Le statut du Chef de l’opposition était un projet “cher“ à Abdoulaye Wade. Surtout quand l’actuel président de la République du Sénégal faisait face à Abdou Diouf. A l’époque, il ne faisait l’ombre d’aucun doute qu’il allait bénéficier de tous les avantages y afférant. Seulement l’actuel secrétaire général de la Francophonie ne lui a jamais permis de jouir d’un tel privilège.
Arrivé au pouvoir grâce à l’Alternance survenue le 19 mars 2000, Abdoulaye Wade, dépoussière son dossier ainsi que la question du financement des partis politiques. Le professeur agrégé en droit, El Hadji Mbodji réalise un excellent travail sur le sujet. Seulement, au moment de choisir le Chef de l’opposition, le projet tombe à l’eau.
Mais, les raisons avancées par le ministre de la Communication, Moustapha Guirassy ne justifient pas à elles seules, le blocage. Le porte-parole du gouvernement a soutenu que la “mésentente“ entre Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste (Ps) et Moustapha Niasse de l’Alliance des forces du progrès (Afp) sur le statut du chef de l’opposition est à l’origine de la rupture du dialogue politique pouvoir-opposition.
Or, l’autre réalité que le ministre a préféré volontairement occulter (à moins qu’il ne l’ignore), c’est que Abdoulaye Wade voyait d’un mauvais œil que le titre de chef de l’opposition soit décerné à Moustapha Niasse, comme il revenait d’ailleurs de droit, au patron des Progressistes.
En effet, le mode de scrutin sénégalais (majoritaire en département et proportionnel sur le plan national) avait permis au parti de l’enfant de Keur Madiambel de disposer de 11 députés, contre 10 pour le Parti Socialiste.
Or, au décompte des voix, le PS était largement supérieur à l’AFP. Ce qui nous rappelle, l’élection de Georges W. Bush face à Albert Gore aux Etats-Unis en 2000. Ce sont aussi les failles de la démocratie !
Le risque était d’armer un “présidentiable“ qui avait déjà récolté plus de 17 % à l’élection présidentielle de 2000, sur lesquels, Wade s’est appuyé pour accéder à la magistrature suprême. A l’époque, beaucoup d’observateurs politiques voyaient en Niasse, le 3ème président du Sénégal. Même Feu Cardinal Hyacinthe Thiandoum avait émis ce vœu diversement apprécié.
Conscient d’un tel “danger“ que pouvait représenter son ancien Premier ministre, le 1er de l’Alternance, Abdoulaye Wade sème la zizanie en parlant de deux Chefs de l’opposition.
Cette trouvaille savamment orchestrée par Wade fait tomber le projet à l’eau. Aujourd’hui encore, une sonde est lancée dans le camp Benno, alors que la quasi-totalité des partis qui le compose avait boycotté les dernières élections législatives.
sudonline.sn
L’Afrique créancière du monde développé
Par Jean-Pierre Boris
Les économies africaines apportent plus de ressources à l’économie mondiale qu’elles n’en reçoivent au titre de l’aide internationale. C’est la conclusion explosive d’un rapport que vient de publier le « think tank »américain, Global Financial Integrity.
La somme est plus que rondelette. Au cours des quarante dernières années, les flux financiers illicites partant d’Afrique vers les pays développés ont atteint les 1 600 milliards de dollars. La somme est d’autant plus impressionnante que les experts de GFI excluent de leurs estimations et analyses tout ce qui procède de la corruption, des détournements de fonds, du trafic de drogue ou de la contrefaçon. Ils ne s’intéressent qu’aux recettes tirées de l’économie formelle, officielle et à tout ce qui ressemble à de l’évasion fiscale.
Ces recettes qui échappent aux économies africaines représentent 60 à 65% de l’ensemble des flux illicites. C’est donc énorme. Les mécanismes mis en œuvre et dénoncés sont très simples. Il suffit de surestimer la valeur des importations en Afrique et de sous-estimer celle des exportations.
Le Nigeria principale victime
Tous les pays africains sont concernés par cette gigantesque évasion de capitaux. Ceux d’Afrique sub-saharienne au premier chef avec en particulier le Nigéria, de loin la première victime de ce phénomène. Les responsables ne sont pas seulement les grandes compagnies minières ou pétrolières étrangères qui sont installées dans les pays africains. Même si, par exemple au Mozambique, l’économiste Carlos Castel-Branco dénonce le traitement de faveur accordé à ces multinationales qui ne payent pas de taxes sur les minerais qu’elles exploitent.
Mais les investisseurs africains sont directement mis en cause par les experts du « think tank »américain GFI. Ces investisseurs préfèrent en effet placer leurs avoirs sur les grandes places financières internationales ou dans des banques offshore que dans leurs propres pays. GFI estime ainsi que le total des capitaux et des investissements réalisés dépasse le total de la dette extérieure de la région. L’Afrique investit donc plus à l’étranger qu’elle n’emprunte, faisant du continent le plus pauvre de la planète un créditeur net et non un débiteur.
La responsabilité des gouvernements africains
Le défaut de vigilance des gouvernements africains est aussi pointé du doigt. Car ces flux n’ont fait que grossir au fil des années. Au début des années 70, ils ne représentaient que 2% du Produit National Brut (PNB) de la région. En 1987, c’était 11% du PNB. Vingt ans plus tard, en 2008, les flux commerciaux illicites avaient un peu décliné mais ils représentaient quand même 7% de la richesse annuelle produite en Afrique.
Global Financial Integrity insiste sur le besoin de réformes économiques et de meilleure gouvernance. Sans elles, il sera impossible de maîtriser la situation. Ainsi, alors qu’entre 2000 et 2010, l’Afrique sub-saharienne a enregistré sa période de plus forte croissance économique, les flux illicites ont aussi augmenté plus vite qu’ils ne le faisaient précédemment.
Les auteurs du rapport voient dans cette fuite exorbitante de capitaux l’une des principales raisons à l’inefficacité de l’aide internationale dans la lutte contre la pauvreté en Afrique. « Tant que cette hémorragie ne sera pas endiguée, concluent-ils, l’Afrique ne s’en sortira pas ».
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