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Casamance: A bâtons rompus avec César Atoute Badiate, chef d’état-Major du Maquis . « Nous voulons des negociations, maintenant » ! (entretien au coeur de la jungle)

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César Atoute Badiatte, chef d’état-major de la branche armée du maquis (Attika) du Mfdc, est formel : ils veulent la fin de la guerre et le démarrage des négociations le plus rapidement possible. Ils nous l’ont martelé avec force le vendredi 5 février dernier dans leur Qg (quartier général) de Kassolol, au cœur de la verte forêt casamançaise, à quelques encablures de la frontière avec la Guinée Bissau. Trois heures durant, le « général » Badiatte et une partie de son état major, ont martelé leurs convictions pacifistes et déclarent que désormais, la balle est dans le camp du gouvernement. Entretien exclusif !

La Sentinelle : On remarque depuis quelques jours la reprise des hostilités. Pourquoi ?

César Atoute Badiatte : La reprise des hostilités provient de l’armée. Nous nous attendions à aller à la table des négociations avec le gouvernement sénégalais, au lieu de cela, l’armée, au mois d’août dernier, a provoqué nos hommes qui allaient vendre leurs produits fruitiers à Ziguinchor. Ils n’étaient pas armés. Ils leur ont demandé s’ils n’avaient pas rencontré des rebelles en venant ; ils ont répondu non. On leur dit : comment pouvez vous venir de cette zone et ne pas rencontrer de rebelles. Par la suite, ils ont trouvé nos gars dans les rizières à Darsalam et ils ont tiré, mais malheureusement pour eux, leurs Aml (autos mitrailleuses légères) ne pouvaient pas pénétrer dans les rizières. Je le répète : si on ne peut pas régler la situation par des négociations, on peut toujours essayer de la régler par les armes. Mais cela fait vingt huit ans que cela dure et j’espère qu’ils ne veulent pas vingt huit autres années de guerre.

S : On dit que vous avez des dissidents et que ce sont eux qui sont à l’origine des récents accrochages. Qu’en est- il exactement ?

CAB : Il n’ya pas de dissidents dans le maquis. Ce qu’il y a, c’est que les gosses ont attendu des mois des négociations qui n’arrivaient pas. Et vous savez, par ailleurs, dans chaque armée, il ya des têtes brûlées, des radicaux qui n’aiment pas rester des mois sans activités, en mourant de faim. Et comme ils sont armés, ils vont chercher de quoi manger. Sans notre consentement bien sûr ! Je le répète encore une fois : nous voulons aller à des négociations le plus rapidement possible. Nous n’avons jamais voulu de la guerre, et nous ne la voulons pas aujourd’hui encore. Mais nous posons un préalable avant toute négociation : des assises inter Mfdc de toutes ses composantes (militaire, politique, civile) dans un pays voisin pour discuter de notre position, désigner des négociateurs avec le gouvernement du Sénégal.

S : Pour ces assises, qu’attendez vous du président Wade ?

CAB : Nous attendons que diplomatiquement, il prenne contact avec ses homologues de Guinée Bissau ou de Gambie ; nous n’avons pas de préférence. Ensuite, qu’il nous aide matériellement pour l’organisation de ces assises. Par ce qu’il y’aura des gens qui viendront de partout dans le monde. On veut la paix et la négociation, cette étape d’assises est inévitable.

S : Mais le gouvernement dit attendre que le Mfdc se réunifie pour parler d’une seule voix. Et on dit que vous êtes divisés en plusieurs factions ?

CAB : Ceci est absolument faux ! De Kassolol à Tamba, Sédhiou, Bignona, tous les combattants sont sous mes ordres. S’ils en veulent la preuve, demain, je peux déclencher des attaques simultanées sur tout le long de la frontière. De kassolol à Sédhiou. Mais je ne crois qu’il faille en arriver là, pour qu’ils aient la preuve que je contrôle le maquis. Moi non plus, je ne le veux pas.

S : Que faites vous du groupe de Salif Sadio ?

CAB : Salif, nous lui avons tendu la main pour discuter, se réconcilier, mais il n’a pas accepté notre main tendue. S’il le veut, même aujourd’hui, on se rencontre, on discute et on va ensemble aux négociations avec le gouvernement du Sénégal. Et puis, le président Wade, même dans son parti, il ya des divisions. Même dans son gouvernement si l’on en croit les radios qui rendent compte de frictions. Alors ? Dire qu’on attend qu’ils s’unissent pour négocier, c’est en réalité refuser de négocier. Et puis quand on veut négocier, on commence à le faire avec le groupe le plus important, celui qui a la majorité. C’est comme ça que cela se passe dans le monde entier.

S : Seriez vous prêts à rencontrer le président Wade à Dakar s’il vous le demandait ?

CAB : Jamais ! Vous nous prenez pour des fous ou quoi ? Nous, aller à Dakar ? Et puis quoi encore ? Vous nous voyez débarquer à Dakar avec nos hommes armés et lui, entourés de ses soldats. Tout le monde serait nerveux et ce ne serait pas une atmosphère propice à des discussions saines. Et puis, le Mfdc est vaste…

S : Nkrumah Sané dit qu’il est le secrétaire général du Mfdc, qu’il est le chef du maquis. Qu’en est-il exactement ?

CAB : Nkrumah joue le rôle d’intérimaire. Il était le second de Abbé, et quand celui est décédé, il a pris l’intérim. Mais pour nous le maquis, il n’est pas notre chef.

S : Il a déclaré c’est lui qui a déclenché les dernières hostilités ?

CAB : Il raconte ce qu’il veut. Et puis, s’il y a des frictions dans le maquis, c’est lui le responsable. Si lui ne veut pas la paix, s’il ne veut pas négocier, qu’il arrête de créer des zizanies dans nos rangs. IL est là bas en paix et il veut envoyer les gens se faire tuer.

