XALIMANEWS- Derrière le bureau du chef de l’Etat, se cache un véritable réseau politique souterrain qui élabore et définit les stratégies adoptées par Macky Sall.
La légende voudrait que Macky Sall soit un Président qui décide seul. Un fin tacticien politique, sombre reflet d’une puissance cérébrale, longtemps sous-estimé mais jamais apprivoisé. Du Parti démocratique sénégalais (Pds) à l’Alliance pour la République (Apr), du poste de Directeur général des Pétroles du Sénégal (Pétrosen), au début des années 2000, à chef de l’Etat du Sénégal. Une décennie après, le natif de Fatick a toujours déjoué les pronostics. Et pour beaucoup, ce côté «apprenti Jokey qui affole le betting» en ayant toujours une longueur d’avance sur ses concurrents a toujours fait la force du taiseux homme d’Etat. De l’actuel patron de la majorité présidentielle, qui préfère opiner du chef, plutôt que livrer le fond de sa pensée en public.
«Il sait surprendre son monde, préparer ses coups», dit-on de lui. Mais derrière l’épaisseur politique du chef de l’Etat qui lui permet parfois de se jouer de ses adversaires et de mettre la pression sur ses collaborateurs. Comme cela se passe actuellement avec l’annonce d’un remaniement ministériel. Ce qui chamboulerait toutes les positions au sommet de l’Etat, s’active une équipe politique rompue à la tâche. Des hommes et des femmes, le plus souvent élevés à la dignité de ministre et traités comme des princes, dont le travail ne consiste qu’à peaufiner les stratégies politiques les plus folles et les scenarii les plus déroutants à mettre en œuvre par le chef de l’Etat. Un «cercle restreint», parfois ouvert aux membres du parti ou de la coalition au pouvoir, qui a aidé, selon des témoignages de proches du chef de l’Etat, à remporter nombre de batailles et/ou permis de faire face à des situations presque inextricables, dont le dénouement ne relevait que du miracle politique.
Ironie de l’histoire à Tamarro
Dans le langage des «initiés», la task-force est surnommée «laboratoire politique» du chef de l’Etat. Le réseau qui est du formalisme administratif est composé de conseillers, d’où émerge la plupart de ses stratégies. La question est d’une grande importance pour le chef de l’Etat, au point qu’il nomme un directeur de cabinet politique, en la personne de Mahmouth Saleh.
C’est ce «mammouth» politique, décrit comme un adepte du trotskysme, qui coordonne toute l’activité du laboratoire dont, ironie de l’histoire, le siège se trouve à l’immeuble Tamaro. A l’enseigne de l’ex-Miccati (ministre de la Coopération Internationale, de l’Aménagement du Territoire, des Transports aériens et des Infrastructures), dirigé par Karim Wade.
Les bureaux du directeur de cabinet politique ont été délocalisés de la présidence de la République. Ce, pour lui permettre d’avoir plus d’espace pour installer son cabinet et tenir, au besoin, des réunions secrètes. «Le cabinet politique du chef de l’Etat n’est pas une structure physique lourde qui rassemble beaucoup d’agents. Outre le secrétariat, Mahmoud Saleh fait appel à des penseurs et stratèges pour l’élaboration des notes et schémas pour le Président de l’Alliance pour la République, aussi bien dans la gestion du pays que dans la prospective politique. Le plus proche collaborateur du Dircab politique est Mor Ngom», souffle-t-on. L’ancien ministre des Transports du premier gouvernement est fort de son lien entre l’Apr et ses alliés de Benno Book yaakaar (Bby).
Il assure le secrétariat exécutif provisoire de Bby depuis sa création. «Il est en quelque sorte l’interface entre le parti présidentiel et la coalition politique qui porte le pouvoir. Mor Ngom forme, avec Mahmoud Saleh et le directeur de cabinet en fonction du chef de l’Etat, le trio qui distille toutes les combinaisons pour en tirer les dernières solutions». Ajoutent les mêmes sources. D’après des membres du cabinet présidentiel, «ces trois participent, d’une façon ou d’une autre, à la prise de presque toutes les décisions d’ordre politique du chef de l’Etat».
Les hommes de l’ombre
Mais, les avis et conseils du trio ne sont pas le fruit exclusif de leurs réflexions et pensées. Il porte les idées d’autres membres du laboratoire. L’on retrouve dans le réseau informel des hommes de l’ombre comme Luc Sar, élevé au rang de «conseiller politique». Il ne doit pas ce poste à sa «représentativité nulle» ou à son influence dans les hautes sphères. Mais surtout à sa capacité à théoriser et mettre en œuvre les schémas et coups politiques les plus tordus. «Sans la politique politicienne, Luc Sarr n’existe pas. C’est tout ce qu’il sait faire. C’est ce qui résume sa vie». Confie un haut responsable de l’Apr. Le groupe des conseillers et stratèges politiques informel du chef de l’Etat est aussi fort de la présence de Benoit Sambou. Même s’il n’est pas militant de la première heure du parti présidentiel, cet allié s’est trouvé une place dans le cercle restreint des «penseurs» de Macky Sall.
