Dans la grande banlieue de Dakar, se trouve une salle de cinéma à la réputation sulfureuse. Al Karim est sur Tally Boumack, à l’aube du marché Zinc, haut lieu de commerce pikinois. Bruyant et bigarré, cet endroit est à la fois un souk et un bazar. Mais Al Karim, c’était, dans les années 80, le rendez-vous des petites frappes, des apprentis caïds, des amoureux du western et des films de gang. Il se racontait dans les rues sablonneuses de la banlieue des histoires d’épouvante sur cette salle interlope et ses ciné-filous. Il était, par exemple, risqué de s’y aventurer le crâne rasé. Des voyous provocateurs transformaient rapidement votre tête en cendrier. Les plus téméraires pouvaient y écraser leurs joints de Yamba. Devant les policiers, s’il vous plait. Plus tard, la réalité prendra le dessus sur le mythe. En vérité, Al Karim était une salle de cinéma comme on en trouve en banlieue. Mal propre, infestée de petits voyous, elle était snobée par les films du box office. On y projetait des fictions ringardes, du déjà vu, des feintes connues et de la mauvaise comédie. A l’échelle du pays et par la volonté du père, la même salle revit et grandit. Le Sénégal est le nouvel Al Karim. Du cinéma, toujours du cinéma, encore du cinéma.
Encore du cinéma, avec le nouveau Polar de Dagana. Une copie neuve sur le gangstérisme d’Etat et les pratiques voyelles d’une charretée de gredins orthodoxes. La distribution est pourtant prestigieuse. La tête d’affiche est le chef de Cabinet du ministre de l’Habitat, Omar Sarr. Abdou Aziz Diop est accusé d’avoir payé une oiselle pour coucher avec un adversaire politique et le filmer. La dame Fatou Mbaye, si on en croit la presse, s’est exécutée. Mais la victime, Diombass Diaw du Pds aussi, n’a pas voulu céder. Il a porté plainte devant la Division des investigations criminelles. Le procès, prévu le 27 juillet prochain, est un tremblement de terre politique. On ne se tient plus par le ventre seulement. La pratique libérale a poussé les frontières du dégueulasse. Désormais, dans la galaxie du Sopi, on utilise aussi le bas-ventre pour éliminer son adversaire. C’est crapuleux. Le scandale dépasse tous les entendements. Il témoigne de la dégradation des mœurs au plus haut sommet de l’Etat, de la prolifération de pratiques mafieuses inacceptables. Vous vous rendez compte ? Ces gens de peu se sont, par leurs comportements, soulagés contre les murs du Palais de la République. Les gérants de la salle de cinéma de Pikine se montraient bien plus prévenants, eux. Sur la façade extérieure d’Al Karim, on pouvait, au moins, lire : «Défense d’uriner sur les murs.»
Bravo, bravo pour ce bel article
souvenir;souvenir AL KARIM
mais tu as oublie AMENDE 3000F
big respect a toi aliou ,quel beau texte