Presque deux heures de discours pour renouer avec un exercice annuel que le Covid avait empêché ces dernières années. Emmanuel Macron s’est adressé ce jeudi matin aux ambassadrices et ambassadeurs qui représentent la France dans le monde. L’occasion pour le président de tracer la feuille de route de la diplomatie française.
Un discours d’Emmanuel Macron qui ouvrait deux jours de séminaire et, actualité oblige, largement dominé par la guerre en Ukraine et ses conséquences. « Basculement », « rupture », c’est avec ces mots très forts que le président français décrit l’état du monde. Un monde de crises : covid, climat et bien sûr invasion russe de l’Ukraine. « Une guerre d’annexion à nos portes, menée par une puissance dotée [de l’arme nucléaire] et membre du Conseil de sécurité de l’ONU », selon Emmanuel Macron.
Pour le président français, cette rupture entraîne un changement profond pour la diplomatie française. Il appelle de ses vœux une diplomatie « de combats ». Selon Emmanuel Macron, la France doit défendre son indépendance et son influence dans le monde. Elle doit travailler à des partenariats et elle doit œuvrer au multilatéralisme. Et elle doit agir sur des terrains nouveaux comme celui de la « lutte des récits » : propagande, influence et contre-influence sur les réseaux sociaux…
Des diplomates plus réactifs sur les réseaux sociaux
Le chef de l’État a ainsi appelé à « assumer une stratégie d’influence et de rayonnement de la France », a exhorté à « mieux utiliser le réseau France Médias Monde, qui est absolument clé, qui doit être une force pour nous ». France Médias Monde regroupe notamment la chaîne d’information France 24 et la radio RFI.
Emmanuel Macron a exhorté les diplomates français à être « plus réactifs » sur les réseaux sociaux pour mieux riposter aux attaques que subit la France en direction des opinions publiques, notamment en Afrique : la France a notamment été visée par des campagnes de désinformation au Mali, sur fond de tensions diplomatiques entre Paris et Bamako. De nombreuses fausses informations y avaient ainsi circulé de manière virale en 2021, portant sur les agissements supposés des troupes françaises dans le pays.
Défense de la réforme de la haute fonction publique
Emmanuel Macron a également défendu sa réforme controversée de la haute fonction publique, à l’origine d’un mouvement de contestation inédit chez les diplomates.
« Cette réforme est bonne pour le Quai d’Orsay », a lancé le président français, tout en reconnaissant « le trouble » qu’elle a suscité chez les diplomates.
Rappelant qu’en 2023 le nombre d’emplois augmenterait « pour la première fois depuis trois décennies » au ministère des Affaires étrangères, où 100 emplois à temps plein vont être créés selon une source diplomatique et que la hausse des moyens financiers allait se poursuivre, Emmanuel Macron a défendu sa réforme.
Celle-ci prévoit la « mise en extinction » des deux corps historiques de la diplomatie d’ici à la fin 2023 et la création d’un nouveau corps de l’État. Les hauts fonctionnaires ne seront plus rattachés à une administration spécifique et pourront en changer en cours de carrière.
Elle a suscité l’inquiétude et la colère de nombreux diplomates, y compris parmi les hauts cadres, estimant ne pas être « interchangeables », et s’inquiétant d’une perte de professionnalisation et de prestige de la diplomatie française, troisième réseau mondial derrière les États-Unis et la Chine.
La réforme avait entraîné une grève, rarissime, au Quai d’Orsay, en juin 2022. Et une association « diplomates de métier », comprenant notamment d’anciens ministres opposés à la réforme, a été créée mercredi.
« Défendre un métier n’a jamais signifié défendre un corps », a asséné le président.« Cette réforme doit nous permettre d’avoir une diplomatie plus agile, plus experte, plus forte », a-t-il déclaré, indiquant qu’elle permettrait d’« agréger le métier de diplomate avec des compétences extrêmement pointues dans les réseaux sociaux, les technologies, l’épidémiologie », et de créer des « task force utiles et mobiles ».
Tout en disant sa « confiance » aux diplomates, Emmanuel Macron les a « encouragés » à « s’approprier » la réforme.
Des États généraux de la diplomatie, sous la houlette de la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, seront lancés dans quelques semaines, dans le but d’« enrichir » cette réforme, a-t-il indiqué.