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Cheikh Mbengue, Dg Agence Cmu – « Nos besoins pour 2016 s’élèvent à 60 milliards »

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XALIMA NEWS – L’Agence de la Couverture maladie universelle voit les choses en grand. Née des cendres de la Cellule d’appui à la Couverture maladie universelle, l’Agence dirigée par Cheikh Seydi Ababacar Mbengue, compte dans un délai relativement court, donner un coup de fouet aux chiffres, relatifs à la couverture nationale, en passant de 47 à 75%, fixés comme objectif. Le défi paraît insurmontable, mais l’anthropologue et expert en Santé publique affirme pouvoir y arriver lui et son équipe, vu l’engagement du président de la République et de son ministre de la Santé. Dans la première partie de cet entretien, il fixe les priorités et estime ses besoins pour l’année prochaine, à 60 milliards de francs Cfa.

Depuis 6 mois vous êtes à la tête de cette agence, quels sont les principaux objectifs assignés à cette nouvelle agence, née des cendres de la cellule d’appui à la Couverture maladie universelle ?

L’agence de Couverture maladie universelle a été créée le 7 janvier 2015 pour prendre en charge le programme de la Couverture maladie universelle. Ce programme a été lancé en septembre 2013 par le président de la République, il était jusque-là mis en œuvre par une cellule rattachée au Cabinet du ministre de la Santé et de l’Action sociale.

Cette cellule a été créée en 2012, après l’accession au pouvoir du Président Macky Sall, parce que la Couverture maladie universelle est une des priorités de l’agenda politique du chef de l’Etat. Le programme était en phase d’élaboration et a été lancé en septembre 2013.

Après son lancement, il a été piloté par cette cellule mais en janvier 2015, le président de la République a estimé que l’ampleur des missions dévolues à cette cellule appelait la création d’une nouvelle structure pour la mise en place d’un dispositif institutionnel beaucoup plus performant, une mobilisation de ressources financières beaucoup plus soutenues et un recrutement de ressources humaines qualifiées qui s’ajouteraient aux ressources humaines déjà disponibles au niveau de la cellule.

L’objectif principal maintenant, c’est de mettre en œuvre le programme Couverture maladie universelle, qui est un programme comportant entre autres des volets relatifs à la gratuité des soins pour les enfants de 0à5ansetàlagratuitépourlespersonnes âgées de 60 ans et plus; C’est le fameux plan sésame.

Il y a également la gratuité de la césarienne et de l’hémodialyse. Et il y a un important volet d’assurance maladie à base communautaire, à travers les mutuelles de santé avec une cotisation de 3500 Francs Cfa par personne et par an et complétée par l’Etat à hauteur de 3500 francs par personne.

Donc, la personne se retrouve avec 7000 francs, qui lui permettent d’accéder aux soins avec une couverture de 80% par la mutuelle de santé. C’est tous ces programmes que nous sommes chargés de mettre en œuvre avec un objectif fort, qui est d’améliorer l’accès financier aux soins.

C’est à dire que cela part du constat des difficultés auxquelles les populations sont confrontées pour accéder aux soins et justement, les différents mécanismes qui constituent la Couverture maladie universelle permettent aux populations, d’accéder aux soins plus facilement, soit par la gratuité ou par la subvention.

Le premier volet, c’est la gratuité des soins pour les enfants de 0 à 5 ans, au bas de la pyramide sanitaire, mais au niveau hospitalier, qu’est-ce que vous comptez-faire dans le court terme, pour passer à la gratuité des soins hospitaliers ?

La gratuité des soins pour les enfantsde0à5ansdupointdevue de l’objectif, c’est une gratuité qui doit concerner tous les niveaux de la pyramide de soins. Mais, la démarche qui a été adoptée par le gouvernement est une démarche graduelle, qui se veut réfléchie et méthodique, qui consiste à dire : «Nous allons mettre en œuvre le processus par étape pour tirer des leçons, avancer de manière méthodique et éviter des erreurs

On a vu dans le passé, des programmes mis en œuvre sans études préalables, sans une réflexion soutenue. C’est cela que le gouvernement veut éviter. Donc, tout ce qui se fait depuis 2012 se fait de manière méthodique et réfléchie. C’est pour cela qu’il a été décidé d’y aller par étape.

