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Cheikh Lô: « Youssou Ndour a été naïf »

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Le chanteur et musicien, Cheikh Lô n’est pas d’accord avec la décision de Youssou Ndour de mettre sa carrière musicale en veilleuse pour se consacrer à la politique et à sa fonction de ministre de la République. Il pense ni plus, ni moins que le chanteur « a été naïf ». Youssou pense toutefois qu’avec la culture qui lui a été enlevée, et « les loisirs » ajoutés à son ministère, il peut continuer à jouer son rôle d’ »acteur culturel ».

 

M. Lô, que pensez-vous de la qualité de la musique sénégalaise aujourd’hui ?

Je dirais que c’est la conception musicale qui pose problème aux musiciens. Sinon, il y a d’excellents musiciens au Sénégal, et ils sont nombreux. Mais comme je l’ai dit, c’est un problème de conception musicale qui se pose. Les gens suivent une vague musicale. Je crois qu’il est temps de se démarquer.

Quand vous parlez de vague musicale, vous pensez à quoi ?

Je pense au mbalax pur et dur. Pourquoi nos musiques ne passent pas sur certaines radios comme RFIalors que les musiques congolaises y passent. Je rencontre les musiques maliennes et guinéennes dans les grands festivals du monde. Mais je ne rencontre pas mes compatriotes Sénégalais. Cela me fait extrêmement mal. Je suis presque le seul Sénégalais à les côtoyer. Chaque fois que je vais dans ce genre de rencontres, je ne vois que d’autres cultures venues de pays du monde mais pas du Sénégal.

Selon vous, pourquoi le mbalax n’est pas vendable à l’étranger ?

Sur le plan mondial, certains l’écoutent. Mais c’est un peu brouillon, il y a trop de bruits. Il y a trop de tintamarre. Il faut qu’on revoit la conception musicale. Il faut aussi voir comment raffiner cette musique afin qu’elle soit accessible aux autres.

Pourtant, Youssou Ndour fait du mbalax et cela a bien marché pour lui même à l’étranger

Le mbalax n’a jamais marché pour Youssou Ndour. Il a connu du succès avec Seven Seconds. Ça c’est de la musique mais pas du mbalax, et ce qui lui a valu un disque d’or. Pour toutes les distinctions qu’il a eues, ce sont des musiques étrangères qui le lui ont valu. On n’a jamais eu de distinction avec la musique sénégalaise dite mbalax. Le mbalax n’a jamais marché, je le dis depuis longtemps. Le Sénégalais qui consomme cette musique la connaît et la maîtrise, ce qui n’est pas le cas de l’Ivoirien ou d’un autre non Sénégalais.

En plus de réformer le mbalax, comment faire avancer la musique sénégalaise vu qu’il y a de bons musiciens ?

Il faut que les gens fassent comme nous. Nous sommes sollicités partout à travers le monde. Pourquoi pas les autres ? Il y a une différence entre ce que nous proposons et ce que eux proposent. La différence notée s’explique par l’expérience acquise. Là, nous nous apprêtons à aller jouer à Nice pour l’inauguration d’un monument pour les tirailleurs sénégalais. Les membres du gouvernement français, ainsi que les hautes autorités de l’armée française, vont prendre part à la manifestation. Pourquoi ces gens-là m’ont choisi alors qu’il y avait des Maliens et d’autres Africains ? Ils m’ont choisi parce que j’incarne toutes les musiques de la sous-région au moment où les autres demeurent encore dans leurs coquilles. Donc, il y a une différence énorme.

Qu’est-ce qui fait la différence dans votre musique ?

Cheikh Lô a une longue expérience. Cheikh Lô n’est pas de la génération actuelle. J’ai commencé à faire de la musique en 1975. C’est trente sept ans de musique. Il y a beaucoup de gens qui font actuellement de la musique qui n’étaient pas encore nés à cette époque. L’expérience fait la différence.

Si on vous demandait de comparer ces deux générations, que diriez vous ?

Notre génération faisait de la vraie musique. Cette génération est meilleure que l’actuelle. Les musiciens des années 1970 avaient beaucoup de respect pour la musique et pour ce qu’ils faisaient. Ils y croyaient et, pourtant, ils n’avaient pas les moyens de leurs ambitions. À cela s’ajoute un refus catégorique des parents de voir leurs enfants faire de la musique. Et ceux-ci leur tenaient tête. Aujourd’hui, cela a changé, les parents amènent leurs enfants dans des écoles de musique. Ils investissent beaucoup d’argents afin que leurs enfants réussissent dans ce créneau. Souvent c’est pour rien car la passion n’y est pas.

Et si vous devez apprécier d’autres musiciens comme Baaba Maal ?

Baaba Maal n’est pas de la nouvelle génération, il est de la nôtre. Il est excellent dans ce qu’il fait et est authentique. Il fait du “Yella” et çà marche pour lui.

Qui est votre musicien préféré ?

