseau social au monde avec plus de 2 milliards d’utilisateurs. S’il s’agissait d’un pays, il serait bien plus peuplé que la Chine ou l’Inde. Même si l’on entend de nombreuses critiques concernant l’ergonomie de l’interface, le pouvoir tentaculaire de l’entreprise ou la vacuité des contenus, force est d’admettre que d’innombrables personnes passent encore beaucoup de temps sur Facebook.
Grâce à cette plateforme, on reste en contact avec des amis, on découvre des événements dans sa ville ou on espionne des millions d’utilisateurs…
Facebook est en effet impliqué dans un scandale de fuite de données. À l’origine de cette affaire : une entreprise peu connue du grand public nommée Cambridge Analytica. Celle-ci est accusée d’avoir récupéré illicitement des informations personnelles concernant des dizaines de millions d’utilisateurs dans le but d’influencer l’élection présidentielle américaine.
Si vous êtes un peu dépassé par le tohu-bohu engendré par ce scandale, nous vous proposons ici de résumer ce scandale qui secoue la firme de Mark Zuckerberg en quelques points.
Cambridge Analytica, c’est quoi ?
Cambridge Analytica est une entreprise spécialisée dans l’analyse comportementale à des fins politiques. Son objectif est donc de récolter des informations sur les électeurs afin de savoir comment les influencer. La firme met ses bases de données au service de partis politiques — en échange d’une rémunération évidemment — afin que ces derniers puissent optimiser l’efficacité de leurs campagnes de communication.
D’aucuns pourraient être choqués par cette méthode, mais jusqu’ici il n’y a absolument rien d’illégal. Et les réseaux sociaux sont évidemment un terreau très fertile facilitant grandement la collecte de données. C’est quand cette dernière est réalisée dans des conditions douteuses que cela pose problème.
Quels sont les faits reprochés ?
Le scandale qui nous intéresse aujourd’hui a été révélé par le lanceur d’alertes Christopher Wylie. On apprend que Cambridge Analytica a fait appel à un universitaire pour aller collecter des données sur les électeurs. Ce dernier a donc créé un formulaire sur Facebook. Le hic, c’est que les sondés ignoraient que leurs réponses allaient être utilisées à des fins politiques. L’application sur le réseau social prétendait en effet s’inscrire dans un cadre de recherche dans le domaine de la psychologie.
Il est donc reproché à Cambridge Analytica d’avoir vendus ces données obtenues de manière illicite. Pis encore, le formulaire en question exploitait un paramètre de Facebook permettant de récolter des informations personnelles des amis des participants, quand bien même ils n’avaient pas participé au sondage.
C’est ainsi que Cambridge Analytica a pu siphonner les informations privées d’environ 50 millions de personnes.
Comment cela a-t-il influencé l’élection de Donald Trump ?
Comme nous le disions plus haut, l’analyse comportementale permet de mieux connaître le public auquel s’adressent une entreprise ou des personnalités politiques. Comme l’indiquent The Guardian et le New York Times, Cambridge Analytica a travaillé avec le parti Républicain aux États-Unis pendant la période présidentielle en 2016.
En siphonnant les données de 50 millions d’utilisateurs, le cabinet d’analyse a ainsi permis à l’équipe de Donald Trump de mieux cibler les électeurs pendant la campagne qui l’opposait à la Démocrate Hillary Clinton. Autrement dit, l’actuel président étasunien aurait bénéficié d’un avantage indu puisque lesdites données utilisateurs n’ont pas été correctement collectées.
Par ailleurs, le CEO de la firme d’analyse comportementale, Alexander Nix est accablé par des vidéos à la dérobée le montrant en train d’expliquer comment ses équipes piégeaient des politiciens en ayant recours à des pots-de-vin et à des travailleurs ou travailleuses du sexe ukrainien·nes. Il y affirme également avoir rencontré Donald Trump à plusieurs reprises.
Comment Facebook a-t-il réagi ?
