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Conséquence d’une très forte pression démographique : Les rues servent de chambre à Guet Ndar

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Menacé par l’avancée de la mer, confiné au fleuve, le quartier de Guet Ndar à Saint-Louis vit une explosion démographique sans pareil. Les conséquences sont visibles dans le quartier où faute de place, on dort à tour de rôle dans les maisons et sous les bâches érigées dans la rue.
Coincé entre mer et fleuve, Guet Ndar déroule sur une étroite bande de terre ses maisons décrépites. Blotties les unes contre les autres, elles résistent au poids du temps. Aussi vielle que la cité de Ndar, le quartier des pêcheurs fait partie intégrante de Saint-Louis. Parcouru de calèches remplies de touristes, il est loin de ressembler aux autres sites qui font courir ces étrangers en mal d’exotisme. Ici, le spectacle de la misère et de la pauvreté s’expose dans toutes les rues. Par centaines, les habitants envahissent les ruelles du quartier en quête d’espace et d’horizon. Dans l’imaginaire collectif, ce quartier a fini de susciter méfiance et peur au point qu’aujourd’hui, aucun néophyte ne s’y aventure sans être accompagné. Le caractère, dit-on, fier ou violent (c’est selon) des autochtones en a fait un no man’s land infranchissable.

Retrécissement de l’espace
Pourtant que de drames couvent dans cet univers. Déjà, l’explosion démographique suinte à chaque bout de rue. Pas moins de 25 000 habitants se disputent un espace n’excédant pas le kilomètre carré ! De quoi placer le quartier au rang des plus fortes densités de population au monde. La cinquième même dit-on, quelque part entre Manhattan et Calcutta en Inde. Une petite balade sur les lieux ne remet nullement en cause ce classement. Des grappes d’enfants se disputent les quelques centimètres de rue aux animaux domestiques. Les maisons déversent leur trop plein dans la rue, devenue le lieu de toutes les activités. On y lave le linge, la vaisselle, les enfants, on y parque ses moutons. Et même ses enfants. En effet, dans ce quartier où l’espace manque cruellement, les jeunes garçons n’ont d’autre choix que de prendre la place des moutons. A l’approche des fêtes de tabaski, quand tous les jeunes partis en campagne de pêche reviennent passer les fêtes avec leurs parents, la vie devient infernale. Pas un espace de libre. Désespérés, les jeunes finissent par ériger des tentes dans la rue ou sur la plage. Ces waragne comme on les appelle, sont faits d’un assemblage de bâches, de tissus et de bois. A l’intérieur, comme partout ailleurs, promiscuité et engorgement règnent. Logés par dizaines dans ces tentes précaires, les jeunes garçons y dorment également à tour de rôle.
En cette pluvieuse matinée du mois d’août, le quartier est pareil à lui-même. La rue est envahie de mon1de. Hommes, femmes et enfants sont avachis sur des bancs, contemplant d’un œil morne le spectacle de la rue. Entre les calèches, les taxis clandos et les nuées d’enfants qui jouent, le niveau sonore grimpe aisément. De minuscules boyaux, difficiles à repérer et où s’ouvrent des semblants de portails serpentent dans le quartier et relient les maisons entre elles. Sans guide, impossible de s’y retrouver. Le nôtre s’appelle Baye Diallo. La cinquantaine bien sonnée, il fait partie de ces quelques privilégiés dont les chambres hébergent un nombre raisonnable de personnes. Avec sa vieille maman, sa femme et ses cinq enfants, la petite chambrette qu’il occupe dans la maison familiale n’est pas trop encombrée. «Une chambre pour une personne, ça n’existe pas ici. Une chambre, dix personnes oui !», s’exclame Mamadou Niang, du désespoir dans la voix. Avec toute sa famille, l’homme occupe un tout petit espace pas trop loin de la mer. Inutile de parler de cuisine ou autres commodités. Chez lui, la tente provisoire de la tabaski s’est transformée en quelque chose de permanent. C’est là que vivent les garçons de la famille. Et la cuisine familiale s’est installée au milieu d’un minuscule espace saupoudré de sable marin et qui sert d’espace à vivre. Au moment des fêtes de tabaski, plus de mille tentes sont érigées dans le quartier pour loger les jeunes présentement en campagne, nous explique-t-on.

