Selon certains astrophysiciens il y aurait des univers parallèles à celui que nous vivons, mais que nous ne pouvons guère percevoir. J’avoue que le littéraire que je suis ne comprend pas grand-chose à ce charabia, mais je sais que nos rêves sont déjà des univers parallèles. Dieu créa le monde par le verbe (Logos), l’homme l’imita et créa une infinité de mondes par sa fantaisie. Comment pourrions-nous même à proprement parler vivre sans cette capacité à nous projeter au-delà du réel et à lui opposer des réalités plus commodes ?
Exilé dans un univers parallèle, je rêvai d’une autre perception-organisation de la riposte face à la pandémie actuelle. Je me demandai si nous étions vraiment embarqués dans le bon wagon, si la voie que nous avions prise était vraiment la meilleure pour nous. Je m’interrogeai sur la pertinence de cet alignement systématique sur les mesures prises par la France ; je me demandai si, nous inspirant de la distanciation sociale, nous ne ferions pas mieux d’adopter une distanciation stratégique à l’égard des pays du nord ; s’il n’était pas opportun d’apprivoiser la science en fonction de nos réalités… je rêvai.
Je continuai de rêver, et mon rêve me parut si agréable que je ne voulus guère le perturber. Je vis mon gouvernement prendre des mesures pour la première fois révolutionnaires :
– Chercher à voir s’il n’y avait pas des facteurs objectifs endogènes autres que la prise en amont de chloroquine qui pourraient expliquer la résilience (réelle ou supposée) des Africains que nous sommes face à cette maladie ; de circonscrire une bonne fois pour toutes l’efficacité préventive de cette recette jusqu’ici utilisée à titre curatif.
-Produire une masse importante de masques pour rendre son port obligatoire et projeter de rouvrir les classes à partir du 4 Mai en adoptant le système de rotation (comme dans le double flux, vu que la réduction horaire est moins préjudiciable que la télé-école). Je rêvai de voir mon gouvernement privilégier la distribution de masques et des produits hygiéniques pour embourber le moins possible la production et la consommation locales.
-Arrêter le populisme et le calcul politique qui motivent cette précipitation à donner des vivres partout, sans une étude sérieuse préalable. Transformer ces vivres en bourses alimentaires ( ?) distribuées aux ayant-droits dans la plus grande discrétion et de façon plus facilement traçable.
Je continuai de rêver voir les Africains s’écarter des paradigmes de la pratique capitaliste de la médecine en arrimant leurs recherches et leurs financements sur les besoins de leur population ; de ne pas se laisser épouvanter ni divertir par les prédictions alarmistes ; de ne pas trop idéaliser le rééchelonnement de la dette qui fait avant tout l’affaire des investissements français et étrangers chez nous.
Je rêvai de faire comprendre à mes compatriotes que ceux qui réclament un organisme mondial de contrôle des naissances vous cachent cette insolente réalité : rien qu’entre le 1e Janvier et le 14 Avril 2020, 26.566.375 voitures ont été produites ; rien qu’en 2017 on en a produit 93 millions ! Et ils osent parler de surpopulation de la planète ? N’avez-vous pas vu qu’ils préfèrent remplir le monde de futilités matérielles en le vidant de l’humain ? Je rêvai de voir mon peuple devenir plus féroce dans les échanges et de rompre avec la candeur qui consiste à croire qu’ils veulent et peuvent notre bien. Tenez : 4, 66 naissances par seconde contre trois voitures par seconde, voilà l’étalon de la société de consommation où l’homme lui-même est devenu à la fois consommateur et produit de consommation.
Saviez-vous, vous qui êtes à l’état de veille, qu’il y a 4.600 jets privés dans le monde ? Qu’en 2018, on dénombrait environ 14.827 avions militaires au monde ? Saviez-vous qu’il y a aujourd’hui près de 13. 443. 014 chambres d’hôtels de luxe ? Qui épuise alors les richesses de la planète ? Nous qui mangeons du couscous, du riz, du fonio ? C’est quoi d’ailleurs ces philanthropes qui vous conseillent de limiter les naissances et qui sont si inquiets de vous voir mourir en masse ? Réveillez-vous si tel est votre choix, quant à moi, je préfère continuer mon rêve !
Je rêvai de voir les Africains ne pas rêver d’un monde post-covid.19 moins impitoyable et plus juste pour eux ; je rêvai de voir les Africains définir des solutions endogènes à nos problèmes en tirant des leçons pragmatiques de cette maladie ; de considérer qu’elle pourrait être une providence pour nous.
Le semi confinement avait peut-être embrouillé mon bon sens, mais pas ma fantaisie ; alors je rêvai encore et encore…
Alassane K. KITANE
Quel plaisir de te lire! Merci de nous avoir fait rêver, même pour le temps d’une lecture.