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Comme si la sécurité n’était pas le premier pilier du développement. par Arona Bathily

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L’intervention française au Mali nous renvoie violemment à la figure l’absence totale de stratégie de défense du continent africain qui aspire à devenir la région la plus peuplée du monde. Comme Jules Ferry dont le seul dessein était de nous apporter la « civilisation » occidentale, François Hollande n’a d’autre ambition que de sauver un pays « ami », le Mali. Les hommes ont changé, les temps aussi, mais la chanson reste toujours la même. Notre optique n’est pas de discuter les calculs de la France, nous aimerions attirer l’attention plutôt sur l’absence de calculs des autorités africaines. Depuis le début de cette intervention, le débat est centré sur les raisons de l’engagement de la France, l’Afrique théâtre des opérations est presque éludée des enjeux stratégiques, elle semble plutôt se complaire dans une attitude de spectatrice dans la définition de sa propre sécurité.

Résumons grossièrement la situation. Un troupeau de barbus illuminés prend les 2 tiers du Mali sans qu’aucun pays africain ne vienne à la rescousse de ce pays. J’entends dire que l’épicentre de ce conflit serait en Libye et que le Mali serait une réplique de cette guerre. Cette hypothèse nous amène à l’absence totale de stratégie des autorités maliennes mais cela est surement valable pour les autres pays. Ce qui se passe au Mali était prévisible et toute la région sahélienne est potentiellement menacée. L’attitude attentiste de l’Afrique est un puissant facteur dopant pour tous les groupes avides d’aventure. Depuis plusieurs mois que dure ce conflit, nous avons constaté d’interminables rencontres des chefs d’Etats major, des ministres de la Défense, des présidents faisant le tour des capitales africaines. Le résultat de ce tourisme diplomatique vient d’être conclu à Abidjan il y a une quinzaine de jours avec une nonchalance toute africaine. La CEDEAO demande à la communauté internationale de fournir les fonds et le matériel et pendant ce temps, nos forces armées respectives vont se préparer enfin à la guerre.

Nous sommes toujours incapables de nous réunir derrière l’essentiel. Les problèmes africains trouvent toujours solution à l’étranger. L’UA que d’aucun appelle un syndicat de chefs d’Etat devrait sérieusement s’interroger sur sa raison d’être. Si l’Afrique n’est pas capable d’assurer seule sa sécurité, tout le décorum de la démocratie et les promesses de développement gardent-ils leur substance ? Nous pensons naïvement que le premier préalable pour exister et compter dans les relations internationales, c’est de pouvoir au moins défendre sa sécurité physique, sa territorialité. L’Etat se déroule sur un territoire, la fragilisation de ce dernier rend anecdotique toute la substance de son fonctionnement, c’est-à-dire la mise en place des politiques publiques pour réaliser les besoins fondamentaux des populations afin d’amorcer le développement qui est le relèvement du niveau de vie de la moitié la plus pauvre de la population. Il n’est pas nécessaire d’avoir des notions d’économie pour comprendre la catastrophe qu’engendre cette crise malienne. Le Mali n’est pas encore sur la ligne de départ du développement, il n’aurait pas dû se permettre de courir à reculons.

Se pose alors la question du leadership en Afrique. Les dictateurs et les usurpateurs aux pouvoirs font encore légion et les rares leaders prometteurs sont toujours dans la gestion du quotidien et oublie d’avoir de la vision ce qui peut être très risqué car la fragilité des différentes situations fait que l’effet dominos s’est vite produit. Prenons l’exemple du Yonnu Yokkuté, si le Mali venait à disparaître quel sens garderait il ? Malgré cette flagrante évidence, l’Etat du Sénégal a semblé très peu impliqué dans la cause malienne du moins en apparence. La sécurité et le devenir d’Amadou Toumani Touré semblait être la seule chose qui préoccupait le gouvernement sénégalais. Ce manque de leadership se traduit également au niveau des puissances régionales comme le Nigéria et l’Afrique du Sud qui sont des prétendants à un improbable siège permanent africain au conseil de sécurité de l’ONU. Les membres actuels du conseil de sécurité à l’exception de la Chine ont obtenu leur place par leur capacité à agir sur la sécurité internationale entre autres facteurs. Rappelons que la Chine a gagné depuis longtemps sa légitimité à tous les niveaux pour disposer et utiliser souverainement son droit de véto. L’Afrique reste l’une des grandes régions non représentée dans ce conseil qui gouverne le monde. La prévention et la résolution de ce type de conflits devraient être de pertinentes occasions pour les pays candidats de démontrer leur leadership et d’arracher cette place à l’ONU.

La stratégie fait encore défaut dans notre vision de développement et la politique de sécurité reste le parent pauvre de la définition politique. Nous ne minimisons pas les innombrables défis auxquels sont confrontés les pays africains, mais la sécurité reste première car elle permet de préserver le peu de construction économique réalisé. Nous avons pendant trop longtemps délégué notre sécurité à des pays tiers. Ce faisant, il serait difficile de construire une société respectable et respectée lorsque la vulnérabilité est la seule constante. Ainsi, la question du vivre ensemble et de la citoyenneté se pose dans la mesure où la défense de l’Etat dans son intégrité territoriale ne semble pas être la préoccupation de ceux qui l’incarnent et par ricochet des populations. Redonner aux africains l’envie et la passion de défendre l’Etat devrait redevenir un préalable pour nous assurer au moins que la domination de l’Afrique ne se fera plus avec une simplicité si déconcertante. Nous mettrions ainsi fin aux sempiternelles renaissances de l’Afrique et enfin grandir.

Arona Bathily, Gatineau, Québec

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