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Candidature unique-Aïssata Tall Sall: « il faut que certains s’effacent au profit d’autres »

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Deux jours après un meeting à Mantes-La-Jolie, dimanche, (banlieue ouest de Paris), le maire de Podor a tenu une conférence de presse dans un hôtel parisien. A cette occasion, elle n’a pas manqué de sommer ses partisans de se déterminer avant fin juin sur la question de la candidature. Faute de quoi, «cela va être catastrophique» prédit Aïssata Tall Sall. Elle a, sur le même sujet, dénoncé les petites «combines» et autres ambitions personnelles qui «bloquent» les négociations dans la coalition de l’opposition. Tout comme elle a prévenu Wade que le peuple sénégalais n’accepterait pas une confiscation du pouvoir à la Gbagbo, l’an prochain.

RELATIONS ETAT-MAIRIES BENNOO
«La promesse de Wade d’aider les communes, nous l’attendons toujours. Nous attendons qu’elle se réa­lise. Mais je pense que nous avons, jusque-là, des rapports assez corrects. Vous savez que l’Adminis­tra­tion exerce une tutelle, même si elle est de plus en plus lâche. Les préfets procèdent à des contrôles de légalité a posteriori. Donc si nous nous écartons de la loi, il est évident que les préfets censureront sans hésiter nos délibérations. Pour l’instant, tout se passe bien. Les maires essaient d’­être consciencieux, de faire les cho­ses dans le respect de la loi, sa­chant que les préfets restent vigilants.

Avec le Président Wade, c’est tout à fait autre chose. Vous avez dû suivre que, il y a quinze jours de cela, il a reçu l’Association des maires du Sénégal. Je dois dire quand même que c’est une doléance qui date d’il y a plus de deux ans. Deuxième­ment, sur le fond, cette audience n’a pas été positive comme moi, je le voyais. Je pense que nous aurions dû poser beaucoup plus de problèmes de fond que de problèmes de moyens à savoir obtenir des passeports diplomatiques, avoir des voitures 4X4. Si nous avions posé le problème en beaucoup plus d’autonomie, en beaucoup plus d’élargissement de nos compétences et non pas en rétrécissement de nos compétences, l’audience aurait été beaucoup plus performante. Vous avez entendu le Président Wade dire que si les maires n’arrivaient pas à gérer les ordures ménagères et l’éclairage public, il va leur enlever cette compétence pour l’attribuer à l’Etat central. Je pense que c’est une régression. Un maire qui ne gère pas l’environnement de sa ville, qui est un travail élémentaire, quotidien, je pense que sa vocation est tout simplement réduite à un rôle symbolique. Je souhaite que le Président Wade ne mette pas cette proposition à exécution. En tout cas, il a dit qu’il en discutera avec les maires. Aussi, les compétences du maire doivent être élargies vers l’agriculture par exemple. Une commune comme Podor a énormément de potentialités agricoles, mais je ne peux pas intervenir parce que c’est un domaine dévolu à l’Administration centrale. Voilà comment j’aurais souhaité que cette audience se déroule. Mais on a plus privilégié le confort des maires que l’élargissement de leurs compétences. Alors que de ce point de vue, il y a beaucoup de choses à faire et à dire (…)

Bien sûr que c’est (les voitures 4X4 et les passeports diplomati­ques) une demande des maires puis­que c’est Abdoulaye Baldé (Ndlr : maire de Ziguinchor, ministre), en sa qualité de président de l’Ams, qui a posé cette demande, im­médiatement acceptée par le Prési­dent Wade. Personnellement – que mes homologues maires m’excusent – je pense que ce n’était pas une priorité (…) La 4X4 ne m’appartient pas. Elle appartient à la mairie de Podor. Personnellement, j’aurais posé le problème autrement. Mais si le Président Wade donne les 4X4 à toutes les mairies, je ne vois pas pourquoi je priverai la mairie de Podor de sa 4X4.»

BENNOO MIS EN DEMEURE

«Tout le monde attend. Pour être honnête avec vous, je dois dire que les gens commencent à être exaspérés par cette situation. Ils ne comprennent pas qu’on n’arrive pas à dénouer ce nœud gordien de l’élection présidentielle à venir. Et je suis pour qu’on donne un ultimatum à Bennoo. Il faut que Bennoo se prononce dans un sens ou dans un autre. Nous avons envie d’aller en campagne électorale, nous avons envie de monter nos comités électoraux, nous avons envie de remobiliser nos gens, mais on ne peut pas dire à une personne, va à l’élection, inscris toi, mobilise-toi, commences à te battre et à te préparer ; sans pouvoir lui dire finalement pour qui il va le faire. Je comprends très bien l’exaspération de nos militants. Je l’ai vécue au Sénégal, je l’ai vécue ici en France : la seule question que les gens se posent est quand est-ce que Bennoo compte en finir avec la question des candidats. Et je pense qu’aujourd’hui Bennoo est dos au mur, il ne peut plus reculer. Et, vraiment, j’invite les leaders à se fixer un deadline. Je pense que, personnellement, si d’ici la fin du mois de juin Bennoo ne s’assume pas en fixant les électeurs potentiels de Bennoo et tous ses sympathisants sur le choix des candidats, cela pourrait absolument être catastrophique pour nous tous. D’abord on donne l’impression qu’on a joué à cache-cache avec les Sénégalais, ensuite on laisse penser qu’on était plus dans de petites combinaisons politico-politiciennes plutôt que dans la vraie politique. Je pense que Bennoo a une double obligation : une obligation de trans­parence, c’est à dire qu’est-ce que nous allons faire pour le choix de ses candidats ; et une obligation de diligence, c’est à dire le faire à temps pendant que les gens sont encore en train d’attendre parce qu’après ils n’attendront plus, ils iront malheureusement ailleurs (…)

