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Ce Sénégal que j’aime pour une exigence citoyenne, culturelle et créative ( Par Amadou Lamine Sall)

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« Politique culturelle, volonté politique, action publique», comme tel se définit le projet du Mémorial de Gorée désormais devenu projet « d’Initiative Présidentielle» comme a voulu le décider et le grader le Président de la République Macky Sall. Notre fierté va également au musée des civilisations noires, au Grand Théâtre à secourir pour être mieux placé en orbite, au légendaire théâtre national Daniel Sorano qui doit vite ressusciter en créativités nouvelles et en coopération théâtrale internationale.
Partout les administrateurs s’activent et promettent des programmes qui honorent nos attentes culturelles. Ils réussiront.
La culture est à la fois « expression artistique »créative et « activité militante ». Ne pas transiger avec l’histoire, c’est donner sa part à un héritage culturel puissant qui arrose votre nom pour l’éternité. Il faut souhaiter que les princes laissent du patrimoine ! Tel sera le Mémorial de Gorée et il ne faut jamais se lasser de le dire, de le hurler, même. 
Tenez, et par ailleurs, si dans le cadre des projets proposés, on confiait le parvis de la gare de Dakar aux artistes pour le décorer et l’immortaliser ? A l’entrée, son ciment nu est moche et triste. Il y faut de la lumière, du relief, comme le magnifique bâtiment de la gare l’atteste lui-même, et dont la réhabilitation est un pur bonheur, surtout de nuit.
Que peut- t’on aller visiter à Dakar avec des amis étrangers et s’éblouir ? La mer, rien que la mer et il faut aller la chercher ! D’ailleurs, sous peu, on ne la verra plus, car des espaces bigarrés et affreusement aménagés, commencent à la masquer tout le long de cette splendide mais si désespérante
corniche qui peine à être protégée. 
Passez par là, pour découvrir l’insolence du désordre ! Et la vie continue, le cœur brisé pour ceux qui prennent le temps de regarder, de constater le gâchis. La vue sur mer et à loisir est difficile. Combien d’automobilistes et de promeneurs passent par la Corniche sans même poser un œil sur son
environnement ? Mais regarder, n’est-ce pas aussi un art ? Qui prend le temps de sortir de sa maison ou aller à sa fenêtre pour contempler le ciel la nuit et ses étoiles ? Combien d’entre nous n’ont pas vu depuis longtemps les étoiles ou écouter le chant des oiseaux… si on en trouve encore à Dakar ? Nous ne nous souvenons que des étoiles de notre enfance, bien loin de cette ville appelée Dakar. Confions donc notre corniche, pour y veiller, à l’Ordre des architectes -Tiens, il est où d’ailleurs cet Ordre ? – ou a un Comité ad-hoc avec une direction collégiale où la gendarmerie et l’armée sont représentées, de même que la présidence de la République, les ministères de l’Urbanisme, du Tourisme, de la Culture ! Un premier rapport de constat et d’évaluation sera remis à Monsieur le président de la République. Suivront des rapports annuels avec évaluation des résultats. Outre ceux qui seront coptés avec rigueur, l’Ambassadeur de Tombouctou, toujours collant, me chuchote : « Ajoutons-y entre autres, les architectes Mbacké Niang « l’abeille », Jean-Charles Tall « l’éclectique », Mamadou Berthé « le tisserand », Chérif Diattara « le créatif », Abdoulaye Émile Diouf « le discret », Pierre Goudiaby Atépa « l’aigle » , Moctar Ba « l’inspiré », actuel président de la Plateforme pour l’Environnement et la réappropriation du Littoral – Perl -».
« Je n’aime pas les architectes compétents. J’aime les architectes audacieux, atypiques, au crayon sans gomme. », me dit l’Ambassadeur de Tombouctou. Encore lui ! Tenez, j’ai lu que François Mitterrand rêvait d’être un architecte. Dans tous les cas, il le fut politiquement. C’est cela que l’histoire a retenu de lui sans oublier son héritage comme patrimoine artistique : le nouveau Louvre avec sa Pyramide, pour ne citer que cela.
Nous militons, outre la décoration que nous souhaitons inédite du parvis de la gare de Dakar, que soit également confiée à l’imagination des artistes sénégalais la décoration des bus de Dakar Dem- Dikk, afin d’en faire des œuvres d’art mouvantes qui circulent et qui donnent à notre plate et sombre capitale, un peu de lumière et de fantaisie. De même pour le nouveau parc des « Ndiaga-Ndiaye», dont nous lisons qu’il est en route d’être installé, devrait également être confié aux artistes et décorateurs nationaux, pour faire couleur, originalité, éclat et identité nationale. Nous sommes un pays de soleil.
Nous avons besoin de couleur et de lignes pour imprimer par le génie de nos artistes, une identité à notre capitale. La platitude, l’insipide et le moche d’aujourd’hui sont insoutenables. Une politique publique artistique doit être instaurée, suivie, évaluée ! Des commandes publiques annuelles doivent être programmées. Il ne s’agit pas seul d’un combat de l’État, mais des collectivités locales également.
Les mécènes sont également interpelés.
Nous gardons un souvenir difficile du quartier de Dakar Grand-Yoff où nous résidons. Un artiste ingénieux et généreux avait installé sur un rond-point nu, une superbe sculpture. Nous apprendrons, plus tard, que le maire l’avait fait enlever. Pourquoi ? Nous ne savons point ! Tout ce que nous savons, c’est que notre maire des HLM Grand-Yoff, que nous n’avons d’ailleurs jamais vu depuis son mandat, devrait, s’il a un conseiller culturel, faire appeler cet artiste humilié, s’excuser et remettre en place la sculpture, sauf raison valable. Pour dire que ce sont nos « élites » – méritent-elles ce terme si respectueux ? – qui doivent se recycler, être à niveau, occuper admirablement leur fonction. Il est difficile de croire que dans ce pays qui s’appelle le Sénégal, ce pays de lettres, d’art, de culture, nanti d’une intelligentsia savoureuse et pointue, puisse être gouverné de cette manière, en dehors de toute considération créative et artistique ! Douloureux à vivre ! Les hommes politiques doivent nous permettre cet aveu !