Au Sénégal, il n’y a presque plus de référence. Youssou Ndour était une voix sénégalaise et africaine. Macky (Sall, président de la République du Sénégal) l’a choisi dans son gouvernement et éloigné de la musique. Il a tué ainsi la musique en le mettant dans un domaine qu’il ne maîtrise pas. Ce qu’il savait le mieux faire, c’est chanter et on l’a sorti du secteur. Cela porte préjudice à la musique et à Youssou Ndour. Il y a une voix sûre de moins. Macky devait le laisser continuer dans le chant. Ce qu’il a gagné dans la musique, il ne peut l’avoir dans le gouvernement de Macky Sall. Il a été milliardaire avant d’intégrer le gouvernement. Tout ce qu’il a, il le doit à la musique. Il va perdre des fans. Les musiciens avec lesquels ils travaillaient sont en congé forcé. Il ne devait pas suivre, il a été naïf. Il doit quitter le plus vite possible le gouvernement et revenir à la musique.

Si certains interprètent l’amputation de la Culture du département ministériel géré par Youssou Ndour comme une dévaluation, ce dernier estime au contraire qu’il retrouve une certaine liberté. Le ministre du Tourisme et des Loisirs annonce qu’il va reprendre le micro, loin de sa boîte de nuit le Thiossane, mais partout où ce sera nécessaire à travers le monde pour vendre la destination Sénégal.

EnQuête : Beaucoup estiment qu’on vous a dégradé en vous enlevant le ministère de la Culture. Quels commentaires ?

Youssou Ndour : Pour moi, c’est la vision que les gens ont du Département de la Culture. Il faut reconnaître que beaucoup ont une conception plutôt élitiste de la Culture. C’est une orientation intellectuelle qu’il faut bien prendre en compte. Et je comprends bien qu’on veuille assurer une certaine continuité. Je ne dis pas que je ne suis pas un intellectuel, mais j’ai une vision qui fait que je privilégie aussi l’économie de la Culture. Pour moi, l’aspect Xumb, qu’on pourrait comprendre par Folklore joue un rôle très important dans le développement de la Culture. Ce n’est pas le seul aspect… Donc je ne pense pas qu’il y ait eu dévaluation de quelque nature. Je pense plutôt que mon nouveau statut de ministre de la Culture et des Loisirs colle mieux à ce que j’ai envie de faire. Et vous allez bien voir…

Un artiste comme Cheikh Lô estime que vous avez délaissé votre rôle de leader dans la musique pour un poste ministériel…

Je suis bien conscient que je suis un acteur culturel. J’essaie de bien l’incarner. Et ce rôle qui me colle à la peau, je crois qu’il sera difficile de me l’enlever. Justement, tant que j’étais ministre de la Culture, ce rôle était difficile à jouer, je dois l’avouer. Mais avec les Loisirs, je peux bien jouer ce rôle.

En quoi faisant ?

Il s’agit pour moi de bien respecter le travail que je fais. Respecter mon travail, c’est l’accomplir avec tout le professionnalisme que requiert la fonction de ministre. Ce rôle-là, je compte bien le jouer en bonne intelligence avec le chef de l’Etat, le Premier ministre, les autres membres du gouvernement et les acteurs du secteur qui m’a été attribué. Je vais donc respecter mon travail et en même temps, je peux désormais tenir des concerts tout en restant dans la vision de mon ministère. Je suis aujourd’hui en mesure de faire beaucoup de choses. Il ne faut pas oublier que je suis aussi un développeur de culture.

N’avez-vous pas perdu la main depuis 7 mois qu’on ne vous a pas vu sur scène ?

Je ne le crois pas. Et puis il faut comprendre que je ne m’inscris pas dans une dynamique de compétition. Il s’agit comme je l’ai dit, de faire en sorte que cela participe à doper l’action que je mène par exemple dans le domaine de la Culture. Si je peux le faire pour la bonne marche des choses, pourquoi devraisje m’en priver ? Si par exemple le fait de jouer peut permettre de renforcer la destination parisienne au bénéfice du Tourisme au Sénégal, je ne vois pas pourquoi je ne le ferais pas. Et là, Tourisme et Loisirs sont liés. Je pense qu’il faut éviter d’être rigide, surtout lorsqu’on parle de développement d’un secteur aussi important que celui que je dirige.

Peut-on donc s’attendre à ce que Youssou Ndour joue par exemple au Thiossane Night Club ?

Non, je ne jouerai pas au Thiossane. Par contre, pour la reprise de Bercy, c’est tout à fait possible. Comme je vous l’ai déjà dit, je ne suis pas là pour les vieilles méthodes. Si je peux apporter quelque chose en jouant, je n’hésiterais pas.

Que devient votre mouvement Fekké ma ci boolé ? On a l’impression qu’il est en veilleuse…

C’est un peu excessif de parler de veilleuse. Pour moi, l’actualité, c’est ce que je peux apporter au pays dans le cadre de l’action gouvernementale. Je l’ai déjà expliqué à Aliou Ndiaye qui en est le Coordonnateur et il comprend parfaitement les urgences de l’heure pour le pays. Cela dit, c’est un mouvement qui continue à travailler. Mais je pense que l’urgence, c’est notre efficacité au niveau du gouvernement. Le moment venu, nous en parlerons

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