Je comprends que ce n’est pas facile mais on a eu des années pour le faire. Cela doit faire au moins deux ans que nous disons que nous allons faire des séminaires pour choisir ce candidat. Mais si en deux ans on n’a pas pu le faire, ce n’est pas seulement lié à une situation politique ; il y a aussi beaucoup de facteurs personnels qui interviennent. A partir de ce moment, rien ne peut empêcher à un esprit raisonnable et sensé, de penser que ce sont des combinaisons qui se jouent à l’intérieur plutôt que de la transparence et de la bonne politique (…) Je pense que ce sont les ambitions personnelles qui bloquent les choses (…) Je ne peux pas vous dire entre qui et qui parce que je ne suis pas présente à ces débats-là. Je ne fais qu’en obtenir parfois le commentaire, le compte-rendu ou la restitution. Mais vous savez Bennoo, ce n’est pas une affaire simple. C’est quand même plus d’une quarantaine de partis à l’intérieur, et on ne peut pas interdire aux uns et aux autres d’avoir des ambitions personnelles. Donc tout cela induit que les gens discutent, que les gens négocient. Mais, honnêtement, si on doit discuter franchement et négocier franchement on aurait quand même dû finir ce travail-là (…)»

QUE CERTAINS S’EFFACENT AU PROFIT D’AUTRES
Entre l’Afp et le Ps les choses n’ont pas toujours été faciles. On n’est que des personnes. On a quand même vécu entre nous des choses difficiles. Aujourd’hui on essaye de surmonter tout cela, de faire justement que le passé ne remonte pas à la surface des obligations présentes. Je pense que la hauteur d’un hom­me politique, c’est d’arriver à dépasser les situations passées, à s’accaparer du présent, pour pouvoir envisager l’avenir (…) Je peux tout simplement exprimer mon point de vue, mais je ne peux pas vous dire ce que chaque parti, encore moins ce que chaque leader, a dans sa tête. Mais je pense que nous devons pouvoir aller à une candidature de l’unité. La candidature de l’unité, c’est celle-là même qui permet à toutes les sensibilités de Bennoo de se retrouver autour d’un candidat, parce que chaque sensibilité aura été prise en compte. Je pense que cela est possible même si je sais que c’est très difficile. Je sais que c’est absolument compliqué mais, on doit pouvoir aller vers cela sinon… (elle ne termine pas la phrase). Je pense que le Sénégal n’a jamais été dans une situation pareille où tout le monde pense que le Sopi peut être vaincu et où en face on se demande : qui pour vaincre le Sopi ? C’est cela en fait qui doit faire que nous devrions faire preuve de beaucoup plus de sens de responsabilité, surtout de générosité voire même de sacrifice. Il faut que certains s’effacent au profit d’autres, et en s’effaçant il faut se dire qu’on le fait pour le Sénégal parce que chacun aura sa partition à jouer demain pour le redressement du pays (…)»

