Les médias relayent depuis quelques jours l’implication de l’Eglise dans la recherche de solution à la crise casamançaise. A priori, la pensée semble très belle puisque ce conflit n’a que trop duré. Mais aussitôt une question me tourmente : « pourquoi l’Eglise n’a jamais affiché une position ouverte et officielle depuis plus de trente ans« ? Si les médias en parlent autant c’est parce que c’est un acte que l’on a attendu trop longtemps jusqu’à en désespérer.
D’autre part, si les informations sont vraies, le cardinal a demandé à l’Etat « de ravitailler les rebelles en vivres et médicaments pour faire cesser les braquages et autres actes de brigandages« . Voici une déclaration indigne d’un homme aussi cultivé et raisonnable. Le clergé qu’on a toujours qualifié de circonspect aurait pu continuer dans son mutisme au lieu de s’adonner à une sortie aussi inopportune. C’est simplement une insulte à la mémoire des milliers d’innocents qui ont perdu la vie dans une guerre injuste. C’est un affront pour ces milliers de personnes qui ont sauté sur des mines ou qui ont vu leurs familles se disloquer. Il serait plus décent de demander aux rebelles des cesser de piller et de tuer s’ils croient en Dieu.
Comment demander à l’Etat de nourrir des bandits pendant que les honnêtes citoyens tirent le diable par la queue ? On voit bien que son Eminence, cloitré dans son palais, ignore les réalités de ce pays.
Tous ces gens : politiciens, journalistes et experts qui parlent de la Casamance semblent ne vouloir faire étalage que de leur pédantisme. Depuis plus de trois décennies, nul n’a pu sortir ne serait-ce qu’un début de solution. A chaque fois, les Sénégalais ont assisté à des pourparlers déloyaux où chacun mordaient sur ses principes tout en faisant semblant d’être la partie la plus disposée à la conciliation. Pendant tout ce temps, le sang et les larmes ont continué de couler à flots comme la chose la plus normale du monde.
J’ai fini par m’écœurer de la mentalité de la plupart de nos compatriotes qui consiste à penser : « tant que ça ne m’arrive pas, ce n’est pas encore mauvais« . Mais ceux qui ont perdu un être cher dans ce drame, ceux qui ont tout perdu à jamais et ceux qui ont encore un brin de compassion dans le cœur savent que ce qui se passe en Casamance est indigne d’un humain.
Je l’avais dit, je le répète ici et je ne cesserai d’y croire : le Sénégal est en guerre dans la partie sud de son territoire. Il doit alors prendre conscience de la détermination de ses ennemis et réagir en conséquence. Si on continue à faire de ce fléau un sujet tabou que personne ne doit aborder pour dénoncer les exactions des rebelles, cela n’empêche pas ces derniers de camper sur leur position d’indépendantistes et de perpétrer les pires forfaits.
Tant qu’il me restera un souffle de vie, je ferai écouter au monde entier les complaintes de mon cœur qui ne sont que l’écho des cris de détresse venus de la Casamance. Ces complaintes ne peuvent pas faire taire les armes, mais je reste convaincu qu’elles hanteront jusque dans la tombe tous ceux qui ont provoqué, entretenu ou minimisé une injustice qui n’aurait pas dû voir le jour.
Momar Ibn Sidaty