La première étape entre septembre et décembre 2013 a été de dire, seules les consultations dans les postes et centres de santé sont gratuites, en plus de la consultation en urgence et la consultation en référence dans les hôpitaux.

Dans un second temps, à partir de janvier 2014, il a été décidé que toutes les consultations, les médicaments et l’hospitalisation seraient gratuits au niveau des postes et centres de santé. On va vers une nouvelle phase que l’agence va mettre en œuvre, les études ont été réalisées, les décisions politiques vont être prises bientôt pour qu’on élargisse le paquet.

Pour qu’on l’élargisse d’abord au service d’aide au diagnostic, c’est-adire les analyses, le labo et autres au niveau des centres de santé, parce que pour l’instant, ça ne fait pas partie. Ça va entrer dans le paquet et on va l’élargir aussi à des services hospitaliers, jusqu’à quel niveau ?

Ça va dépendre des études qui vont être faites et des discussions que nous aurons avec le ministère des Finances et les plus hautes autorités. Parce que ce qu’on veut, c’est avoir la capacité de financer toutes les politiques qui vont être mises en œuvre.

C’est une question de crédibilité pour le programme. Il n’est pas question qu’on s’engage sur des services qu’on va rendre gratuits, alors que derrière, on n’aura pas la possibilité de les financer. A chaque fois qu’on va avancer, ce sera sur quelque chose de sûr.

On a vu avec la cellule, que la communication ne passait pas concernant la gratuité pour les enfants de 0 à 5 ans, au niveau de l’agence, quel est le plan de communication prévu pour mieux sensibiliser les Sénégalais ?

Les questions de communication se posent à deux niveaux : une bonne communication, c’est d’abord un bon plan, mais c’est aussi un bon dispositif institutionnel. Une organisation qui a une bonne stratégie, mais qui n’a pas un bon dispositif organisationnel, ne communique pas bien.

Du point de vue de la stratégie de communication, un plan de communication existe déjà, il a été élaboré par la cellule. Nous allons le réviser et tenir compte du nouvel environnement. Il y a également le fait que la cellule n’avait pas les moyens financiers qu’il lui fallait pour dérouler un plan de communication parce que ça coûte cher. Avec l’agence, ces moyens existent, le dispositif institutionnel est important, parce que la cellule n’avait pas la possibilité d’avoir des bureaux dans les régions, maintenant nous allons mettre un bureau dans chaque région.

Ça veut dire que cette stratégie de niveau national qui a été élaborée, va avoir des déclinaisons au niveau régional, qui seront supportées par le bureau régional où il y aura un responsable de la communication. Il aura la possibilité de signer des contrats avec les radios locales, communautaires, traduire les messages dans les langues nationales etc.

Ce dispositif organisationnel permettra à la communication de mieux marcher. Autre chose, nous allons mettre en place une direction de la communication qui ne pouvait pas exister avec la cellule. Une cellule ne peut pas avoir de direction. Mais dans le dispositif de l’agence, il est prévu la mise en place d’une direction de la communication.

Jusqu’ici, le talon d’Achille du programme, c’est la communication. Les autorités en sont conscientes et tout le monde en est conscient. C’est justement une de nos priorités.

Vous avez tantôt évoqué le deuxième volet de ce programme qui concerne les personnes âgées de 60 ans et plus. Mais, les craintes de certaines personnes, c’est de commettre les mêmes erreurs que le plan Sésame. N’avez-vous pas ces craintes ?

J’ai l’habitude de dire que le problème qu’on a avec le plan Sésame, c’est qu’il a une très mauvaise réputation. Pourtant, c’est un plan qui est bon, du point de vue du concept, de la générosité de l’idée. Parce que rendre les soins gratuits pour les plus âgés d’entre nous, c’est vraiment quelque chose de très noble. Mais malheureusement avant 2012, le programme était sous-financé et parce qu’il était sous-financé, il avait la réputation d’un programme généreux, mais qui ne marchait pas, parce que les structures de santé n’étaient pas payées.

Après 2012, des financements importants ont été apportés à ce programme. C’est à dire que le Président Macky Sall a refinancé le plan Sésame et aujourd’hui, je peux vous dire que les dettes qui étaient dues aux hôpitaux, ont été épongées, sauf pour trois grands hôpitaux pour lesquels il y aura un plan d’apurement, qui va être discuté avec eux.