Par ailleurs, nous avons trouvé courageux et ambitieux de bâtir une nouvelle ville comme Diamniadio, l’œuvre historique, entre autre, du Président Sall. Le Mémorial de Gorée sera l’œuvre totémique de ses mandats présidentiels. Nous avons rêvé en suivant de loin l’édification de Diamniadio et son évolution, qu’elle puisse être à la fois une cité moderne, avant-gardiste, mais surtout novatrice et originale : une nouvelle ville, mais une nouvelle ville rangée, organisée, mélodique, harmonieuse, chatoyante. Mieux encore : surtout une ville respirante, une ville d’oxygène enfouie dans une forêt à l’Amazonienne. Pour dire combien on doit y planter beaucoup, beaucoup d’arbres, y créer des bois de ville et des parcs. Cela devrait être une exigence pour l’État comme pour les privés, avant même que leur projet d’architecture ne soit dessiné. Cela devrait être une exigence pour la protection de l’environnement et dans cette perspective inquiétante d’un monde au climat dilaté et imprévu.
 
Quelque chose doit différencier le Sénégal et Dakar des autres pays et capitales du monde. Pour l’instant, rien que du béton et point d’audace architecturale à la soudano-sahélienne. De grâce, ne ressemblons pas à Dubaï, Paris ou Londres ! Nous pouvons être plus beaux en étant plus créatifs, plus identitaires, comme hier Djenné, Tombouctou, où une inventivité architecturale créative a fait œuvre de patrimoine mondiale de l’humanité.
Nous nous dissolvons, nous nous perdons, nous errons. Chacun construit ce qu’il veut, comme il veut, quand il veut, où il veut. L’architecte Mbacké Niang écrit et dénonce au lendemain du drame  du vendredi 1 er octobre 2021 au samedi, à Hann/Bel-Air, d’un immeuble à usage d’habitation de deux étages effondré : «… le choix délibéré de la règle dite informelle du mal planifier, du mal conçu, du mal construit, et du mal habiter pour enfin mourir soit inondé ou écrasé ». Comme il a raison !Tout est dit ! Prions pour les six disparus… en attendant les autres morts à venir ! Intervenons, enfin !
Pour ce qui relève des projets d’infrastructures de l’État, ils doivent répondre à une esthétique négro- africaine intégrant des équipements technologiques modernes de dernière génération. En matière d’espace de vie en société, nous refusons le vivre ensemble en grâce, propreté, repos et harmonie.
Regardez ce que sont devenus le quartier Fann-Résidence et les Sicap. Senghor ne s’en relèverait pas, le pauvre ! Et dire qu’il s’agit juste de faire respecter notre code de l’urbanisme !

