Confidentiel. Ce que Wade a dit exactement à Tiken Jah Fakoly: « Ous­ma­ne Ngom ne fait que des bêtises pour un avocat, je ne sais même pas ce qui m’empêche de me séparer de lui »

Opération de destruction massive devant Tiken Jah Fakoly au palais : Wade pulvérise Ousmane Ngom

Tout est bien qui finit bien. Tiken Jah Fakoly est de retour au Sénégal. Il n’y est plus persona non grata car le Président n’était pas informé de cela. Lors de l’audience avec le chanteur ivoirien, Abdoulaye Wade en a profité pour déverser des vertes et des pas mûres sur Ousmane Ngom, ministre de l’Intérieur d’alors et auteur dudit arrêté. Par Mamadou BIAYE –

La déclaration de Tiken Jah Fakoly, vendredi dernier devant les caméras de la Télévision nationale (Rts) a fait sourire plus d’un. A sa sortie d’audience avec le Président sénégalais, le chanteur ivoirien a soutenu que Abdoulaye Wade n’était pas informé de la décision prise à l’époque par son ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom de déclarer le chanteur, «persona non grata au Sénégal». Une affaire qui avait fait grand bruit à l’époque et qui avait déclenché d’ail­leurs une vive réaction de Tiken Jah Fakoly dans ces colonnes depuis le Mali, où il se trouvait. Vendredi dernier, c’était donc la paix des braves, et il fallait trouver une excuse, aussi saugrenue soit-elle.
Quatre jours après cette audience, les informations en notre possession montrent que dans cette histoire, Tiken Jah Fakoly a été très diplomatique dans sa réponse à la presse. Car durant les 3 heures 20 minutes de l’audience avec le Président sénégalais, l’auteur de l’interdiction a été traité de tous les noms. Les oreilles de Ousmane Ngom ont dû siffler là où il se trouvait au moment de cette audience.
Très en verve, Abdoulaye Wade avait pour mission de rendre cette audience chaleureuse pour dissiper les dernières appréhensions. Ainsi, selon notre interlocuteur, à l’entame de l’audience, Abdoulaye Wade interpelle le chanteur ivoirien en ces termes?: «Doumbia (Ndlr?: le vrai nom de Tiken, c’est Moussa Fakoly Doumbia), je suis fâché contre toi, d’abord parce que je t’ai toujours considéré comme mon fils, mais en retour, tu ne me considères pas comme ton père. Ensuite, si tu as des problèmes quelle qu’en soit la nature, tu devais m’en parler.» Et Wade de faire la comparaison avec Alpha Blondy en précisant?: «Il a plus de considération pour moi que toi. Il vient régulièrement me voir et m’appelle souvent pour me demander mon état de santé. Mais toi depuis trois ans, je ne t’ai pas vu. Aucun coup de fil et tu as même coupé les ponts.» Une bonne tirade d’autant plus que Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly sont loin d’être les meilleurs amis au monde.
Mais aussitôt, Abdoulaye Wade va tempérer sa sortie qui pouvait vexer son invité. «Vous êtes tous mes enfants. Même lorsque j’étais dans l’opposition, je vous encourageais à refuser et à continuer le combat pour les Etats-Unis d’Afrique. Je con­nais ton engagement pour le panafricanisme et c’est lors de l’inauguration du monument de la Renais­sance africaine que je me suis aperçu que tu n’étais pas présent parmi les musiciens que j’ai reçus, alors j’ai demandé de tes nouvelles. C’est là qu’on m’a dit que tu avais des problèmes avec Ousmane Ngom, l’ancien ministre de l’In­té­rieur, mais tu devais m’en parler ou m’écrire», soutient le Président sénégalais. Et c’était parti pour un réquisitoire en règle contre Ousmane Ngom.
Le Président Abdoulaye Wade de lancer à Tiken Jah Fakoly?: «Je voudrais te dire – je prends à témoin ma fille et mon Directeur de cabinet – que je ne suis ni de près ni de loin impliqué dans cette décision idiote de Ousmane Ngom.» La preuve, «en tant qu’Africain et africaniste, je n’interdirai jamais à un Africain le territoire sénégalais qui est une terre africaine». Autre argument brandi par Abdoulaye Wade pour se dé­doua­ner et montrer sa bonne foi, «un Président ne signe jamais d’arrêté, moi je ne signe jamais d’arrêté mais des décrets et des circulaires». Mieux, «en tant qu’Ivoirien, citoyen de la Cedeao, on ne peut pas t’empêcher d’entrer au Sénégal ou de circuler en Afrique de l’ouest. C’est impossible?!» A partir de cet instant, nous précisent nos confidents, plus personne ne pouvait retenir le Pré­si­dent. Il fonçait à plein régime. Et il demande au chanteur ivoirien s’il avait une copie de cet arrêté, s’il y a eu un communiqué rédigé par le ministre de la Communication de l’époque, avant d’exiger une bonne fois pour toute de voir l’arrêté en question.

