La première panacée pour une nation mal dirigée est l’inflation monétaire, la seconde est la guerre. Les deux apportent prospérité temporaire et destruction indélébile. Les deux sont le refuge des opportunistes économiques et politiques.
[Ernest Hemingway]
Extrait de Notes sur la guerre – Septembre 1935
Ce conflit en Casamance est pire qu’une guerre classique, dans la mesure où, les règles observées en général dans les guerres classiques, ne sont pas appliquées ici à savoir : épargner les populations civiles et leurs biens, de toutes représailles, d’exactions et de destruction, autant que possible.
Nous assistons impuissants depuis quasiment trente ans, à cette sale guerre, absurde dans le fond, qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Non seulement elle a duré, mais elle perdure avec son cortège de drames inacceptables. Et pourtant, si seulement, les deux parties –Le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) et L’Etat du Sénégal- avaient le moindre souci d’épargner la vie des populations innocentes et de sauvegarder les immenses potentialités économiques, sociales et culturelles inestimables de la région Sud, elles auraient avec une volonté réciproque affirmée, procédé bien autrement. Ou bien, si elles tenaient alors compte du caractère des liens fraternels indissociables, de consanguinité entre toutes ces populations victimes de ce conflit, qui n’oppose en fait que les citoyens d’un même pays, unis par de multiples liens sociaux et culturels de tous ordres, et qui ont tout en commun pour vivre en harmonie, dans un parfait commun vouloir de vie commune. Mais hélas !
Cette guerre absurde, comme le sont bien, la plupart, a un fondement d’injustice sociale notoire, sans aucun doute. Cette injustice, provoquée par un Etat peu prévoyant qui manquait totalement de vision prospective sur la réalité sociale. Un pouvoir qui n’avait d’yeux que pour accaparer, au profit des siens, les biens de la nation, fruit d’efforts collectifs de tout un peuple. Il a ainsi redistribué les terres de façon inéquitable, en ignorant totalement l’intérêt des principales concernées, les populations locales du terroir.
La Loi de la décentralisation qui a donné naissance au Code des Collectivités locales qui était censée remettre certaines compétences qui relevaient de l’Etat central aux pouvoirs locaux, était une avancée notable dans la démocratie locale. Comme le rappelle clairement la réforme en ces termes : « Le principe général qui inspire cette réforme, (………), se résume en deux mots, liberté et proximité. Des autorités décentralisées et proches des citoyens, libres de leurs décisions, des représentants de l’Etat sur le terrain dotés de pouvoirs déconcentrés, un contrôle de légalité adapté et rapproché. » Ce principe directeur, a été totalement dévoyé par les gouvernements successifs de notre pays. Et l’esprit même de la loi tel que, exprimé clairement en ces termes par le Code des collectivités locales:
« 1. – Il est temps de mieux répondre à l’exigence du développement économique en créant entre
les administrations centrales de l’Etat et les collectivités locales de base des structures
intermédiaires, les régions destinées à servir de cadre à la programmation du développement
économique, social et culturel, et où puisse s’établir la coordination des actions de l’Etat et celles
des collectivités. », a été aussi violé. Et aujourd’hui, au lieu d’avoir des entités de collectivités locales viables, fortes, capables de s’administrer démocratiquement à travers leurs élus et se développer de façon autonome, non, nous nous acheminons plutôt, irrémédiablement vers la balkanisation du Sénégal, avec les découpages administratifs fantaisistes en cours. Ainsi, la subdivision par Me Wade et son ministre des collectivités locales actuelles, avec un soubassement politicien et électoraliste, en plusieurs entités de coquilles vides, peu viables et coupées des réalités locales, parce que ne répondant ni ne respectant, l’esprit et la lettre de la réforme, est une balkanisation qui ne dit pas son nom.
