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Comment la NSA a-t-elle pu surveiller des conversations au plus haut niveau de l’Etat ?

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Comment l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine a-t-elle procédé pour avoir connaissance de conversations tenues au plus haut sommet de l’Etat ? Paradoxalement, les documents publiés par Mediapart, Wikileaks et Libération mardi 23 juin sont peu diserts sur le sujet. Une seule certitude : le numéro de téléphone du président de la République figure sur une liste de « sélecteurs », l’un des documents que publie WikiLeaks. Dans le jargon des agences de renseignement, ce terme désigne les termes-clés (numéro de téléphone, mais cela peut aussi être des adresses e-mail par exemple) qui intéressent les services de renseignement.
Libération date cette liste de 2010 : le téléphone de Nicolas Sarkozy, ainsi que ceux de certains de ses plus proches conseillers, aurait donc été directement sur écoute. Mais la précision des comptes rendus de discussion effectués par la NSA impliquant François Hollande et Jacques Chirac laissent penser que si la NSA n’a pas mis directement les présidents sur écoute, elle a eu un accès de première main à leurs échanges.
La discrétion des documents au sujet de la manière dont ces renseignements ont été collectés peut s’expliquer : à l’inverse des documents Snowden, dans lesquels figuraient essentiellement des documents techniques décrivant les capacités de l’agence, les pièces produites cette fois-ci sont des compte rendus analytiques, eux-mêmes issus d’un travail d’écoute.

La piste de l’ambassade

De multiples documents fournis par Edward Snowden ont montré que les ambassades américaines sont souvent surmontées de matériel d’écoute. Le « Special Collection Service », une unité composée de membres de la NSA et de la CIA, a été désigné dans l’un d’entre eux comme responsable des écoutes du téléphone portable d’Angela Merkel. Selon le Spiegel, c’est du toit de l’ambassade des Etats-Unis à Berlin qu’opère le SCS en Allemagne. Un autre document, publié lui aussi par le Spiegel, révèle que le SCS est présent dans de nombreuses capitales européennes, dont la France.
Généralement, ce dernier cache ses appareils d’écoute dans un faux bâtiment fait d’un matériel spécial laissant passer les ondes, et parfois camouflé en trompe-l’oeil. Un blog spécialisé, sur la foi de photographies satellites, remarquait justement il y a peu que des travaux avaient été réalisés sur le toit de l’ambassade des Etats-Unis à Paris. Cette dernière est située au milieu de tous les lieux de pouvoir français : à moins de un kilomètre se trouvent, outre l’Elysée, plusieurs ministères régaliens (intérieur, justice, défense, affaires étrangères) mais également l’Assemblée nationale.

La plupart des noms figurant sur la liste publiée sur WikiLeaks sont adossés à une suite de chiffres et de lettres « S2C32 ». Ce terme désigne de manière assez large le département de l’agence chargé de la surveillance de pays européens. C’est la même section qui avait mis sur écoute Angela Merkel, on peut donc supposer que le mode opératoire à l’ambassade est le même.
Des téléphones ultrasécurisés… et peu utilisés

Les téléphones des présidents de la République, hautement stratégiques, font pourtant l’objet de précautions particulières. Dès 2006, le secrétariat général de la défense nationale (SGDN) s’était ému du déploiement à très grande vitesse de téléphones BlackBerry dans les cabinets ministériels et à l’Elysée. Inacceptable, pour le SGDN : si ces téléphones proposent bien des communications chiffrées, leur contenu est hébergé sur les serveurs de RIM, entreprise canadienne, et est donc facilement accessible pour les agences américaines et canadiennes, qui travaillent main dans la main.
Malgré de multiples avertissements, et le renvoi d’une note du SGDN à la mi-2007, les smartphones de RIM continuent d’être amplement utilisés dans les grandes administrations, les ministères et à l’Elysée. Notamment parce que les téléphones sécurisés conseillés par le SGDN sont bien moins pratiques : carnet d’adresses complexe, consignes d’utilisation draconiennes, interfaces sommaires…

Au plus haut niveau de l’Etat, les services de sécurité peinent à imposer des terminaux chiffrés et sécurisés. A partir de 2007, Nicolas Sarkozy avait dû abandonner son BlackBerry — dont, ministre de l’intérieur, il ne se séparait jamais — pour utiliser un système beaucoup plus complexe. Mais tous ses plus proches conseillers continuaient d’utiliser des smartphones du commerce, RIM puis Apple, tout comme de très nombreux ministres de son gouvernement. Et Nicolas Sarkozy lui-même a continué d’utiliser, pour des appels « personnels », d’autres téléphones.
En janvier 2010, changement d’échelle : Nicolas Sarkozy passe au Teorem, un téléphone ultrasécurisé fabriqué par Thalès. L’Etat a commandé 14 000 exemplaires de ce téléphone peu ergonomique mais hautement sécurisé, réputé inviolable, dont la moitié pour l’armée. Et pourtant : les documents publiés par WikiLeaks font état d’une conversation datant de juin 2011 entre le président de la République et Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères.
La NSA a-t-elle pour autant « cassé » le chiffrement du Teorem ? C’est une possibilité, mais cette conversation a également pu être surveillée par d’autres moyens — par exemple si elle s’est déroulée sur une autre ligne. Pour qu’une conversation ou un SMS soit chiffré, il faut que tous les interlocuteurs y participant utilisent le même protocole de chiffrement. Les lignes fixes des ministères et de certaines sociétés considérées comme stratégiques étaient à l’époque connectées par un réseau téléphonique spécifique, lui aussi considéré comme sécurisé.
L’addiction de François Hollande aux SMS est bien connue, tout comme son numéro de portable personnel l’est de nombreux interlocuteurs, politiques comme journalistes. Au moment de la révélation de l’écoute d’Angela Merkel, de nombreuses sources avaient assuré que le président français n’était pas concerné par d’éventuelles écoutes. « Pour toutes les discussions sensibles, le Président communique naturellement avec un téléphone totalement sécurisé », assurait l’Elysée à Rue89 à la fin de 2013. « Toutes les mesures nécessaires ont été prises pour renforcer la sécurité des communications de l’Etat, à commencer par celles du président de la République », expliquait dans les colonnes du Monde un proche du chef de l’Etat.

lemonde.fr

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