Mais pour tous les autres hôpitaux, la dette a été épongée. Ils ont reçu leurs chèques, il y a quelques jours. Mais pour les trois hôpitaux, les sommes sont assez importantes et elles vont être négociées.

Quels sont ces trois grands hôpitaux ?

C’est l’hôpital de Fann, l’hôpital de Grand-Yoff et l’hôpital Principal. Mais maintenant, il va falloir qu’on gère mieux ce programme, du point de vue du contrôle médical. Parce que l’une des faiblesses du plan Sésame, dans le passé, c’est que les gens avaient signé le contrat et avaient laissé le programme couler. Aujourd’hui, la dette du plan est essentiellement due à l’hôpital Principal, parce que simplement quand les gens avaient conçu le programme avant 2012, ils n’ont pas réglé le problème de la tarification de Principal.

Principal est un établissement public de santé certes, mais qui a une tarification proche du privé. Alors, vous ne pouvez pas mettre en œuvre un programme de gratuité pour appuyer ceux qui n’ont pas la possibilité de se soigner et appliquer des tarifs qui sont proches du privé. Le résultat est qu’on se rue vers Principal et on se retrouve avec une dette énorme.

Maintenant, il faut qu’on arrête cette pratique, avec une discussion avec l’hôpital Principal, sur une tarification spécifique ou alors instaurer des plafonds. Dire par exemple que si le service offert par l’hôpital Principal est facturé deux ou trois plus cher qu’ailleurs, on paie mais en nous arrêtant au niveau de ce qui est appliqué ailleurs. La deuxième chose, c’est la question du contrôle médical. Dans un système d’assurance ou dans un système de gratuité, il faut qu’il y ait un contrôle médical.

Malheureusement, l’essentiel du contrôle qui était fait jusqu’ici, était un contrôle administratif, mais il faut aller au contenu et vérifier s’il n’y a pas de sur-prescription. Est-ce qu’il n’y a pas certains prestataires qui vont se dire : «C’est gratuit, facturons pour que les gens nous paient», parce qu’il n’y avait pas de mécanisme de contrôle ni rien.

Maintenant, dans le nouveau dispositif institutionnel, nous aurons une cellule du contrôle médical et cette cellule va régler le problème du contrôle médical sur l’ensemble du territoire. Cette même cellule va discuter avec les prestataires sur les protocoles techniques.

Le plus grand défi aujourd’hui, c’est l’adhésion des personnes aux mutuelles de santé. Qu’est-ce qui est en train d’être fait pour encourager les gens à aller vers ces mutuelles ?

Je dois rappeler que depuis les années 90, il y a de petites expériences de développement des mutuelles de santé, qui avaient commencé dans la région de Thiès autour de l’hôpital Saint Jean de Dieu, avec des villages comme Fandène. C’est des expériences qui étaient encouragées par l’Eglise catholique, qui voulait justement que les personnes qui sont dans cette zone, puissent se faire soigner en liaison avec l’hôpital Saint Jean de Dieu. Donc, ça a commencé depuis longtemps et ça a essaimé dans le pays.

Mais le problème était que c’était des expériences très faibles, parce que les populations n’ont pas assez de ressources pour un niveau de cotisation élevé, qui puisse permettre d’accéder à des soins de niveau élevé. C’est pour ça que le programme de Couverture maladie universelle prévoit une cotisation de 7000 francs, qui va donc permettre à ces populations d’accéder aux services du poste de santé à l’hôpital.

Mais une cotisation subventionnée, c’est à dire que les gens cotisent 3.500 francs et ils accèdent au service de quelqu’un qui a cotisé 7.000 francs, parce que l’Etat a ajouté 3.500. C’est la première mesure, qui est une mesure incitative.

Le gouvernement a décidé de commencer par une expérience pilote dans 14 départements à raison d’un département dans chacune des 14 régions du pays. Mais avec la création de l’agence, il était décidé de couvrir les 45 départements du pays. Donc, nous sommes en train d’organiser des réunions, des Cdd dans tous les 31 départements restant pour aller très vite.

