Conseil d’Idrissa à Wade à propos d’un magistrat: «Non Président, quelqu’un comme ça, on ne le vire pas. On le garde pour lui faire faire n’importe quoi.» Madiambal Diagne raconte

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Par Madiambal DIAGNE

L’histoire raconte qu’à votre accession à la présidence de la République du Sénégal, un haut magistrat qui vous rendait la vie d’opposant dure, s’était présenté, tout éploré, devant  Idrissa Seck, alors votre Directeur de cabinet. Le haut magistrat se mit à genou (ce n’est point une figure de style) implorant Idrissa Seck pour qu’il le sauvât, craignant des représailles de votre part. Quand Idrissa Seck vous rapporta l’anecdote, vous aviez piqué une colère en lui lançant : «Virez-moi cet (i…)» Idrissa Seck vous dira?: «Non Président, quelqu’un comme ça, on ne le vire pas. On le garde pour lui faire faire n’importe quoi.» Ainsi, ce haut magistrat a été maintenu à son poste et a même gravi les échelons suite à des nominations que vous aviez décidées. L’anecdote renseigne à suffisance sur ce dont certains de nos grands juges sont capables.
Ce haut magistrat, il faut le dire, n’est pas Cheikh Tidiane Diakhaté. Mais cette expérience a semblé vous avoir inspiré quant à la gestion de sa carrière. La plupart des mandats de dépôt qui vous jetaient en prison étaient signés de sa main. Pourtant, vous l’avez nommé à de hautes fonctions auxquelles il vous a obéi au doigt et à l’œil. On en veut pour preuve la gestion du dossier des Chantiers de Thiès. Ironie du sort, c’est Idrissa Seck, celui-là même qui suggérait d’avoir des magistrats à votre botte, qui fera les frais du zèle de ce néo-converti à votre cause.

Cheikh Tidiane Diakhaté vous a si aveuglément servi que, lorsque des amis lui demandaient, il y a quelques années, si le poste de président de la Cour de cassation qui était à pourvoir ne lui était pas destiné, il ne trouvait pas une meilleure réponse que de leur dire?: «Le président de la République a encore besoin de moi ici, à la Cour d’appel de Dakar.» Oui, il vous a servi à cette station, vous et votre famille politique. Les contentieux électoraux de Ndoulo, Ndindy et Mbane lors des élections locales de mars 2009 en sont une illustration. Cheikh Tidiane Diakhaté s’était mis en avant, bravant même d’être désavoué par la Cour de cassation. Pendant six ans, le président Diakhaté a été à la tête de la Cour d’appel. Que ne révéleraient pas les tiroirs de cette juridiction?? Il a bataillé ferme, vous le savez bien, pour faire nommer à sa place un magistrat qui pourrait le couvrir du voile de la pudeur. La plaie était si béante qu’une délégation du Conseil de l’Ordre des avocats avait rencontré le ministre de la Justice d’alors, Me El Hadji Amadou Sall, pour lui dire clairement que «le problème du Palais de justice, c’est Cheikh Tidiane Diakhaté». Me Sall voulait refuser de personnaliser l’affaire mais ses confrères savaient bien de quoi ils parlaient.
Monsieur le président de la République,
Prendrez-vous le risque de provoquer des troubles politiques dans ce pays du fait de la nomination au poste de président du Conseil constitutionnel de cet homme?? Cette race d’homme vaut-elle de mettre en péril la paix civile et la stabilité de notre pays?? Je vous en conjure, pour la paix civile, pour l’intérêt de la Nation, demandez à Cheikh Tidiane Diakhaté de démissionner. A coup sûr, l’homme rechignera à démissionner. Il a un mandat de six ans. Les insultes, les invectives n’y feront rien. Il voudra profiter de son mandat à tout prix. Mais vous avez des arguments, pour ne pas dire ressources, pour le contraindre à la démission. La suspicion que lui portent de larges franges de la classe politique est on ne peut plus légitime. Toute décision qu’il rendra en votre faveur sera suspecte.
Monsieur le président de la République,
Votre parcours politique vous oblige d’ailleurs à lui demander sa démission. Cela vous permettra de rectifier une erreur historique et politique?: l’avoir nommé. On se rappelle que vous aviez eu à manifester une attention particulière au processus électoral et à la fiabilité des hommes chargés de le gérer, à tous les échelons. C’était de bonne guerre. Ainsi, vous aviez décrié ou pourfendu avec véhémence la nomination du Général Amadou Abdoulaye Dieng à la tête de l’Observatoire national des élections (Onel). Le Président Abdou Diouf avait fini par céder à vos exigences pour instaurer la sérénité et la paix en demandant au Général Dieng de démissionner. Quand vous l’aviez interpelé dans les mêmes formes et avec la même agressivité sur le cas du juge constitutionnel Me Babacar Sèye, contre vents et marées, le Président Diouf n’avait pas estimé devoir donner une suite à vos exigences. Me Babacar Sèye lui-même disait refuser de démissionner, considérant qu’il vous prouverait par sa neutralité que votre jugement sur sa personne était erroné. On connaît la suite. Il a été tué et ce meurtre politique continue de vous hanter.
Vous aviez eu à nommer vous-même le magistrat à la retraite Moustapha Touré à la tête de la Commission électorale nationale autonome. L’opposition l’avait récusé. Vous aviez fait la sourde oreille. Moustapha Touré disait qu’il prouverait à ses détracteurs qu’ils se trompaient sur son compte. Ainsi dit, il fera preuve d’une certaine neutralité qui vous aura déplu. Et c’est vous-même qui aviez fini par lui demander de démissionner. La morale de tout ceci, c’est que vous savez faire démissionner les gens. Cheikh Tidiane Diakhaté ne saurait être une équation insoluble pour vous. Cette interpellation ne servira sans doute à rien?; mais elle devrait?!

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