S : Est-ce que vous posez des conditions à d’éventuelles négociations ?

CAB : Bien sûr ! D’abord le retrait de l’armée sénégalaise des nouvelles bases, comme Youtou, Effok, Emai, etc. En fait, tous les cantonnements créés à partir de 1992. Du reste, lors des négociations entre le gouvernement du Sénégal et l’Abbé Diamacoune en 2OO4, cela figurait dans les accords. Je pense que les accords de 2OO4 peuvent être une bonne base de négociations. Parcequ’on ne voit pas comment on peut négocier si l’armée occupe des villages entiers. Ils disent qu’ils protègent les populations contre le maquis, mais c’est faux ; les populations sont des otages. A Effok, par exemple, quand tu veux voyager, on te fouille et il faut avoir des laisser-passer. Je ne crois pas qu’on protège ainsi des populations.

S : Si le président dit oui à des négociations, accepterez vous de déposer les armes ?

CAB : Si dans le même temps il accepte de faire retirer son armée des nouveaux cantonnements postérieurs à 1992 comme cela avait été signé en 2OO4 avec l’Abbé, il n’y aura pas de problèmes. Actuellement, aucun combattant ne peut aller rendre visite à ses parents, alors que cela était possible avant. Je répète : retrait de l’armée et libre circulation des personnes et des biens. Ceci est contenu dans les accords de 2004 signés par l’Abbé. On n’invente rien. Ces accords existent et avaient été signés par les deux parties.

S : Si vous aviez un message à envoyer au président Wade, que lui diriez vous ?

CAB : Je lui dirai de regarder les souffrances des populations casamançaises. Que les casamançais veulent vivre en paix comme le reste des populations du Sénégal. La guerre se passe en Casamance et ce sont les casamançais qui meurent. Même dans les troupes envoyées ici, il y a plus de casamançais que tout autres ressortissants des autres régions. Nous le savons, ce sont des soldats casamançais qu’on envoie ici en majorité.

S : Une chose bien que pour le Sénégal, il n’est pas question de négocier l’indépendance. Alors quoi négocier ?

CAB : S’il ne veut pas) discuter de l’indépendance, qu’il rencontre au moins les gens pour leur demander ce qu’ils veulent. Il doit entendre les gens. Nous ne sommes pas des rebelles, mais des séparatistes. Nous ne sommes pas des bandits encore moins des délinquants. Si je me rappelle bien, le Sénégal et le Mali étaient dans une même fédération et le Sénégal en est sorti, s’est séparé du Mali sans problème. Pourquoi pas la Casamance ?

S : Vous n’avez peut-être pas compris ma question : j’ai dit que le Sénégal n’acceptera pas l’indépendance et vous parlez de séparation ?

CAB : J’ai dit qu’il entende d’abord ce qu’on a à dire avant de dire que je ne discute pas de ça et de ça. Discutons, on verra bien ce sur quoi on peut s’entendre. Vous savez que la Casamance a un monument aux morts ; des casamançais qui sont morts pour la patrie. Il se trouve à côté de la Gouvernance.

S : je l’ai vu. .. Vous parlez aussi d’internationaliser le conflit, comme Monsieur Niasse a suggéré un envoyé spécial de l’Onu pour entendre les parties en conflit. Qu’en pensez-vous ?

Cab : Mais c’est Wade qui refuse, parce qu’il dit qu’il a la force. C’est une bonne proposition. Mais, même s’il nous tue tous, nous mourrons dans la vérité comme le disait l’Abbé. Il y a eu assez de morts et, ceux qui parlent de nous anéantir, nous le maquis, ce ne sont pas leurs enfants qui meurent, leurs enfants sont ailleurs au chaud. Si le gouvernement a une volonté sincère pour la paix définitive, il doit nous écouter, discuter avec nous, aider à l’organisation d’assises inter-Mfdc pour qu’on discute entre nous, qu’on désigne nos délégués aux négociations.

S : Récemment les khalifs généraux des mourides et des tidjanes ont aussi appelé à des négociations, les avez-vous entendus et qu’en pensez-vous ?

CAB : Oui, nous les avons entendus. Ce qu’ils ont dit, c’est ce que nous disons aussi, c’est ce que nous demandons depuis longtemps. Mais le problème, c’est que ceux qui parlent de paix ne sont jamais venus ici nous voir, nous parler. Certains qui parlent de paix veulent s’enrichir sur notre dos. Si Wade est un vrai croyant il doit écouter ce que ces grands marabouts ont dit.

S : Et les cadres casamançais ?

CAB : Ces gens-là sont des frères casamançais. Nous, on ne rejette personne. Tous ceux qui veulent œuvrer pour la paix, c’est d’accord.

S : Revenons sur le cas Nkrumah pour que je comprenne bien ce que vous pensez de lui ?

CAB : Je vous l’ai dit : il était l’adjoint de l’Abbé et quand celui-ci est mort il est devenu intérimaire puisqu’il n y a eu pas de congrès depuis lors. Mais je répète que Nkrumah a divisé le Mfdc. Si le Mfdc se réunit comme nous le demandons, on trouvera un autre secrétaire général. En tout cas, que ce soit clair : nous l’aile combattante, nous n’agissons pas pour lui. Il est peut être secrétaire général du Mfdc mais pas de l’aile combattante. S’il ne peut pas œuvrer pour la paix, qu’il arrête de diviser le Mfdc. Nous, les combattants, nous souhaitons nous concerter pour discuter si nous voulons l’indépendance ou pas ; Nous souhaitons aboutir le plus rapidement possible à des négociations.

africanglobalnews.com

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