Dans chaque département, après le Cdd, il y a une planification qui est faite et des activités sont déroulées toute suite en liaison avec les maires. Donc, nos premiers partenaires sont les élus locaux et on a adopté l’approche : une commune, une mutuelle de santé au moins.

La deuxième chose, c’est que nous appuyons le processus techniquement et aujourd’hui, il est possible de mieux l’appuyer plus qu’avant, parce que nous aurons un bureau dans chaque région. On ne va plus encadrer le développement des mutuelles de santé de Bakel à partir de Dakar. Maintenant, le développement des mutuelles de santé de Bakel se fait à partir de Tambacounda, donc c’est plus rapproché. Autre élément, du point de vue des ressources, nous en avons plus pour développer tout ça.

L’une des contraintes qu’on avait avant avec la cellule, c’est que les activités ne pouvaient être réalisées dans un département que quand il y avait un partenaire technique et financier, disponible pour appuyer techniquement. On disait par exemple que tel département a été choisi, mais que malheureusement, on ne peut commencer parce qu’on attend qu’un bailleur vienne appuyer.

Maintenant, on ne le fait plus. La démarche c’est de dire voilà ce que nous devons faire, quels sont les partenaires disponibles pour aider dans les différents départements ? A partir du moment où les partenaires se sont positionnés, il y a des départements restant et là-bas c’est l’Etat qui vient avec le même niveau de financement.

Donc, il n’y a plus de déséquilibre dans le financement. Ce qui fait qu’il y a une possibilité d’y aller très vite, de le faire avec la communication, avec l’appui également des Ong et des associations au niveau local.

Quel est le but des tournées nationales que vous êtes en train d’effectuer actuellement ?

Ces tournées, en réalité, ce sont des rencontres et des Cdd. Nous allons dans les départements qui n’étaient pas encore concernés par la phase pilote pour organiser les Cdd avec les préfets, pour que les gens commencent tout de suite le travail. En fait, l’idée c’est de lancer les choses dans les différents départements. C’est pour cela qu’on le fait au pas de charge.

Dans les départements de la phase pilote, ce qui est organisé, ce sont des Comités départementaux de suivi, parce que là, on suit, on essaye de voir ce qui se fait. Ce qui nous permet également de discuter avec les différents acteurs, de voir quelle est la situation, quelles sont les difficultés de recevoir un feedback, d’évaluer les besoins en financement et d’y aller très vite.

Aujourd’hui, nous avons bouclé les régions de Thiès, Diourbel et Dakar. La semaine prochaine, ce sera Ziguinchor, Sédhiou et Kolda. Dix jours après, on fera Tambacounda et Kédougou et, puis, on reviendra pour Kaffrine, Kaolack, Louga, Saint-Louis et tout le reste. Donc, ça va se faire très vite et on pense que nous pourrons dans quelques semaines dire que dans tout le pays et dans chaque commune, le processus a commencé. Et là, il faudrait qu’on soit derrière et qu’on appuie.

Nous nous réjouissons du fait qu’hier à Fatick (mardi dernier), le président de la République a publiquement lancé un appel aux élus locaux et à tous les acteurs pour leur demander d’appuyer le ministère de la Santé et de l’Action sociale et l’Agence dans le processus d’enrôlement des populations dans les mutuelles de santé. C’est très important, c’est un soutient très fort ajouté à celui des chefs religieux.

Récemment, nous sommes allés à Touba et à Tivaouane où nous avons discuté avec les chefs religieux, qui nous ont marqué leur accord total. Mieux, ils ont même exprimé publiquement leur point de vue positif par rapport à ça. Au fait, c’est toute la Nation qui doit se mobiliser pour que les choses se fassent.

De 2012 à maintenant, combien de mutuelles de santé avons-nous et qui peuvent augurer des lendemains prometteurs ?

En fait, il faut qu’on parle d’abord de ce qui est du taux de couverture nationale. Nous pouvons dire que nous sommes à un taux de couverture de 32% au niveau national. C’est ce qui a été présenté d’ailleurs au dernier Conseil présidentiel sur le Plan Sénégal émergent. L’objectif, c’est un taux de couverture de 75%.

