Les Ivoiriens d’Israël sont victimes d’une politique d’expulsion. Comment l’Etat hébreu opère pour les pousser à partir? Reportage.
Les expulsions des Ivoiriens qui s’opèrent depuis le 17 juillet dernier pour répondre à l’ultimatum du ministre de l’Intérieur Eli Yishaï, inquiètent l’ensemble de la communauté africaine d’Israël. Les douze ambassades africaines présentes dans l’Etat hébreu se sont réunies en urgence à Jérusalem, pour s’entretenir avec Daniel Ayalon. Le 18 juillet, le vice premier ministre a reçu un groupe de contacts de cinq représentants de ces pays. Après les sud-Soudanais, les Ivoiriens vivent aussi dans la peur. Les ressortissants des autres pays africains se demandent qui sera sur la liste des prochains à expulser.
Les nouvelles méthodes d’expulsion
Vendredi 20 juillet, les Ivoiriens voulaient battre le pavé devant l’ambassade de Côte d’Ivoire mais leur nombre ne l’a pas permis. La dizaine d’Ivoiriens sur place ont toutefois crier leur indignation face aux expulsions dont ils sont victimes.
«Avant on se sentait en sécurité chez nous car on était contrôlé dans la rue, maintenant ils viennent dans nos maisons à des heures impossibles, nous peinons donc à trouver le sommeil», confie Augustine agacée.
En 2008, lors d’une grande campagne de contrôle pour lutter contre l’immigration illégale, les policiers israéliens n’hésitaient pas à aller dans les points stratégiques où se rendaient la communauté africaine.
«Le vendredi avec Shabbat nous étions tranquille, mais au cours du week-end quand nous allions aux églises pentecôtistes, nous étions cueilli à la fin du culte.»
En effet, à la sortie de la messe, des patrouilles de police faisaient barrages et chacun devait alors montrer patte blanche et donner ses papiers, faute de quoi il était interpellé.
«C’était terrible car on envoyait des sms aux fidèles en retard pour leur dire de ne pas venir au culte. Les gens ont par la suite déserté les églises évangéliques pour aller à la mission catholique où on était moins menacé, car on se fondait à la masse»,ajoute Augustine.
Interpellés en pleine nuit
Les autorités israéliennes ont l’adresse de tous les ressortissants africains ayant été en règle, car il est nécessaire de donner toutes ses coordonnées pour les demandes de statuts de réfugiés. Dans la nuit du 17 au 18 juillet, plusieurs foyers ivoiriens ont été visité par les forces de polices israéliennes entre 2 heures et 6heures du matin. Une vingtaine d’Ivoiriens ont été arrêtés à Tel-Aviv. Dans le sud, à Eilat, les interpellations ont également touchés les Soudanais.
La porte de Keïta, 30 ans, a été défoncée par quatre policiers israéliens peu après 4h30 dans un quartier sud de Tel-Aviv. Pendant une demie heure ils ont ratissé son appartement pour vérifier qu’il n’y avait personne dans les lieux. Alors que sa femme tremblait, lui au contraire, restait très calme. Le couple vient de fêter leur cinquième année en Israël. Ils sont arrivés ensemble par le désert du Sinaï. Comme la plupart des autres Africains, sa compagne fait le ménage, mais Keïta a préfèré se battre pour avoir une meilleure situation.
«J’ai travaillé dans les plus grands hôtels et comme j’étais parmi les meilleurs, mon employeur m’a offert une formation».
Il est aujourd’hui manager d’hôtel et a plusieurs employés sous ses ordres. Polyglotte, Keïta. Il parle, français, anglais, arabe, et hébreu. Dès qu’il a du temps libre il profite pour coudre car son métier en Côte d’Ivoire était couturier. Si les policiers sont finalement reparti bredouille, c’est parce que Keïta a la chance d’avoir pu se payer les services d’un avocat. Il a obtenu plus facilement un visa temporaire au vu des éléments qu’il a réuni.
La famille Koffi n’a pas eu la même chance que Keïta. Le couple et leurs trois enfants sont en attente d’une issue à leur situation. Leur appartement a été aussi visité en pleine nuit par les forces de police israéliennes. Le père est à la prison de Ramle (près de l’Aéroport Ben Gurion) et la mère et les trois enfants sont dans la prison de Ksiot (au sud dans le désert du Néguev).
«Le problème n’est pas de partir, mais de se préparer pour ce retour en Côte d’Ivoire. On doit partir dans la dignité et pas dans la précipitation. Nous demander de partir en deux semaines alors qu’on est là depuis plus de dix ans n’est pas normal. Certains ont des enfants qui ne parlent même pas le français et rêve en hébreu ou au mieux en anglais», raconte Bernard, qui réside en Israël depuis quinze ans.