Alors, le MFDC, ou ceux qui sont supposés le représenter, en cherchant à réparer les torts commis maladroitement par l’Etat, ont utilisé malheureusement une méthode de solution qui n’appelle que la violence, et une violence aveugle, qui ne sait pas distinguer les populations civiles des cibles militaires hostiles, censées venir de l’extérieur donc, étrangères. Ou bien ne sait pas faire la différence entre, défendre une cause juste au profit des populations et commettre des actes d’injustices répréhensibles. Le MFDC, dont la première tâche constante devait être, la protection par tous les moyens des populations civiles de la région, n’y parvient malheureusement pas, à cause d’une direction clanique et des chefs de clan qui se font la guerre à mort. Dés lors, se dresse contre lui, un obstacle majeur interne, difficilement surmontable, pour devoir s’atteler à sa mission principale et primordiale, à savoir : défendre les intérêts de la région, de ses populations civiles et leurs biens, ainsi que la protection des ressources et potentialités économiques.
En lieu et place de tout cela, nous sommes témoins malgré nous, de constater des pertes innombrables en vies humaines de nos concitoyens, suite à des attaques meurtrières, dirigées contre de paisibles populations qui n’ont commis aucun tort et n’ont rien à voir avec ce conflit. Elles n’ont jamais été consultées ni avant ni pendant pour donner leur avis sur les tenants et les aboutissants d’une guerre qui leur est imposée. Leur « tort » c’est d’être victimes par le fait de se trouver malencontreusement sur le théâtre des opérations de guerre. Et, il s’ajoute à ce drame que nous déplorons tous profondément en tant que Sénégalais, la destruction des immenses potentialités économiques et touristiques de la région. C’est triste comme spectacle et contre nature comme actions supposées révolutionnaires ! Et ce bilan macabre peu honorable, devrait interpeler l’Etat et le MFDC à prendre leurs responsabilités devant l’histoire, en s’asseyant enfin autour de la table de négociation –sans même aucune intervention étrangère- pour mettre fin aux souffrances des populations de Casamance, meurtries par une guerre absurde qui n’a donné jusqu’ici aucun résultat probant sur les objectifs visés, depuis 30 ans. Donc, complètement inutile et regrettable !
En vérité et au regard des tractations et autres tergiversations, de tous ces intervenants guidés plus par des intérêts égoïstes, plutôt que la recherche d’une paix définitive durable, ce conflit n’est pas loin d’être un refuge d’opportunistes économiques et politiques. Pourtant, les populations ne demandent rien d’autre, sinon qu’à vivre en paix, sur les terres de leurs ancêtres. Ces attaques contre les populations civiles, synonymes de razzia, attribuées à des rebelles, supposées appartenir au MFDC, sont injustifiables par rapport à l’objectif véritablement supposé, que visait, le MFDC originel. Cet amalgame est à élucider par le MFDC lui-même pour sa crédibilité, car entre les rebelles qui pillent et les propres éléments du MFDC, la confusion est telle, que tout le monde s’y perd, parce que la différence est simplement ténue. Il faut oser dire au MFDC que : le MFDC demeure certes un Mouvement mais, il cesse d’être une Force, parce qu’éclaté en plusieurs morceaux inconciliables ; Démocratique, il ne l’est non plus, parce que les décisions ne se prennent plus par concertation des membres et par la majorité ; Casamance, là aussi pas tout-à-fait, car les populations qu’il est censé défendre ou protéger sont constamment attaquées, chassées de leurs terres, leurs récoltes pillées ou détruites par des bandes rebelles qui se réclament de lui, sans que leurs allégations aient été démenties, par qui de droit. Alors le MFDC a besoin de se réhabiliter aujourd’hui pour redorer son blason suffisamment terni, auprès de toutes les populations sénégalaises car, la Casamance est membre à part entière du Sénégal et la guerre qui s’y déroule, fait mal au cœur à tous les Sénégalais, patriotes, épris de paix et de bonne foi.
