Gouvernement fédéral ou confédéral africain dès 2011 ; intégration africaine ; la mise en commun des ressources de l’Afrique ; la bonne gouvernance, l’application des conclusions des assises, le monument de la Renaissance africaine, ce sont là quelques unes des questions abordées par Cheikh Hamidou Kane. Ecrivain, homme d’Etat, ayant pris part au Directoire des assises, le Doyen est toujours aussi alerte et pertinent. Nous vous proposons la première partie du long entretien qu’il nous a accordé. Dans notre édition de lundi, il sera question de son œuvre littéraire…
La Sentinelle : Est-ce qu’il faut attendre la prochaine présidentielle ou le prochain candidat de Benno s‘il y en a un, pour appliquer les résultats issus des assises nationales et dont les réflexions étaient orientées sur les problèmes économiques et socio culturels du pays, résultats que le gouvernement refuse de consulter ?
Cheikh Hamidou kane : Les assises nationales sont une initiative sénégalaise dont il faut beaucoup se féliciter. C’est une initiative conjointe et politique, d’un certain nombre de partis politiques et d’une très grande majorité de la société civile. C’est cette rencontre qui constitue les assises nationales, et je me félicite que ceci se soit produit au Sénégal. Au moment où on nous sollicitait pour prendre part à ces assises, nous nous étions félicités de cela et nous avions espéré que le président Abdoulaye Wade, son parti et ses alliés, y auraient pris part. Ce n’était pas des partis politiques de l’opposition qui ont voulu que ces assises se tiennent et qui ont entrepris de cette manière, une façon de s’opposer au régime en place. Mais c’est ce qu’il a pensé bien qu’au départ, nous avons souhaité que le président Amadou Makhtar Mbow aille le voir, pour lui expliquer ce que nous voulions et lui demander de faire partie de ses assises, mais il n’a pas voulu, il ne l’a pas compris de cette façon. Je considère que ces assises sont une réaction saine du Sénégal, car elles ont eu le mérite de susciter la participation, pas seulement d’une classe intellectuelle, ou des dirigeants modernes et traditionnels politiques et de la société civile, mais elles ont permis au peuple et à la diaspora d’y prendre part sur la base de termes de références conçus préalablement. Ces assises ont permis de décortiquer des suggestions et des idées venues de toutes parts sous forme de conclusions. Et on a tendance à voir d’avantage les conclusions relativement par son coté politique, des institutions. Mais ça, c’est le sommet de l’iceberg, la partie immergée qui est relative aux politiques menés dans ce pays depuis l’indépendance à nos jours, à leurs succès, à leurs échecs, à leurs insuffisances qu’il convient de corriger. Cette partie immergée est moins connue bien qu’elle soit bien détaillée dans les conclusions des assises. Pour moi, les partis politiques, parties prenantes aux assisses, qui sont une trentaine, sont en train de réfléchir, pour voir quelles seront les prochaines étapes, et quand ils finiront de réfléchir, ils reviendront au sein des assises nous rendre compte des consensus, car nous le voulons. Notre objectif n’est pas d’aboutir à l’élection d’un président de la république, l’objectif des assises, c’est de changer fondamentalement la gouvernance du Sénégal à la lumière des insuffisances constatées durant les cinquante années et aux vues des améliorations proposées par les assises. Les assises ne seront pas achevées par la prochaine élection présidentielle car, il ne s’agit pas de mettre un autre homme qu’Abdoulaye Wade pour le mettre sur le même siège, avec les mêmes institutions, avec les mêmes pouvoirs. Mais il s’agit de changer fondamentalement en conformité non seulement avec la charte de bonne gouvernance mais aussi avec les politiques telles qu’elles ont été imaginées et proposées par les participants aux assises dans les rapports que nous sommes entrain de finaliser et qui vont être diffusés. Comme Obama l’a dit à Accra, l’Afrique n’a pas besoin d’homme providentiel mais d’institutions qui marchent, et c’est ce qui se rapporte au Sénégal. Le Sénégal a besoin d’institutions, d’une politique et d’une gouvernance qui soient à la hauteur de ses besoins et de ses capacités, et nous avons les élites qu’il faut pour cela. D’ailleurs, une des raisons qui prouvent que les assises ont bien réussi ce sont les élections de 2009. Les gens qui sont dans l’opposition depuis 2000 n’ont jamais réussi à le battre, mais ils ont pu le battre dans les plus grandes villes du Sénégal lorsqu’ils ont été inspirés par les conclusions de la gouvernance recommandée par les assises.
La sentinelle : Pensez-vous qu’ils resteront unis « Bennoo » pour la Présidentielle de 2012 ?
C.H.K : Je ne sais pas. Je leur fais confiance, car ils ont signé la charte de bonne gouvernance qui leur fait obligation de mener les assises jusqu’à la mise en place des institutions et des politiques nouvelles. Si jamais ils se divisaient, ce serait une erreur grave et déplorable de la part des leaders politiques, parce que s’ils se divisaient au point que le prochain président de la république considère qu’il n’est pas tenu de procéder au changement tel qu’il ressort dans la charte de bonne gouvernance, dans les conclusions des assises, ils commettraient une erreur, ils auront échoué. De la même manière,je me souviens, d’après ce qu’on a dit, Abdoulaye Wade avait convenu avec tous les leaders de l’opposition de l’époque qui l’avaient rejoint, que lorsqu’on l’élirait,il changerait la gouvernance par rapport à ce qui existait du temps de Abdou Diouf .Après cela, il s’est séparé de tout ce monde- là .C’est la même chose qui risque de se passer cette fois si on met l’accent seulement sur les hommes et qu’on ne met pas l’accent sur ce qui est l’essentiel, c’est-à-dire le changement des institutions le changement de la gouvernance au sénégal.