L’État ne sévit point ! Le Sénégalais – nous ne disons pas le « citoyen » – s’en donne à cœur joie et impose ses propres règles selon son bon vouloir en flagrant « délice » ! C’est le cas de le dire ! L’ignorance charbonneuse, la bêtise fétide, l’analphabétisme glacial, le paraître débile, la vanité débile,
l’indiscipline gratuite, maladive et agressive, l’orgueil pourri, conduisent notre pays dans le gouffre.
D’aucuns disent déjà que nous avons même atteint le fond et que l’on ne peut aller plus bas. Il faut y mettre un terme par une implacable autorité de l’État. En moins chinois, cela veut dire sévir, punir, traquer, emprisonner – dommage que l’on ne puisse fouetter comme dans certains pays – en faisant respecter, sans trembler, nos lois et règlements. C’est à ce prix, quoique cela puisse coûter, que nous mettrons un terme à cette folie d’indiscipline et de crimes. Ici, il importe, sans hésiter, de dire un merci d’altitude à nos forces de sécurité.
Nous avons toujours rêvé de voir le ministère de l’Intérieur – les gros yeux et les grosses oreilles de l’État -, avec un budget dédié, mettre en place des équipes en civil motorisées, sillonnant de long en large Dakar et ses banlieues, pour surprendre les délinquants, voyous, marginaux, chauffeurs fous. Il faut que chaque Sénégalais sache que la moto qui est près de lui, ou à proximité, ou qui passe, dans la circulation, dans la rue, peut être un agent de l’ordre en civil qui les a à l’œil. Il faut faire planifier cette peur sur le pays. Bien sûr, aucune liberté n’est menacée. N’est menacée que la liberté
irrespectueuse de la vie en société.
Nous nous sommes imaginé le bienheureux Khalife Général des Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, l’homme au sourire de sucre et de soleil, comme d’ailleurs Serigne Babacar Sy Mansour le véridique et tous les autres merveilleux khalifes Layène comme Niassène comme
Qadiriyya, intimer l’ordre, chaque vendredi, sans se lasser, à faire lire leur sermon par tous les imams à l’endroit des millions de talibés musulmans et à tous croyants, à savoir : respecter le bien public en société comme on respecte le Coran. Respecter son voisinage et ne lui porter aucun tort. Ne point conduire des véhicules sans être en conformité avec les lois. Mettre sa ceinture de sécurité et demander aux autres de la mettre. Éteindre sa radio de bord quand un passager payant embarque dans votre véhicule. Ne jamais cracher par dessus bord. Ne jamais jeter par dessus bord des mouchoirs, sachets d’eau ou tasses de café. A défaut de demander aux « taximan » de descendre et d’ouvrir la porte aux femmes, s’arrêter là où il faut, et sans danger, pour débarquer son ou ses clients. Tous les chauffeurs urbains ou transrégions, compris. Nos chefs religieux doivent beaucoup s’investir dans l’éducation civique en tout lieu et en tout temps. Leur voix compte, sinon plus que toute autre !
Nous n’avons jamais pu comprendre comment un agent de l’ordre – avec nos respects – peut, sous ses yeux, le cure-dent à la bouche, laisser passer sous son regard, sa complicité et sa responsabilité, un cyclomoteur au conducteur sans casque, un véhicule sans pare-choc, ni phare, ni essuie-glaces, ni vitres arrière, de véritables « s’en fout la mort » ?  Vous la connaissez cette histoire authentique d’un chauffeur de « car rapide » affirmant au policier qu’il était désolé de ne pouvoir céder le passage, car il n’avait plus de marche arrière, sa boîte à vitesse était déréglée ? Notre pays lui, se doit d’avoir une bonne boite de vitesse !
Revenons à la culture ! Elle est ordre, beauté, sérénité, apaisement, grandeur, humilité. L’art est notre avenir. La culture notre refuge. En construisant le Mémorial de Gorée à l’architecture avant-gardiste fascinante, inspirée de la souffrance des esclaves, de la tragédie de la traite, des sables et des légendes du Sahel, le Président Macky Sall et son ministre de la Culture Abdoulaye Diop, accomplissent le rêve d’une diaspora mondiale et de millions de Noirs de toutes les cultures qui ont attendu si longtemps, si longtemps. Nos nous inclinons devant cette volonté politique généreuse, lucide, sereine et visionnaire, face à des défis économiques et sociaux monstrueux et d’un temps cruel et douloureux du monde qui
affronte, désarme, annihile souvent les projets et défis culturels jugés secondaires. La culture c’est d’abord l’accomplissement de l’être et l’être n’est pas secondaire. Il y faut un Président fort, armé, serein, informé, cultivé surtout, juste, équitable et qui sait que seule la culture porte l’histoire. Qu’elle
seule accomplit l’homme.
En ces temps ténébreux et brutaux du monde où tous les peuples vivent sous la même peur, seule la culture, seules les valeurs d’une société et d’un peuple décident de la différence, de la grandeur, de la singularité à faire face et à contenir les fléaux. Le Sénégal est grand. Ne le rapetissons pas. Ceux qui le minorent se minorent eux-mêmes. Ceux-là ont rebroussé chemin. Ils sont hors du temple tutélaire. Ils ont trahi leur initiation dans la mémoire de ceux qui savent.
Notre vitrine culturelle s’accompagne de son éthique et de ses valeurs de civilisation. Il n’existe pas de vitrine culturelle forte sans singularité identitaire forte. L’abeille sort forcément de la ruche pour aller chercher du pollen. Tel nous devons être. Nous ouvrir. Sortir de notre ruche. Devenir nous-mêmes tout en devenant l’autre en le rencontrant dans l’enrichissement et en l’acceptant, pour le rejoindre dans l’universel. Notre culture est à la fois notre principal bouclier, notre principale ouverture au monde et
pour le pire, notre propre rejet de l’autre, par enfermement et inculture.
 
