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Contre-offensive de DSK : ce que dit le rapport du procureur

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Onze fois. Dimanche 18 septembre, pendant les dix minutes spécifiquement consacrées à « l’affaire du Sofitel » – sur les quelque 20 minutes d’entretien menées par Claire Chazal – Dominique Strauss-Kahn a fait référence onze fois au rapport du procureur et à son contenu pour appuyer son argumentation.
Ce document de 25 pages, c’est la requête d’abandon de charges produite le 22 août par le procureur Cyrus Vance, et qui a sonné la fin des poursuites pénales aux Etats-Unis contre Dominique Strauss-Kahn.

Toutes les références faites dimanche soir par l’ancien patron du FMI au fameux rapport sont-elles avérées ? Point par point, les citations faites par M. Strauss-Kahn du rapport se révèlent plutôt exactes, même si l’interprétation peut parfois être discutée : par exemple, sur les mensonges de Nafissatou Diallo ou sur l’absence totale de traces de blessures physiques, mais aussi sur la conclusion générale selon laquelle l’accusation a conclu qu’il n’y avait eu aucun délit ou agression.

SUR LA NATURE DES FAITS
Dominique Strauss-Kahn affirme que le procureur a écarté qu’il y ait eu violence ou contrainte entre lui et Nafissatou Diallo :

« Ce qu’il s’est passé [dans la chambre 2806 le 14 mai 2011] ne comprend ni violence, ni contrainte, ni agression, ni aucun acte délictueux, c’est le procureur qui le dit, ça n’est pas moi. »
« Le rapport du procureur ne m’accuse en rien en matière de trace de blessure. »
Le rapport du procureur explique, lui, qu’il n’a pas été possible de prouver qu’il y ait eu usage de la force, blessure physique sur la plaignante ou « contacts non-consentis » :

« Les preuves physiques, médicales ou autres qui sont disponibles dans cette affaire (…) ne prouvent cependant pas que ces contacts ont été imposés par la force ou étaient non-consentis, et elles ne corroborent pas certains aspects du récit, par la plaignante, des faits incriminés. »
« Les preuves physiques, scientifiques et d’autres natures, indiquent que l’accusé a engagé un acte sexuel précipité avec la plaignante, mais elles ne permettent pas de dire si l’acte a eu lieu sous contrainte et sans consentement. »
« Tous les éléments recueillis, qui auraient pu être pertinents pour statuer sur les questions de l’usage de la force et de l’absence de consentement, se sont révélés non concluants. »
Dominique Strauss-Kahn soutient qu’il n’y a aucune trace de blessure sur la plaignante :

« Dans le rapport du procureur, dans le rapport officiel, il n’y a rien, ni griffure, ni blessure, ni aucune trace de violence, ni sur elle, ni sur moi. »
« On a écrit qu’il y avait des traces matérielles d’agression, vous le rappeliez, le rapport du procureur dit qu’il n’y en a aucune. »
Le rapport du procureur fait mention de deux types de blessures constatées sur la plaignante, une à l’épaule et une sur l’appareil génital. Il n’exclut pas que l’une ou l’autre ait été la conséquence de faits décrits par la plaignante mais, faute de preuves suffisantes, réfute ces éléments comme corroborants une agression sexuelle :

« Le seul constat physique que l’examinatrice a relevé est une ‘rougeur’ qui a été observée lors de l’examen gynécologique. L’examinatrice n’a pas pu affirmer avec un degré raisonnable de certitude médicale que cette ‘rougeur’ était une conséquence directe des faits incriminés, ni même que c’était une blessure ou un hématome. L’examinatrice a déclaré que cette rougeur pouvait être la conséquence des faits décrits par la plaignante, mais pouvait également être liée à une série d’autres causes. »
« Un deuxième expert médical (…) a abouti aux mêmes conclusions, à avoir que la coloration rouge était un élément non-spécifique, qui pouvait être attribué à de nombreuses causes autres qu’un traumatisme : friction, irritation, ou inflammation de la zone. Cet expert a confirmé qu’on ne pouvait exclure que la rougeur ait été causée par la façon dont la plaignante affirme avoir été saisie, mais c’est selon lui peu probable. »
« Par la voix de son avocat, la plaignante a lors assuré au procureur que sa blessure à l’épaule (choc type 2) résultait de sa rencontre avec le défendant. (…) [L’expert orthopédique mandaté par le procureur] a conclu qu’avec un degré de certitude médicale raisonnable, cette blessure, s’il s’agit bien d’une blessure, était plutôt causée par ‘un usage répété à la verticale de son avant-bras lors de gestes rotatifs et vifs’, ‘comme ceux que peut effectuer un sportif lorsqu’il lance un poids en hauteur’. A la lumière de ces différents facteurs liés à la déclaration d’une blessure physique, et plus remarquablement suite aux conclusions de l’expert, la blessure à l’épaule ne vient pas corroborer l’accusation d’agression sexuelle. »
SUR LA CRÉDIBILITÉ DE LA PLAIGNANTE, NAFISSATOU DIALLO

Dominique Strauss-Kahn a dit que le procureur considérait la plaignante comme une menteuse absolue :

« [Le rapport] dit : Nafissatou Diallo a menti sur tout. »
« Ce rapport dit : elle a présenté tellement de versions différentes de ce qu’il s’est passé que je ne peux plus en croire un mot. »
« [Le rapport] dit : dans pratiquement chaque entretien que nous avons eu avec elle, elle nous a menti. »