Aujourd’hui, les travailleurs du secteur formel et les membres de leur famille qui sont couverts par le système des imputations budgétaires et des Ipm représentent 11% de la population. Les enfants de 0 à 5 ans couverts par l’initiative de gratuité représentent 15% de la population. Quand vous sortez les enfants de 0 à 5 ans qui sont déjà dans les Ipm et les imputations budgétaires, vous vous retrouvez à 13%. A ces 13%, vous ajoutez 11%, on est à 24%.

Les personnes de 60 ans et plus qui bénéficient du plan Sésame représentent 6% de la population. 6 et 24, on est à 30%. Pour le moment, on estime à 2% les personnes qui sont dans les mutuelles de santé, qui sont encadrées. Donc les autres mutuelles qui étaient à un niveau inférieur, qui ne sont pas encore restructurées, on ne les compte pas. Mais dans les mutuelles, on vous dit 2% ça nous mène à 32%, ce qui veut dire qu’il y a eu un bonde11,12à32%.

Et ce bon a été essentiellement supporté par l’Etat à travers des initiatives de gratuité. Il faut y ajouter les personnes bénéficiaires du Programme national de bourses de sécurité familiale, qui vont être enrôlées ou qui ont déjà commencé à être enrôlées dans les mutuelles de santé avec les membres de leur famille et qui vont bénéficier des soins de santé et des médicaments gratuitement.

En janvier 2016, on aura 300.000 ménages bénéficiaires du programme de bourse de sécurité familiale et le président de la République a décidé que des membres de ces 300.000 ménages doivent bénéficier gratuitement des soins et des médicaments. 300.000 ménages, vous les multipliez par 8 personnes par famille, c’est 2 millions 400 mille personnes qui, en 2016, vont bénéficier gratuitement des soins médicaux et des médicaments à travers les mutuelles de santé, parce qu’on les enrôle dans les mutuelles, on paye toute leur cotisation et le 1/5 qu’ils devaient payer en cas de maladie, c’est également le système qui le supporte.

2 millions 400 mille personnes, c’est 15% de la population, donc si vous ajoutez 15% à 32%, on peut dire qu’on est déjà à 47 %. Maintenant, le défi, c’est de passer de 47% à 75 %. C’est à dire de combler un gap de 28% en essayant d’enrôler toutes ces personnes dans les mutuelles.

Comment allez-vous procéder pour passer de 47 à 75% dans un délai relativement court ?

C’est un grand défi. Mais j’ai quand même travaillé dans plusieurs pays d’Afrique sur ces questions, directement ou indirectement. Il n’y a pas une expérience aussi forte d’un pays qui passe à ce niveau-là dans un délai aussi court. Le Rwanda a eu, de ce point de vue, à montrer un exemple très fort.

Mais si nous arrivons à 75%, ce sera vraiment un record pour le pays. C’est quelque chose qui est possible, si tout le monde se mobilise et si nous mettons en œuvre de manière simultanée, toutes les stratégies dont nous avons parlées tout à l’heure. C’est pour cela justement que l’agence est en train de mettre les bouchées doubles, parce que nous avons 18 mois.

La semaine prochaine nous allons engager le processus de recrutement des directeurs. Parce que nous n’avons pas encore recruté les directeurs et pourtant en décembre 2016, on doit présenter un bilan de 75%.

Et vous êtes optimiste ?

Oui nous sommes optimistes, parce que nous avons des atouts. Le premier atout, c’est que nous avons un soutien au plus haut niveau de l’Etat. Dans tous les pays où les programmes de Couverture maladie universelle ont marché, surtout en Afrique, en tout cas dans les pays en développement, il y a eu un engagement très fort au plus haut niveau, donc du président de la République. Il s’est engagé en lançant le programme, en le soutenant dans ses discours partout.

Deuxièmement, le programme est soutenu au plan financier, pour le moment il est bien financé. Ses atouts sont renforcés par le fait que le Sénégal dispose quand même en matière de Couverture maladie universelle, des ressources humaines de qualité.

N’oublions pas qu’il y a des pays en Afrique où ce programme a marché et que l’expertise qui a servi à lancer des choses est une expertise sénégalaise. Donc, le fait que l’expertise sénégalaise ait permis de lancer ces programmes-là peut nous faire penser qu’on peut aller très vite.