Après que cette affaire a éclaté, Facebook a rapidement réagi en indiquant avoir suspendu l’accès au réseau social à Cambridge Analytica ainsi qu’à sa maison-mère, Strategic Communication Laboratories (SCL).
Les équipes de Facebook expliquent que l’auteur du formulaire leur a menti sur ses véritables intentions et qu’ils l’ont découvert en 2015 après lui avoir accordé les droits demandés. Son application avait alors été — en toute discrétion — supprimée de la plateforme. Cambridge Analytica aurait alors certifié à Facebook que toutes les données récoltées avaient été supprimées.
« Il y a quelques jours, nous avons reçu des signalements indiquant que, contrairement à ce qui nous avait été certifié, toutes les données n’avaient pas été supprimées », écrit Facebook. « Si cela s’avère exact, il s’agit d’une autre violation inacceptable de la confiance et des engagements qu’ils ont pris ».
L’entreprise de Mark Zuckerberg précise aussi qu’il n’y a eu aucune faille de sécurité. Le formulaire incriminé « a demandé et obtenu toutes les autorisations » auprès des utilisateurs qui y ont participé. Ce qui pose problème c’est que les véritables intentions de l’auteur du sondage étaient occultées.
Que risque Facebook ?
La réponse officielle de Facebook n’a pas suffi à lui éviter des critiques de la part des autorités dans plusieurs pays. V?ra Jourová, Commisaire à la justice au sein de la Commission européenne, a indiqué qu’elle allait réclamer davantage d’explications de la part de Facebook.
Aux États-Unis, les procureurs généraux de New York et du Massachusetts ont annoncé une enquête conjointe pour obtenir toutes les conditions d’utilisation, la politique de confidentialité et toutes les autres notifications que les utilisateurs de Facebook ont reçues au sujet de cette collecte de données. La FTC s’est également lancée dans une investigation tandis qu’un parlementaire britannique réclame des explications à Mark Zuckerberg.
Facebook n’est donc pas à l’abri d’un procès judiciaire dans divers pays. Du côté des finances, l’entreprise a également beaucoup souffert à cause de cette affaire en perdant 60 milliards de dollars — l’action a fondu de 11 % en deux jours.
Que fait Mark Zuckerberg ?
Depuis que ce scandale a éclaté, Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, est resté très discret malgré les nombreuses sollicitations. Son entreprise a néanmoins précisé au Daily Beast qu’avec Sheryl Sandberg (la directrice des opérations de Facebook) et leurs équipes, ils « travaillent jour et nuit pour obtenir tous les faits et prendre les mesures appropriées pour aller de l’avant, parce qu’ils comprennent la gravité de la question ».
Le créateur du réseau social fait face à une grosse situation de crise et veut sans doute prendre le temps de préparer son discours et ses arguments avant de s’exprimer officiellement. Comme l’écrit Wired, Mark Zuckerberg, Sheryl Sandberg et d’autres responsables estiment que la faute revient essentiellement à Cambridge Analytica. Néanmoins, il y a plusieurs questions qui les travaillent énormément. Notamment :
Comment peuvent-ils resserrer le système pour s’assurer que cela ne se reproduise pas ?
Que doivent-ils faire à propos de tous les appels à Zuckerberg pour qu’il témoigne ?
Doivent-ils poursuivre Cambridge Analytica ?
En attendant, Mark Zuckerberg se mure dans un silence que d’aucuns jugent agaçant. Il pourrait s’exprimer le vendredi 23 mars prochain, d’après Le Monde.
Est-ce la fin de Facebook ?
Suite à ce scandale, de nombreux internautes ont fait part de leur envie de supprimer leur compte Facebook. Parmi eux, on compte notamment le cofondateur de WhatsApp qui a pourtant vendu son application à Facebook.
L’image du réseau social est donc sacrément écornée. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut déjà prédire la chute de Facebook. La plateforme reste un énorme mastodonte qui dispose très certainement des ressources nécessaires pour se relever après un tel fiasco.
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