Le rapport ne dit à aucun moment que Nafissatou Diallo est une menteuse, mais il explique à plusieurs reprises que la plaignante a en effet perdu toute crédibilité aux yeux des enquêteurs. Il est important de noter que le rapport indique plusieurs fois qu’il est pour cette raison toujours impossible d’établir avec certitude ce qui s’est « réellement » passé :

« Au cours de chaque entretien avec des procureurs, alors qu’il lui était simplement demandé d’être sincère, elle ne l’a pas été, que cela soit sur des détails ou sur des faits importants, certains mensonges portant sur son passé et d’autres sur les circonstances même des faits incriminés. »
« Au cours de nombreux entretiens, la plaignante a donné des versions incompatibles avec ce qu’il s’est passé immédiatement après sa rencontre avec l’accusé, ce qui ne nous permet pas d’établir ce qui s’est réellement passé ni de se reposer sur l’honnêteté du témoignage de la plaignante à cet égard. »
« En résumé, la plaignante a donné des versions changeantes et contradictoires des événements concernant la supposée agression sexuelle, et par conséquent, nous ne pouvons pas être certains de ce qui s’est passé le 14 mai 2011, et nous sommes incapables de savoir quelle version la plaignante donnerait durant le procès. »

Dominique Strauss-Kahn a pointé les motivations financières de la plaignante en évoquant une conversation téléphonique qu’elle a eu avec un ami incarcéré, dans laquelle elle mentionne « le potentiel gain financier » qu’elle espérait d’une plainte, comme le rappelle le rapport du procureur. DSK conteste l’erreur de traduction de traduction de la conversation, invoqué par les avocats de la plaignante :

« Le procureur le dit ici, il a fait venir un deuxième traducteur, et le deuxième traducteur a confirmé ce que disait le précédent, que c’était bien une affaire d’argent. »
Une note de bas de page du rapport confirme en effet cela :

« Cet appel a été traduit et certifié conforme par deux traducteurs peul-anglais. Bien que divergents dans le mot-à-mot précis, les deux traductions sont sur le fond similaires sur la question de gagner de l’argent avec l’assistance d’un avocat spécialisé au civil. »
SUR LA THÈSE D’UN COMPLOT OU LA PRÉSENCE D’UN COMPLICE

Dominique Strauss-Kahn a utilisé le sous-entendu et pointé que le procureur avait pointé ce qu’il appelle une « zone d’ombre ». Il oriente les soupçons vers l’hôtel Sofitel, sans pour autant le nommer :

« A la page 12 de ce rapport, le procureur dit que des informations ont été données à Kenneth Tompson, l’avocat de Nafissatou Diallo, sur les circulations dans l’hôtel et il dit : ‘ça n’est pas nous, nous procureur, qui l’avons donné’. »
C’est en effet ce qu’on trouve à la page 12 du rapport, sans que cela soit souligné ni lié à une complicité potentielle :

« La plaignante ayant affirmé qu’elle était entrée dans la chambre 2820, le cabinet du procureur a obtenu l’enregistrement électronique des badges de cette chambre. Ces enregistrements, qui ont aussi été donnés à l’avocat de la plaignante par quelqu’un d’extérieur à ce bureau, indiquent que la plaignante est entrée dans la chambre 2820 à 12h26, et est aussi entrée dans la suite de l’accusé à la même minute (12h26). »

Par ailleurs, le rapport du procureur Vance cite aussi l’acte d’accusation qui a mené à l’inculpation de l’accusé. Il rappelle que le témoignage de la plaignante était dans un premier temps considéré comme crédible. Il souligne également que rien ne prouve qu’elle ait prémédité quoi que ce soit, ni prévu le déroulé des événements :

« Des preuves montrent enfin que la plaignante n’avait pas connaissance au préalable du séjour de l’accusé à l’hôtel, ce qui lui aurait permis d’organiser une rencontre entre eux, et qu’elle est entrée dans la suite de l’accusé pensant qu’elle était vide. D’autres preuves étaient cohérentes avec l’idée d’une relation sexuelle non-consentie entre la plaignante et l’accusé. »
SUR LES CONCLUSIONS DU RAPPORT

Dominique Strauss-Kahn a dit :

« Le procureur a dit : puisqu’il n’y a plus aucune accusation qui tienne, ni preuve matérielle, ni déclaration crédible, alors on ne peut que renoncer. »
C’est en effet ce que dit le rapport du procureur dit en substance, affirmant qu’on ne peut savoir ce qui s’est « véritablement » passé :

« Parce que nous ne pouvons pas donner du crédit au témoignage de la plaignante au-delà d’un doute raisonnable, nous ne pouvons demander à un jury de faire de même. Les preuves restantes sont insuffisantes pour justifier les poursuites criminelles. Nous sommes par conséquent obligés, au regard de questions aussi bien légales qu’éthiques, de nous diriger vers le non-lieu. »
« Notre scepticisme vis-à-vis de la crédibilité de la plaignante nous rend incapables de savoir ce qui s’est véritablement passé dans la suite de l’accusé, le 14 mai 2011, et empêche donc de continuer les poursuites judiciaires. »

Hélène Bekmezian le monde.fr

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