Dans une tribune publiée par le magazine Foreign Policy, Hillary Clinton présente les axes du redéploiement américain dans la zone Asie-Pacifique. Objectif: ménager ses anciens alliés, s’en faire de nouveaux – et soigner ses relations avec la Chine.
« Les futurs enjeux politiques se décideront en Asie, et non en Afghanistan ou en Irak. Et les Etats-Unis seront au coeur des décisions. » Un véritable séisme stratégique. Dans une tribune accordée au magazine américain Foreign Policy, Hillary Clinton, chef de la diplomatie à Washington, affirme là l’enjeu de la politique étrangère américaine des « 60 prochaines années ». Rien que ça.
L’administration américaine va en effet quitter l’Irak avant la fin de l’année 2011, et l’Afghanistan avant 2014. « Après dix ans de guerre, (les Etats-Unis sont) à un moment charnière, a commenté Leon Panetta, le chef du Pentagone, lors d’une visite chez ses alliés asiatiques fin octobre. Nous avons maintenant l’occasion de renforcer notre présence dans le Pacifique. Et nous le ferons. »
Priorité stratégique face à la Chine
La première puissance mondiale souhaite s’installer plus durablement dans la région Asie-Pacifique, devenue un « moteur clef de la politique internationale », affirme Hillary Clinton. Une « priorité stratégique » face à la montée en puissance de la Chine.
Cette réorganisation dans la région implique d’ouvrir « de nouveaux marchés pour les Américains » et de réduire « la prolifération nucléaire », a reconnu la ministre des Affaires étrangères. « La libre circulation des voies de navigation et de commerce » sera également une des priorités, poursuit Hillary Clinton dans la tribune.
Nouvelles alliances
Ce redéploiement américain passe par une coopération multilatérale accrue, notamment à travers l’Asean (Association des Nations d’Asie du sud-est) et l’Apec (Coopération économique Asie-Pacifique), principales organisations régionales. La tenue du sommet de l’Apec à Hawaï ce mois-ci doit déjà permettre de montrer les premiers signes de ce renforcement. Washington espère ainsi renforcer ses accords économiques avec des acteurs régionaux mieux « intégrés ».
Par ailleurs, la nouvelle politique américaine implique une réorganisation des alliances bilatérales: si les Américains souhaitent renforcer la coopération avec ses anciens partenaires (Japon, Corée du Sud, Australie et Philippines et Thaïlande), ils envisagent en même temps de nouer de nouveaux partenariats (Chine, Inde, Indonésie).
Un « accord militaire » avec la Chine
Plus concrètement, les Etats-Unis conserveront leur présence militaire au Japon: les deux pays ont passé un accord qui prévoit une contribution japonaise de « 5 milliards de dollars », assure Hillary Clinton. Les relations avec la Corée du Sud seront largement « renforcées » notamment dans le domaine commercial et stratégique, précise la chef de la diplomatie américaine.
« Je crois que les Etats-Unis essaient de rassurer (leurs alliés) »
La présence de « navires américains » devrait aussi s’accroître dans la zone des Philippines alors que l’armée américaine pourrait y « former des forces antiterroristes ». Les Américains comptent également s’établir durablement en Thaïlande (« le plus ancien partenaire américain en Asie ») afin d’agir en cas de « désastres humanitaire ou de catastrophes naturelles ». De son côté, l’Inde devrait voir son économie plus intégrée en tant que »pivot » dans la région d’Asie centrale et du sud, reconnaît Hillary Clinton.
Washington appelle également à un rapprochement avec Pékin. Malgré leurs « différences », la secrétaire d’Etat souhaite plus de transparence. Ce qui passe par un accord militaire afin d’éviter « tout conflit entre les deux armées ».
« Rassurer les alliés »
« A mesure que la Chine se renforce, certains Asiatiques s’inquiètent qu’elle finisse par évincer les Etats-Unis de la région, constate Ralph Cossa, président du Forum Pacifique du centre de réflexion CSIS, basé à Hawaii. « Je crois que les Etats-Unis essaient de rassurer (leurs alliés) en disant qu’ils ne comptent pas partir » poursuit-il. En réponse aux inquiétudes éventuelles de la Chine, Ralph Cossa estime d’ailleurs que « nous (les Etats-Unis) préservons l’essentiel mais ce n’est pas comme si on débarquait des forces en Asie ».
Le chef de la sécurité américaine a promis que la présence américaine dans l’Asie-Pacifique devait être être épargnée par les coupes budgétaires prévu par Washington. Les personnels militaires stationnés en Asie et dans le Pacifique n’augmenteront pas forcément. 85 000 hommes sont basés dans la région -essentiellement au Japon et en Corée- et le format des forces armées devrait diminuer au cours des prochaines années. Autre chiffre: le nombre de navires américains a d’ailleurs déjà été réduit, passant de 320 en 2001 à 284 actuellement.
avec lexpress