Le 22 Avril 2012, un groupe de talibé, conduit par Bara Sow, se rend à Médinatoul Salam pour y effectuer la ziara auprès de leur guide Cheikh Béthio Thioune. Arrivés sur les lieux, deux talibés se détachent du groupe pour aller aviser les responsables du protocole qu’ils voulaient être reçus par le Cheikh
Quelques minutes plus tard, des personnes chargées de veiller sur la sécurité se pointent, armés de gourdins, de coupe-coupe et d’un fusil pour s’attaquer au groupe mais aussi à Bara Sow et Pape Ababacar Diagne, deux personnes ciblées par les talibés. Bara est sauvagement malmené à coups de gourdins et de coupe-coupe. Sur le champ, il rend l’âme dans le domicile de Cheikh Béthio et le corps balancé à l’extérieur de la maison. Au moment où ses compagnons ont tenté de récupérer le corps, un talibé appartenant au «Commando» ajuste son fusil et tire sur la foule plusieurs coups de feu qui atteignent Pape Ababacar Diagne au thorax. Celui-ci tombe en criant «Dieuredieuf Cheikh Béthio Thioune» tandis que ses compagnons s’enfuient et parmi eux, des blessés.
Alertés, les hommes du commandant de brigade Mbaye Seck arrivent sur les lieux, mais n’ont trouvé aucune trace de Bara Sow et de Pape Ababacar Diagne. Interrogés par les pandores, des talibés et le Cheikh ont répondu n’avoir pas vu de blessés. Comme il faisait tard, le procureur demande à ses hommes de se retirer pour attendre le lendemain. Tôt le matin, les gendarmes ont constaté des traces de sang un peu partout dans la maison et sur deux véhicules, un 4×4 et un Hammer appartenant au Cheikh qui ont été saisis pour les besoins de l’enquête. A ce moment, les gendarmes reçoivent un coup de fil anonyme qui les informe de traces de sang visibles dans la forêt. C’est alors qu’on a fait appel à l’escadron qui sera aidé par les gendarmes de Mbour pour suivre les traces de sang dans la brousse. Au bout d’un kilomètre au sud-est de Keur Samba Laobé, les pisteurs découvrent une pelle cassée et déduisent que les corps n’étaient pas loin des lieux où certainement les corps ont été ensevelis. Alors, ils se mettent à creuser et arrivent à trouver l’emplacement dissimulé par des herbes. Au bout de quelques secondes, ils tombent sur un trou et deux corps superposés complètement malmenés. Les gendarmes avaient du mal à les identifier. Des corps aplatis par des gourdins partout sur le corps, des trous et des impacts de balle sur les corps étaient constatés sur les victimes. Quelque temps après, les autorités dont le préfet, le sous préfet, le colonel, le capitaine de gendarmerie et la brigade de recherches du commissariat de Mbour arrivent sur les lieux. Et les corps sans vie, envoyés à Dakar pour les besoins de l’autopsie.
NDEYE KHADY FALL, MAMAN DE PAPE ABABACAR DIAGNE : «Mon fils a été tué par les talibés sur instruction de Béthio»
Dans la matinée d’hier, lors de notre passage au domicile de Pape Ababacar Diagne, sa mère Ndèye Khady Fall était persuadée que son fils était mort et son instinct de maman le lui disait. Lorsque le matin, inquiète de l’absence de son fils, elle a toqué à toutes les chambres, elle avait fini de constater que son fils n’avait pas dormi dans la maison. Des propos confirmés par l’épouse du défunt, qui traîne une grossesse de quelques mois et qui va maintenant entretenir les trois petits enfants que lui a laissés son défunt mari âgé de 39 ans puisqu’il est né le 6 janvier 1973 à Mbour. Sa mère est formelle que son fils a été tué par les talibés sur instruction de Béthio, car leur différend remonte à longtemps surtout avec le chef de la sécurité Cheikh Bamba Faye. Ce dernier est très hostile envers ses deux enfants Pape Ababacar et Ablaye qui sont des talibés de Béthio Thioune. Ils ne veulent pas s’aligner derrière lui qui constitue une barrière entre eux et le Cheikh. «Mon fils a été viré de Médinatoul Salam par le cheikh à cause de Cheikh Faye. L’année dernière quand sa fille était décédée et qu’il l’enterrait au cimetière du village, ils ont été surpris par le «Commando» composé par des hommes de main de Cheikh Faye. Ces derniers ont incendié leur véhicule et n’eût été leur sprint à travers la brousse, ils allaient tous mourir. Le lendemain, le Commando s’est dirigé vers sa demeure et a tout incendié y compris ses autres biens. Combien d’assassinats ont commis les sbires du Cheikh ? Nul ne le sait, a indiqué la mère qui est restée toute digne lors de cette épreuve. De même des témoignages ont tous accusé le Cheikh et ses hommes d’avoir organisé des meurtres qui n’ont jamais été élucidés. Des talibés ont estimé que Cheikh Béthio a voulu dissimulé les assassinats de ses talibés, en disant devant les gendarmes que ce n’était qu’une dispute interne et qu’il allait l’arranger alors qu’il savait la réalité des faits. Et pour eux, la culpabilité de Béthio est constante et qu’il ne devrait pas échapper à la justice en tant que commanditaire parce que c’est lui qui a donné l’ordre.
L’épouse du frère du défunt, Ablaye Diagne, elle ne voit pas les raisons de suivre le Cheikh qui ne les conduit pas vers Serigne Touba. Des talibés repentis avancent que les talibés du Cheikh ne prient pas et ne jeûnent pas et la preuve, il n’existe pas de mosquée à Keur Samba Laobé. Un des cousins du défunt Ababacar Diagne a averti qu’ «il va régler des comptes à Cheikh Faye» et, est prêt à aller en prison. Un autre de lancer que c’est Béthio qui doit plutôt payer au lieu d’un autre car, il est le commanditaire des tueries.
PAPE NDAO ONCLE DE PAPE BABACAR DIAGNE TEMOIGNE : «Pape Ababacar était un carreleur qui faisait correctement son métier »
Dans un entretien téléphonique, Pape Ndao, oncle de l’un des victimes des affrontements au domicile de Cheikh Béthio Thioune à Mbour, retrace les derniers moments de son neveu, Ababacar Diagne.
«Hier, ils ont préparé et pris le déjeuner chez Ndèye Khady Fall, sa mère, ensuite ils sont partis voir Béthio pour un ziar. Le matin, en écoutant la radio, Ndèye Khady a entendu les faits. Après vérification, elle s’est rendu compte que Pape n’a pas passé la nuit à la maison. Elle est partie à la gendarmerie et a vu les autres Thiantacounes. Elle leur a demandé des nouvelles de Ababacar. Ces derniers ont répondu qu’ils sont sans nouvelle de lui. C’est sur ces entrefaites que la gendarmerie a commencé à mener des investigations pour en savoir plus sur cette affaire. Lorsque la nouvelle est tombée dans la maison de sa mère, c’était la tristesse et la consternation. Mon neveu Pape Ababacar Diagne était un carreleur de formation qui exercer correctement son métier», témoigne l’oncle de la victime.
Sur la position de la famille, Pape Ndao informe qu’ils useront de toutes les procédures légales pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire. «Sa mère et tout le monde réclame justice», poursuit l’oncle, la voix tremblant de colère au bout du fil.
Alioune Diop et Ousseynou Thiam
Source L’OBSERVATEUR