BENNOO, CET «ELEPHANT QUI SE DEPLACE DIFFICILEMENT»
Je pense que ce problème de Carte nationale d’identité est un problème absolument grave. Souve­nez-vous que c’est le Président Wade qui avait proposé les délais d’inscription sur les listes électorales. A quoi cela aura-t-il servi de les proroger si les gens ne peuvent pas aller s’inscrire parce que ne disposant pas de la Carte nationale d’identité. Mais en face, effectivement on a l’im­pression qu’en dehors de la con­damnation verbale, nous n’avons pris aucune initiative. Je me demande même si ce n’est pas trop tard. Peut-être que non parce que nous avons encore jusqu’au 10 juin pour s’inscrire. Je pense tout de même que Bennoo doit se mobiliser, engager une action publique d’envergure, une marche nationale pourquoi pas, arriver peut-être même à bloquer le processus électoral si les Cartes nationales d’identité ne sont pas mises à la disposition des Sé­né­galais dont une bonne majorité de jeunes, mais aussi des adultes. A Podor, quand on cherche une Carte nationale d’identité, il faut aller jusqu’à l’arrondissement de Mbane. Vous vous rendez compte de cela ? Demander à un Podorois qui n’a pas les moyens, de quitter Podor, de quitter la Route nationale et d’aller non pas à Richard Toll, non pas à Dagana, mais d’aller à Mbane où il y a un centre de collecte et de traitement. Et tout ce que le ministre de l’Intérieur a dit sur des cartes en stock qui n’ont pas été retirées, c’est de la poudre aux yeux. Qu’est-ce que le fait que des Sénégalais n’aient pas voulu retirer leur carte a à voir avec l’autre fait que des Sénégalais n’en disposent pas. Si ces Sénégalais-là ne sont pas venus retirer leur carte, cela est de leur responsabilité. Mais on ne peut pas faire payer ceux qui attendent le laxisme de ceux qui n’ont pas voulu aller chercher leur carte. Je trouve que c’est une position farfelue, anachronique, mais tout simplement de mauvaise foi. Bennoo doit saisir ce problème à  bras-le-corps et faire plier le gouvernement. Car sur cette question-là, je sais que le gouvernement ne reculera pas, il va jouer avec la montre, il va nous dire au 10 juin que tout est terminé alors que rien n’a encore commencé (…)
Bennoo, c’est un éléphant. Ce n’est pas une gazelle pour parler comme Ségolène Royal. L’éléphant, ça se déplace difficilement. Donc il faut que les états-majors en parlent, il faut sortir les moyens d’organiser cette marche-là. Tout cela, je le con­çois, n’est pas facile. Mais je pense qu’il faut prendre à bras-le-corps cette affaire, sinon psychologiquement on se sera mis en situation de faiblesse par rapport au gouvernement (…)»

WADE ET SES INCOHERENCES

Le retour de Cheikh Tidiane Sy à la Justice, c’est seulement lié aux incohérences de Abdoulaye Wade, une fois encore. Avait-il démissionné ou avait-il été démis ? Pendant que les gens se posent la question, il le fait revenir, ce qui anéantit même l’interrogation première. Tout cela montre que Wade a absolument perdu la main. Il fait une chose aujourd’hui, il fait absolument le contraire le lendemain. Ce qui m’intéresse par rapport à Cheikh Tidiane Sy, c’est quand même la situation judiciaire préoccupante dans notre pays. Je suis avocate depuis plus de vingt ans, je n’ai jamais assisté une seule fois à une grève des magistrats. Et ça s’est produit, et pendant une semaine. Et quand les magistrats, des gens con­nus pour être conservateurs, prudents, sur la réserve, vont jusqu’à faire la grève, c’est que la situation est extrêmement grave. C’est la res­ponsabilité du gouvernement, à com­mencer par le ministère de la Justice, d’examiner les revendications des magistrats, de les satisfaire pour ce qu’elles ont de normale et d’acceptable et pour le reste, de discuter. Vous savez, le propre d’un ministre, c’est de discuter. Il est tous les jours en face de la demande sociale, il est bien obligé de la régler d’une façon ou d’une autre. S’il n’y arrive pas, c’est qu’il a échoué et il faut qu’il parte. Mais avec Wade, tous les partants sont revenus, ce n’est pas une première.

Les propos de Wade, on ne peut jamais les prendre comme des propos de vérité et de rigueur. Ça c’est un. Deuxièmement, il y a quand même une nuance importante dans sa déclaration. Il a dit que si le peuple descend «en masse». Quand considérera-t-il qu’il y a de la masse pour partir ? Notre souhait ce n’est pas de faire partir Wade par la rue, parce qu’à ce moment-là on ne sait pas qui va s’installer ; mais c’est de le faire partir à la suite d’élections normales, libres et transparentes. Depuis dix ans on se bat pour cela. Un proverbe arabe dit qu’on ne jeû­ne pas un an pour couper avec une sauterelle. Alors on ne se sera pas battus dix ans pour sauvegarder le Sénégal, son modèle démocratique, son système, sa stabilité sociale pour qu’à quelques mois de ce que nous pensons pouvoir être le grand soir, mettre les gens dans la rue, mettre le pays dans le chaos et dans la violence. Maintenant, si au sortir de l’élection présidentielle, Wade est battu et qu’il s’accroche au pouvoir, c’est une autre donne, et à ce moment on prendra notre responsabilité et on fera tout d’une façon ou d’une autre pour le faire partir, y compris par la rue.»

LES SENEGALAIS PEUVENT FAIRE COMME LES EGYPTIENS…
Pensez-vous que ce qui peut se faire dans les autres pays ne peut pas se faire au Sénégal ? Pourtant Wade pense le contraire, lui. Il pense même que les Sénégalais seront un jour dans la rue. Vous savez, les Sénégalais sont des êtres humains, ne pensez pas qu’on est fait autrement. Il va arriver un moment d’intolérance, d’injustice, d’exaspération, qui mettra les Sénégalais dans la rue, comme cela a mis les Egyp­tiens, les Tunisiens et tous les autres dans la rue (…)

lequotidien.sn

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