Plaise ou non aux fossoyeurs de ce pays, le Sénégal grandira, quitte au goutte-à-goutte, avec le temps qu’il faut, mais il grandira face à l’adversité, au mauvais monde, parce que béni. Le Président Sall fait son job. Comme il le juge nécessaire. Il a été élu pour cela. Lui en vouloir c’est en vouloir d’abord au peuple sénégalais qui l’a élu. Il développe sa politique de développement. Au peuple sénégalais de juger, chacun selon son camp, le moment venu. Il vient toujours ce moment. Il ne sert à rien de se presser. Nous nous sommes souvent demandé pourquoi il fallait en vouloir au prince et non au peuple qui l’a élu s’il sort d’élections démocratiques, reconnues et validées comme telles ? Si le peuple ne s’est pas trompé, tant mieux. S’il s’est trompé, tant pis. Il apprendra à mieux choisir une autre fois.
Quant à ceux qui aspirent au trône – car c’en est un -, c’est leur droit. Mais celui qui occupe le trône a aussi le droit de défendre son fauteuil. C’est au peuple à qui il faut s’adresser et qu’il faut convaincre et non le prince en exercice. Il n’accomplit, mal ou bien, que la mission qui lui a été confiée. La
preuve est que si le prince aspire à d’autres mandats conformes à la loi fondamentale, il s’adresse au peuple, à l’électorat. Pas à l’opposition. Alors pourquoi cette dernière s’essouffle t-elle à le pilonner, à le cibler, à le critiquer ? Ne serait-il pas mieux de s’adresser directement à l’électorat, en tout bon sens ? Mais le plus difficile, me dit-on, c’est justement le bon sens. Peut être aussi que je me trompe !
En somme, la vérité réside dans une seule certitude : il faut réinventer un autre mode de faire de la politique et d’élire des gouvernants ! Mais comment le faire, telle est la question et l’énigme.
Au moment où nous clôturons cette contribution, nous recevons un coup de téléphone d’un ami. Nous parlons de l’actualité du monde, de la mort de Bernard Tapie, de la France face au Mali et face à ses anciennes colonies. Mon ami dit ceci que je traduis en ces termes : « Le cordon culturel ombilical entre la France et l’Afrique était nourri par la Francophonie. Par la culture. Les intérêts économiques et financiers de la France ont pris le pas sur le cordon culturel ombilical. Mais voilà que l’actualité nous démontre que quelque chose est entrain de changer. La France a compris que le pouvoir d’influence n’est plus entre les mains des politiques, mais entre celles de l’intellengsia. Le dernier Magal de Touba l’atteste avec « l’allégeance » rapportée de la France à travers le Général Michel Delpit. Le Sommet France-Afrique de Montpellier appelé par Emmanuel Macron et dont le magister est confié au professeur et écrivain Congolais Achille Mbembe, en est une autre preuve édifiante.
Deux choses liaient la France à l’Afrique : l’influence et l’attachement. L’influence est définitivement perdue. L’attachement des africains à la France s’est effrité. La jeunesse africaine se veut désormais libre et conquérante. Il ne va plus rien rester entre la France et l’Afrique que l’affrontement et le rejet.
Le Mali le prouve. La culture seule pourrait encore maintenir le cordon ombilical parce qu’il y a la langue française et elle compte, quoique ! L’inculture des élites politiques africaines comme françaises, a conduit au pire. Macron l’a compris et essaie de sauver ce qui peut être sauvé avec le sommet culturel et intellectuel de Montpellier. S’il s’il n’est pas déjà trop tard. ». Ceci méritait d’être ajouté ici. Merci Maître !
« Minuit n’est pas loin … un siècle oculaire et des tombes sonores » arrivent. Un État est « un prolongement de devoirs » à accomplir ! Un peuple n’est pas un camp d’otages ! La culture seule nous sauvera de notre incapacité à vaincre notre misère d’âme ! Nous ne sommes que des hommes et les
hommes savent quand ils sont nus, même habillés. Seul l’esprit ne rend jamais nu

 !Octobre 2021.

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