Il y a aussi que madame le ministre de la Santé et de l’Action sociale s’emploie pour la réussite de ce programme. Il y a une volonté de sa part de faire réussir les choses de même que toutes les structures de son ministère. Au niveau des élus locaux, il y a aussi un engagement qu’il nous faut renforcer. Il faut que leur engagement soit plus soutenu, mais il y a des actions qui sont prévues dans ce sens.

Le financement doit être celui de l’Etat, mais les collectivités locales doivent aussi appuyer en donnant un siège à la mutuelle de santé, une petite subvention etc. En plus de participer à la sensibilisation des populations, pour les amener à adhérer dans les mutuelles. Certains ont commencé à le faire, mais nous voulons que le mouvement soit plus massif.

Est-ce que l’agence a les moyens de son ambitieux programme ?

La question du financement est centrale dans tous les systèmes d’assurance maladie. En France, la question de la sécurité sanitaire, c’est la question du financement. Dans d’autres pays, la question du financement est au centre du dispositif. S’il n’y a pas de financement, il n’y a pas de couverture maladie, surtout dans des pays comme le nôtre où les systèmes d’assurances maladies doivent être fortement subventionnés, parce que les populations n’ont pas la capacité de les supporter seules.

A ce niveau, il y a un appui fort du gouvernement à travers déjà des initiatives de gratuités. Parce que, dire que les soins sont gratuits pour les enfants de 0 à 5 ans, c’est lourd. Dire que c’est gratuit pour les personnes de 60 ans et plus, c’est lourd. Parce que, c’est des personnes pour lesquelles les soins sont toujours des soins très coûteux. Dire que la césarienne est gratuite aussi, c’est beaucoup de moyens.

Dire que l’hémodialyse est gratuite aussi, c’est beaucoup d’argent. Dire également que 15% des Sénégalais les plus démunis qui sont dans le programme des bourses et sécurité familiale vont bénéficier gratuitement des soins et des médicaments, c’est lourd.

Surtout qu’on y ajoute les personnes handicapées qui ont la carte d’égalité des chances. Tout ceci, est très lourd financièrement. Et si en plus de tout cela, on veut subventionner l’adhésion aux mutuelles de santé pour le reste de la population, c’est encore plus lourd.

Alors, nous venons d’adopter un budget de 6 mois fin juin, qui est de 17 milliards de francs. C’est important pour un pays comme le nôtre. Je devais apporter une assistance technique à un pays de la sous-région où on voulait lancer une initiative pareille. Mais, le débat au niveau de ce gouvernement, c’était de voir est-ce qu’on peut avoir 2 ou 3 milliards, pour lancer l’initiative. Mais, le problème c’est que l’année prochaine selon nos estimations, nous devons nous retrouver autour de 60 milliards.

Parce que, quand vous dites que les soins doivent être gratuits pour 2 millions 400 mille personnes, ça coûte déjà 23 milliards de francs. L’hémodialyse va coûter plus cher, parce que l’équipe va être renforcée. Pour les enfants de 0 à 5 ans, on va monter au niveau des hôpitaux, donc ça va s’élargir. Pour les personnes du troisième âge, il faut dire que c’est l’un des problèmes du plan Sésame, parce qu’à peu près 70% des personnes qui bénéficient de ce plan habitent dans la région de Dakar.

Nos parents paysans pour la plupart, ne savent pas qu’ils ont la possibilité d’accéder gratuitement aux soins, quand ils ont 60 ans et plus. Nous allons faire le travail d’information qu’il faut, mais ça va encore coûter plus cher. C’est pour ça que nous avons cette estimation de 60 milliards de budget pour l’année 2016. Donc, c’est très cher et pour ça évidemment les discussions sont engagées avec le gouvernement pour voir comment arriver à couvrir tous ces besoins.

Nous avons un soutien fort des partenaires au développement. Certains apportent des soutiens techniques et financiers, d’autres juste un soutien financier. Mais, ce qui est heureux, c’est que de plus en plus de partenaires techniques et financiers expriment le besoin de venir appuyer le programme de Couverture maladie universelle.

Le Sénégal est aujourd’hui le pays que tout le monde regarde en Afrique en matière de Couverture maladie universelle. Alors si ça marche, c’est clair que dans les autres pays, les gens vont accélérer leur processus.

Le Quotidien

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