Dormir dans des enclos
Son petit enfant sur les genoux, une dame d’une trentaine d’années dont la devanture de la maison s’orne d’une belle tente explique : «Ici, c’est plusieurs familles qui se partagent une maison. Et comme on ne peut pas faire dormir les garçons et les filles ensemble, on met des tentes dans la rue pour les garçons.» Le cœur gros et étreinte par l’angoisse devant les dangers encourus par ses enfants, Collé Fall s’en remet à Dieu. La pauvreté est, selon elle, la principale explication à cette situation précaire, car «chacun d’entre nous aurait souhaité avoir sa propre maison pour y vivre à l’aise avec sa famille».
Sa tante, assise non loin, embouche la même trompette : «Imagine que dans une chambre vivent un mari, sa femme, et ses enfants garçons et filles. Parfois ce sont même des enfants en âge de se marier, c’est pourquoi on préfère encore ériger ces «poukhouss» pour que les garçons y dorment.» Dans la plupart des maisons il n’y a pas de toilettes. La plage ou les berges du fleuve en font office, si ce ne sont pas des pots de chambre qui remplissent le rôle. L’hygiène semble être une chose inconnue. En tout cas difficilement maîtrisable. Avec la saison des pluies, c’est encore pire, témoigne Khady Fall. «Comme nous n’avons pas de cuisine, on est obligés de tout faire dans la chambre avec la présence des enfants. C’est dangereux !», se désole la vieille dame qui pointe un doigt accusateur sur la brèche ouverte sur la langue de barbarie. Le déclin de la pêche est, en effet selon les habitants, responsable de la paupérisation des habitants de Guet Ndar. Baye Diallo explique que l’ouverture faite en 2004 pour éviter que Saint-Louis ne soit sous les eaux, a participé à la dégradation de l’écosystème. Plus aucune pêche n’est possible sur le territoire sénégalais, expliquent les habitants. Les Guet Ndariens migrent alors vers les côtes mauritaniennes où l’accueil est souvent très répressif.

Un phénomène pas si ancien !
A en croire les anciens du quartier, la promiscuité dans Guet Ndar est un phénomène récent. Selon Djibril Dièye, vieillard à barbe blanche installé comme beaucoup de ses congénères sous les tentes qui bordent le fleuve, «nos grands parents n’avaient pas les même problèmes. Ils avaient de l’espace, eux. Et dans chaque maison, il y avait trois ou quatre chambres. Aujourd’hui, on met des chambres partout, mais cela ne suffit pas».
«Nous accepterions d’aller jusqu’à Potou ou Sanar peul. Mais nous ne voulons pas non plus aller sur des lieux inadaptés comme ceux de Dakar», martèle pour sa part Cheikh Diallo tranquillement installé sous un «mbaar». Si tous les habitants réclament de la part des pouvoirs publics d’être relogés sur d’autres sites, l’expérience nous apprend qu’en fait les opérations déjà tentées se sont souvent soldées par des échecs cuisants. Dernier en date, le projet de relogement à Ngalele a été noyé dans l’euphorie de l’Alternance. En effet, si pour les populations, 2 500 parcelles avaient été prévues pour reloger des Guet Ndariens à Ngalele, le Cadastre explique qu’en fait, une promesse de l’ancien régime avait été ajournée par les nouvelles autorités qui ont préféré distribuer ces parcelles à toutes les personnes qui en avaient émis le vœu. Et Guet Ndar s’est finalement retrouvé avec un quota de 70 parcelles sur ce lotissement. Une situation qui a suscité la rancœur des habitants dont on dit d’ailleurs qu’ils ont eux mêmes cédé beaucoup de parcelles sur le lotissement de l’Hydrobase à des hôteliers et autres particuliers.
Situation inextricable donc à laquelle les populations se sont pour ainsi dire accommodées. Mais la détresse et le mal-être affleurent et ne transparaissent qu’en de trop rares moments. Il en est ainsi du court métrage du réalisateur sénégalais Sébastien Tendeng. Cris du chœur, puisque c’est de cela qu’il s’agit, montre Guet Ndar sous un jour particulièrement dramatique et peint des hommes et des femmes rendus aphones par un trop-plein de mal-être.
lequotidien.sn

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