D’après des confidences faites par des cadres du parti, le Président de la Commission nationale du dialogue des territoires (Cndt) doit son rang à la «confiance du chef de l’Etat. Il fait preuve de beaucoup de discrétion et s’est fait distinguer par sa capacité à garder les secrets». L’on souffle que ce sont ces qualités qui lui ont valu d’être bombardé plénipotentiaire de la Benno book yaakaar aux différentes élections. D’ailleurs, lors des dernières Législatives du 30 2017, Benoit Sambou a été le seul responsable, avec le chef de l’Etat et l’ex-Dircab Me Omar Youm, à finaliser les listes d’investitures de Bby. Une liste gardée secrète jusqu’à sa publication par les canaux appropriés.
Sur la liste des hommes de l’ombre qui soufflent directement ou indirectement à l’oreille du chef de l’Etat, il y a l’ancien ministre de l’Intérieur Mbaye Ndiaye. Le directeur des structures de l’Apr bombardé ministre d’Etat auprès du chef de l’Etat participe, avec Abdourahmane Ndiaye en sa qualité de Conseiller spécial du président de la République et secrétaire administratif de l’Apr, à l’élaboration des plans politiques. C’est le cas aussi du Vice-président de l’Assemblée nationale et porte-parole adjoint de l’Apr, Abdou Mbow.
Le benjamin en âge du laboratoire n’en est pas le plus faible politiquement. L’ancien responsable de la Convention des jeunes républicains (Cojer) s’est imposé au public grâce à sa seule activité politique. Même s’il s’est fait connaitre à travers l’Apr, Abdou Mbow a été à bonne école politique. Nourri à la bonne sève du Parti pour le progrès et la citoyenneté (Ppc) de feu Me Mbaye-Jacques Diop où il a débuté son militantisme. Une expérience en bandoulière qui lui permet de développer des pensées politiques utiles à son leader, Macky Sall.
Non moins utiles et plus discrets, les anciens Premiers ministres Mahammad Boun Abdallah Dionne et Aminata Touré occupent une place de choix dans l’équipe politique. Dans l’entourage du chef de l’Etat, ils rassurent, du fait de leur lucidité dans l’analyse. Mais plus chez le ministre d’Etat, secrétaire général de la Présidence de la République, dont on loue la discrétion dans l’accomplissement des missions politiques, parfois les plus sérieuses.
Comité ad hoc
Les missions politiques du laboratoire ne sont pas fixes. Même si les conseillers travaillent sur tous les sujets d’ordre politique, ils ne sont pas toujours ensemble sur toutes les affaires. D’après des informations de L’Observateur, sur des questions ponctuelles, le chef de l’Etat, sur conseil du directeur de cabinet politique, Mahmoud Saleh, peut instruire un comité ad-hoc la mission spécifique de fournir des réflexions et dégager des pistes sur le sujet.
Sa composition dépend de la nature du sujet et les profils sont choisis en fonction de leur «spécialité». La gestion des équilibres dans la composition d’un gouvernement, la gestion urgente d’une crise politique, comme dans l’affaire Khalifa Sall, l’élaboration de listes d’investitures, la recherche de solution à une tension politique interne au parti, comme l’affaire Moustapha Cissé Lô et Moustapha Diakhaté… ont nécessité, pour chacun des cas, d’avis de personnalités différentes. Pour chaque cas qui se pose, les meilleurs profils échangent, font des notes et adoptent le meilleur plan.
Les stratégies politiques sont toujours accompagnées d’une campagne de communication. C’est là où interviennent des hommes de l’art. Ce volet est souvent laissé à l’appréciation des communicants du Palais, comme El Hadji Hamidou Kassé et Seydou Guèye. Ils sont renforcés des idées de l’administrateur de la Fondation Servir le Sénégal, Alioune Fall.
Ce dernier nommé, au delà de ses talents en Com’, est aussi dans la réflexion politique. Outre ces personnalités, le chef de l’Etat intègre aussi dans ses réflexions et prises de décisions les différents responsables des instances de l’Apr, comme Abdoulaye Diouf Sarr au titre des cadres, Moussa Sow pour les jeunes, Ndèye Saly Diop Dieng pour le compte des femmes.
L’Observateur
Cet entourage du Président ne lui sert pas utilement, puisque le pays se retrouve gravement handicapé par une mal gouvernance, jamais vécue depuis notre indépendance. Si Macky veut vraiment relevé ce pays, il n’a qu’à se débarrasser de certains membres de son entourage aussi inopportuns, que nuisibles pour la bonne marche des affaires de l’état. Pour cela, il devrait changer de paradigme, orienter sa politique résolument vers la satisfaction des nombreuses priorités, concentrées sur forte demande sociale.
Il devrait nécessairement se défaire du clientélisme politique, qui sape les vertus d’un état démocratique, républicain consacré par notre constitution, avec une réelle séparation des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif.
Grace à une réelle volonté politique, cette orientation nouvelle est bien réaliste et réalisable. Il convient de choisir soigneusement les profils des hommes aptes à mettre en œuvre cette vision politique. On ne le dira jamais assez, le pays regorge de hauts cadres compétents et honnêtes, en attente d’occasions pour mettre leur expertise au service du développement national.
Il appartiendra au Président, mu par une volonté d’opérer un vrai sursaut de sa gouvernance et dénicher ces cadres « exceptionnels » en vue de les responsabiliser chacun dans son secteur de prédilection. Ce faisant, le Sénégal n’en sortira que mieux, émergeant, et son Chef trouvera certainement par là, l’occasion de sortir par la grande porte. En tout cas c’est mon vœu le plus cher que je souhaite à notre cher patrie. Vive le Sénégal! Vive l’Afrique!