COURS DE DROIT DU PRESIDENT

Tenant ledit arrêté du jeudi 13 décembre 2007 entre les mains, le Président Wade hoche la tête d’un air désolé avant de soutenir :?«Ous­ma­ne Ngom ne fait que des bêtises pour un avocat. Dans cet arrêté, il n’y a que des vices et tu pouvais l’attaquer pour abus de pouvoir ou saisir le Parlement de la Cedeao, la Com­mission internationale des droits de l’homme de Genève et les instances compétentes de l’Union africaine. Ce que Ousmane Ngom a publié dans la presse est extrêmement gra­ve et comporte des manquements. Non seulement il ne te le notifie pas, mais en plus tu ne t’appelles même pas, je pense, Seydou Doumbia mais Moussa Fakoly Doumbia. En plus ce monsieur écrit Fakoly avec un C au lieu d’un K, c’est-à-dire Fassoly.»
La conclusion de Me Abdoulaye Wade est sans équivoque pour Ousmane Ngom?: «Ce monsieur ne fait que des bêtises et je ne sais même pas ce qui m’empêche de me séparer de lui.» Et de souligner devant ses invités, certains événements dans lesquels Ousmane Ngom est mêlé et/ou son nom a été cité. Dans son énumération, le Pré­sident Abdoulaye Wade rappelle l’histoire autour de la surfacturation des cartes d’identité et d’électeurs. Ce, avant de souligner qu’«en tant que ministre des Mines et de l’In­dus­trie, ses bêtises risquent de conduire le Sénégal à payer la somme salée de 1?milliard d’euros à Kumba Re­sources, une entreprise à capitaux sud-africains et anglais, ?qui nous a attaqués devant la Cour arbitrale de la Chambre de commerce de Lon­dres.? Il a résilié abusivement le précontrat qui les liait à Miferso au lieu de le régler à l’amiable». Sur ce dernier point, le Président Wade a eu tout faux car «cette bêtise» a été faite par l’actuel ministre des Affaires étrangères, Me Madické Niang, qui a l’époque occupait le département des Mines.
Mais tout ceci était le cadet des soucis de Abdoulaye Wade. Ous­ma­ne Ngom devait en prendre pour son grade, il ne s’agissait pas de le louper, allant jusqu’à dire à Tiken Jah Fakoly, «je vais te faire une révélation Doumbia, ce monsieur m’avait quitté pour soutenir Diouf alors que c’est moi qui l’ai fabriqué, qui ai fait de lui un député, un ministre, un ministre d’Etat, et d’ailleurs heureusement car j’ai récemment voulu en faire un Premier ministre. ?Lors des dernières Locales, il a fait perdre le parti à Saint-Louis». Cela en était fini de la mise à mort. Le dernier coup venait d’être asséné. Sans un seul regret.
Comme si de rien n’était, Abdoula­ye Wade rappelle à Tiken?: «On est en démocratie, vous êtes tous mes enfants, dites ce que vous pensez et d’ailleurs lorsque tu as dit que Karim devait aller à l’Assemblée, il y est allé pour se faire auditionner, donc le problème était clos.»? Avant de lui demander humblement de ne pas en tenir rigueur car «le Sénégal, c’est ton pays. Viens quand tu veux, sors quand tu veux, tu es mon fils, et, je veux d’ailleurs que tu participe au Fesman. Discutes avec Syndiely et qu’elle te confie ce que tu pourras nous apporter».
Avant de se séparer de son hôte chanteur vendredi dernier, le Pré­sident Abdoulaye Wade lui a offert trois ouvrages et le schéma du gouvernement fédéral africain.

lequotidien.sn