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Comment Hollande souhaite réformer la loi sur la déchéance de la nationalité

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Invité de TF1 samedi 14 novembre, Manuel Valls avait déjà fait part de sa volonté de voir renforcée la possibilité de déchoir quelqu’un de sa nationalité. M. Valls avait indiqué vouloir qu’une telle mesure s’applique à ceux qui « bafouent l’âme de la France », sans plus de détail. François Hollande a précisé comment il comptait réformer cette mesure exceptionnelle, strictement encadrée par le code civil.

Que dit la loi actuelle ?

La déchéance de la nationalité en France est prévue par les articles 23 à 25 du code civil. Cette mesure ne peut concerner que les Français nés étrangers et naturalisés par la suite. Un citoyen français et né français ne peut être privé de sa nationalité.

La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 énonce clairement que tout être humain a droit à une nationalité, interdisant de facto de créer des apatrides. Ainsi, on ne peut retirer la nationalité qu’à un individu ayant une double nationalité.

Par ailleurs, il est interdit de priver « arbitrairement » un citoyen de nationalité. Les motifs prévus par la loi sont au nombre de cinq :

« crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » ;
« terrorisme » ;
« crime ou délit prévu au chapitre 2 du titre III du livre IV du code pénal » (espionnage, sédition, haute trahison militaire…) ;
le fait de se soustraire « aux obligations résultant pour lui du code du service national » ;
le fait de s’être « livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».
Quelle réforme souhaite François Hollande ?

Dans son allocution au Congrès réuni à Versailles, le président a affirmé souhaiter une modification de la loi afin qu’elle permette de retirer la nationalité française aux binationaux nés Français, en plus des binationaux naturalisés.

« Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français, je dis bien même s’il est né français, dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité. »
D’autre part, François Hollande s’est prononcé en faveur de la possibilité d’interdire à un binational de revenir sur le sol national sauf s’il se soumet à des contrôles stricts.

« Nous devons pouvoir interdire à un binational de revenir sur notre territoire, s’il représente un risque terroriste, sauf à ce qu’il se soumette à un dispositif de contrôle draconien. »
L’interdiction de territoire français (ITF) est une mesure que peut prononcer un juge pénal à l’encontre d’un étranger ayant été reconnu coupable de certains crimes ou délits sur le territoire français. François Hollande souhaite donc l’étendre aux citoyens français disposant d’une double nationalité.

Les propos du président semblent en revanche confus lorsqu’il affirme que « nous devons pouvoir expulser plus rapidement un étranger qui présente une menace ». En effet, même si une expulsion du territoire à titre préventif (sans condamnation) est possible, ce n’est pas le cas de l’interdiction de territoire, qui ne concerne que les individus condamnés par la justice.

Surveiller de plus près les Français de retour de Syrie et d’Irak

L’Elysée prévoit la création d’un « visa de retour » pour les Français ou résidents en France qui seraient « impliqués dans des activités terroristes à l’étranger ». L’exécutif chiffre à 966 le nombre de Français qui sont allés en Syrie et en Irak : « 588 d’entre eux y sont toujours et 247 ont quitté » les lieux, selon une source gouvernementale.

« Concrètement, ils devront solliciter une autorisation et l’administration fixera les conditions du retour : date, point d’entrée et moyen de transport emprunté, afin de minimiser les risques et de garantir une prise en charge et une surveillance par les services de sécurité dès l’entrée sur le territoire ». Une fois revenus, les autorités pourront « leur imposer des conditions de surveillance draconiennes », comme des assignations à résidence ou « une participation à un programme de déradicalisation ».

Une mesure constitutionnellement délicate à mettre en œuvre, Le Conseil constitutionnel rappelait dans une étude de 2008 qu’en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, elle-même basée sur la déclaration universelle des Droits de l’homme, « les nationaux ont un droit général et absolu à entrer, séjourner et demeurer en France ». Le droit international reconnaît en effet à chacun « le droit d’entrer sur le territoire de l’Etat dont il est le ressortissant ».

Des mesures à l’efficacité incertaine

Dans l’hypothèse où le gouvernement parvenait à interdire des binationaux de territoire français, se pose toujours la question de l’efficacité de telles mesures pour prévenir des attentats terroristes.

En novembre 2014, un quart des djihadistes français partis en Syrie étaient selon le ministère de l’intérieur des nouveaux convertis dont les familles ne sont pas issues de l’immigration récente et dont on peut penser qu’ils ne disposent que de la nationalité française et qui ne seraient pas concernés par cette mesure.

De nombreux individus non condamnés par la justice pour des crimes graves échapperaient également à la déchéance de la nationalité. C’est le cas des frères Abdeslam, deux des terroristes auteurs des attaques du 13 novembre, fichés par les services de renseignement mais jamais condamnés pour l’un des cinq motifs prévus par la loi.

L’efficacité de la déchéance de la nationalité est au final soumise à plusieurs conditions qui rendent son périmètre d’action réduit et son efficacité incertaine.

Les Décodeurs
Journaliste au Monde

lemonde.fr

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