L.S : Voyez- vous Moustapha Niasse se désister au profit de Tanor, de Bathily, de Dansokho et vice –versa ?
C.H.K : Ce n’est pas à moi de dire ça. J’ai une admiration pour chacun des présidentiables, mais ce qui me semble important, c’est de sauver le pays en changeant les institutions, en mettant en place de nouvelles politiques. Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Macky Sall, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, ils ont tous pris part à la gouvernance de ce pays comme moi-même. Malgré notre participation, depuis Senghor jusqu’à maintenant, le pays n’a pas atteint l’optimum de ce qui pourrait être. C’est ce que les assises ont démontré. Il faut que nous comprenions que le problème ce n’est pas celui des hommes, mais celui des institutions de la gouvernance telle qu’il ressort des assises. Je pense pouvoir compter sur leur intelligence, leur patriotisme pour comprendre ça, et ils ne doivent pas faire des calculs.
L.S : Le président Wade a annoncé sa candidature en 2012 et tout le monde parle de son âge. Est-ce vous croyez que l’âge a quelque chose à avoir là dans. Est-ce vous croyez qu’il serait sage à 84 ans qu’il brigue un troisième mandat ?
C.H.K : Je ne crois pas que l’âge soit nécessairement un handicap bien que quand on a atteint un certain âge, on aspire au calme, à la méditation plutôt qu’au tiraillement politique, aux joutes électorales. Je ne crois pas aussi qu’un grand âge soit nécessairement un handicap et la jeunesse un atout en ce qui concerne la gouvernance. Donc voilà la réponse que je peux apporter c’est que ce n’est pas une question d’âge, j’avais cru comprendre que même au moment où il demandait que la constitution soit modifiée et que la durée du mandat du président passe de cinq ans à 7ans, il avait dit que cela ne le concernait pas lui. Il pensait qu’après lui, celui qui serait élu avait besoin de 7 ans pour comprendre à la lumière de son expérience propre. Bon, il dit qu’il est candidat en 2012, c’est une espèce de retour à ce qu’il avait dit. J’avais cru comprendre qu’il avait dit que son mandant finirait en 2012.
L.S : Il est question de la polémique sur le monument de le renaissance africaine quel est votre avis là-dessus ?
C.H.K : Je ne suis pas opposé aux symboles, je pense que c’est important d’avoir des symboles symbolisant la Renaissance. Cela me parait plus important que le fait que toutes les élites politiques et autres se mobilisent pour réaliser cette renaissance africaine et à mon avis la première condition pour que cette renaissance ait lieu, c’est l’intégration africaine. On a beau multiplier les statues africaines, même si elles sont des statues convaincantes, pertinentes, représentatives de la renaissance africaine on a beau mettre autant de statuts de renaissance africaine qu’il y a d’Etats africains c’est-à-dire 52 Etats ou 55 Etats cela ne nous mènera pas à la renaissance africaine. Ce qui nous mènera à la Renaissance Africaine, c’est l’intégration politique, économique. C’est je crois, là que les élites et les dirigeants doivent rivaliser. Il faut que les élites et les dirigeants rivalisent pour dépasser les petits pays que nous connaissons maintenant c’est une faiblesse telle que nous ne convainquons personne. Ce continent qui a un potentiel très riche au plan démographique, au plan économique, au plan environnemental, au plan des matières premières. Et nous avons aujourd’hui un continent dont les habitants sont les plus pauvres au monde. Pourquoi cela ? À cause de notre division. Nous ne sommes pas totalement décolonisés, nous ne sommes pas totalement indépendants, nous le saurons au moment où nous aurons effacé les séquelles de la colonisation. Et ces séquelles de la colonisation qui s’opposent le plus aujourd’hui à notre progrès, ce sont les frontières artificielles mises en place par les étrangers. Et je crois que c’est ça l’objectif. Il faut l’intégration africaine, il faut une intégration des Cinq régions. Si demain, ou à la fin de l’année 2010, dès 2011, par miracle, les pays décidaient désormais de mettre en place un gouvernement fédéral africain en donnant à ce gouvernement les pouvoirs les plus significatifs pour gérer nos matières premières, nos richesses, vous allez voir que du jour au lendemain, l’Afrique va retrouver sa vraie place dans le monde et les gens vont nous faire la cour.
On continue de venir aujourd’hui à notre secours et au lieu que chacun de nos petits pays aille négocier pour ses matières premières, de son uranium pour que les nigérians dépendent de leur Areva, ou les congolais dépendant de leur pétrole, si tout ceci était géré par une autorité commune en Afrique, du jour au lendemain l’Afrique aurait été vue sous un autre angle. Elle serait respectée d’une autre manière ; on ne parlerait plus de notre absence de civilisation, ou du fait que nous n’avons pas marqué le monde. Le fond du problème à mon avis ce n’est pas un problème de monument, ni de drapeau, encore moins d’armée ce ne sont pas les symboles qui vont donner le pouvoir à l’Afrique, c’est l’intégration africaine et l’unité africaine.
Son experience dans l’administration Senegalo – africaine lui fait parler de l’importance et l’indispensabilite de fortes institutions basees sur une constitution et des lois qui definiront le mobile de l’activite politique , economique et sociale nationale .
Les succes economiques et politiques des USA , sont le reflet d’institutions fortes .Cependant , comme on dit , il ne s’agit pas seulement d’avoir etablir des institutions sans des hommes et des femmes vertueux , patriotiques qui placent l’interet national au dessus de tout .