Ce conflit qui n’a que trop duré oppose en fait, un Gouvernement irresponsable à un mouvement indépendantiste d’autant irresponsable, le MFDC. Car, apparemment toutes les deux parties ne prennent conscience jusqu’ici de la réalité sur le terrain et des conséquences tragiques que ce conflit trentenaire a provoquées avec son bilan effroyable en perte de vies humaines de citoyens, tous Sénégalais. Elles ne comprennent pas que ce conflit est un problème national qui concerne tout le peuple sénégalais en entier. Et aucune solution durable ne devrait être envisagée en dehors de lui. Il en est de même, que la solution militaire par les armes devrait être exclue comme cas de figure de la résolution du conflit. Par conséquent, la seule et unique solution envisageable, la moins coûteuse en pertes de vies humaines et la plus sage, demeure cette voie obligée, qui est la négociation autour de l’essentiel et, sur des bases justes qui prennent en compte les intérêts supérieurs des populations locales d’abord, le tout dans le cadre d’un Sénégal uni et indivisible.
En tout état de cause, l’Etat ne doit pas perdre de vue, que la sécurité des populations sénégalaises, où qu’elles puissent se trouver à l’intérieur des frontières du pays, est de son ressort exclusif. Une armée nationale a été mise à sa disposition pour la défense du territoire et de nos frontières, en vue de la sécurisation des populations et leurs biens. A cet effet, toutes les dispositions doivent être prises pour mettre l’armée nationale dans les conditions optimums d’exécution de sa mission de défense. L’armée ne doit point admettre que des bandes armées sèment la terreur parmi nos populations à partir de nos frontières, à plus forte raison à l’intérieur de celles-ci. On constate que nos frontières sont très poreuses et perméables surtout dans sa parte Sud. Alors, il est aujourd’hui de la responsabilité de l’armée d’y mettre fin absolument, en y installant des casernes dignes de ce nom, avec tout l’équipement nécessaire, pour empêcher les incursions des bandes armées. Mais pour cela, les mains de l’armée devront être totalement déliées par le pouvoir. C’est un devoir impérieux dans le cadre du règlement du conflit en Casamance
L’autonomie du Commandement de l’armée nationale pour ses missions ne devrait souffrir d’aucune ambigüité. Elle doit s’exercer sans entraves, en fonction de son appréciation de la situation du moment et de l’attitude des forces qui lui sont opposées. On ne cantonne pas une armée quelque part, une armée se déploie sur l’étendue du territoire nationale pour répondre, partout le devoir l’appelle. En dehors d’elle et les forces paramilitaires, aucune autre force ne devrait être plus autorisée à porter des armes dans la République.
Avec les perspectives dégagées par les conclusions des Assises nationales, nous fondons un espoir réel, que le problème de la Casamance trouvera une solution de paix. Mais au paravent, Le MFDC devra tenir ses propres Assises, d’envisager la paix en déposant les armes pour se mettre au service la nation pour un Sénégal uni. Le prochain régime d’après Wade, prendra à cœur le conflit de la Casamance qu’il règlera définitivement et durablement. Il fera de sorte aussi, qu’une pareille situation, née d’injustice sociale insupportable, ne se produise plus dans aucune région du pays. C’est un gage de stabilité. L’échéance de 2012 est une chance offerte aux patriotes et forces vives de notre pays, pour nous débarrasser de tous ces déprédateurs, qui ont tout détruit sur leur passage, notamment toutes nos valeurs de référence. Ce n’est que dans ces conditions-là que la reconstruction de la Casamance et tout le Sud du pays pourra se faire avec le maximum de chances de réussite. Me Wade a géré notre pays dans l’iniquité totale et il est foncièrement injuste.
Voilà pourquoi, la région Sud de Casamance, de concert avec toutes les autres du pays, devra prendre une part active, pour le départ de Wade et son clan, de la direction de notre pays. L’homme est un diviseur et non un rassembleur, or notre pays a grandement besoin de rassembleur, pour en fin travailler et développer nos potentialités tant en ressources économiques qu’humaines.
« Le plus grand mal, à part l’injustice, serait que l’auteur de l’injustice ne paie pas la peine de sa faute. »
[Platon]
Extrait de Gorgias
Mandiaye Gaye