La guerre civile menace en Côte d’Ivoire. Des affrontements entre forces de sécurité et opposants ont fait jusqu’à 18 morts jeudi à Abidjan, selon l’opposition.
La Côte d’Ivoire est encore déchirée entre Laurent Gbagbo qui refuse de quitter la présidence et Alassane Ouattara qui la revendique avec le soutien de la communauté internationale. Des affrontements entre forces de sécurité et opposants ont fait jusqu’à 18 morts jeudi à Abidjan, selon l’opposition.
Pendant une demi-heure à trois quarts d’heure, des tirs nourris d’artillerie lourde et des explosions d’origine inexpliquée ont retenti dans le quartier de l’hôtel du Golf, protégé par les forces des Nations unies. Il fait office de quartier général d’Alassane Ouattara, tandis que Laurent Gbagbo dirige le pays depuis le palais présidentiel.
La conseillère en communication de M. Ouattara, Masseré Touré, a affirmé à l’Associated Press que les coups de feu avaient éclaté lorsque des troupes rebelles, qui contrôlent le nord du pays et protègent l’opposant, avaient tenté de lever des barrages de fortune érigés dans les rues proches de l’hôtel. Trois membres des forces de sécurité auraient été blessés. L’armée et la police se sont refusé à tout commentaire sur les affrontements.
La police en tenue anti-émeute a tiré des gaz lacrymogènes et des balles réelles pour disperser les manifestants dans plusieurs autres endroits d’Abidjan. Dans le quartier d’Abobo, un photographe d’AP a vu les cadavres de trois hommes tués par balles, par la police, d’après des témoins. D’autres journalistes d’AP ont constaté qu’il y avait des blessés.
Bilan des morts impossible à vérifier
Un haut responsable de l’opposition, Amadou Coulibaly, a pour sa part fait état de 18 morts, bilan impossible à vérifier dans l’immédiat. La police était en outre injoignable.
La violence a figé la capitale économique ivoirienne, située dans le sud du pays, bastion de Laurent Gbagbo. Les commerces sont restés fermés et les habitants terrés chez eux. On ne voyait dans les rues désertes que des soldats et policiers, qui ont repoussé les manifestants à coups de matraque, alors que des pierres leur étaient jetées depuis des toits.
La Côte d’Ivoire traverse une crise politique aiguë depuis le second tour de l’élection présidentielle le 28 novembre, alors que ce scrutin était censé réunifier le pays, encore largement divisé entre le Nord et le Sud depuis la tentative de coup d’Etat et la guerre civile qui s’en est suivie en 2002-2003.
La commission électorale indépendante avait déclaré Alassane Ouattara vainqueur mais le lendemain, le Conseil constitutionnel avait proclamé la victoire de Laurent Gbagbo après avoir invalidé un demi-million de votes dans des bastions de son adversaire.
Jeudi, Alassane Ouattara et ses partisans avaient prévu de s’emparer de la télévision nationale pour y imposer un nouveau chef, mais ils n’ont pas pu approcher de l’immeuble, gardé par des soldats, tandis que des bancs et tables en bois avaient été érigés en barrages pour boucler tout le quartier, et que deux véhicules blindés de transport de troupes attendaient non loin.
Le contrôle des deux chaînes de télévision est crucial pour se faire entendre dans le pays. Ainsi, après le second tour de la présidentielle, les téléspectateurs n’ont été informés que de la validation de la victoire de Laurent Gbagbo par le Conseil constitutionnel, et pas du fait que les Nations unies l’avaient déclaré perdant.
Deux prochains jours déterminants
Alassane Ouattara a prévu une nouvelle marche vendredi pour tenter de prendre le contrôle d’autres bâtiments gouvernementaux et d’organiser un conseil des ministres.
«Les deux prochains jours seront déterminants. C’est tout ou rien», a estimé jeudi Jean-Claude N’dri, représentant commercial en télévision par câble du quartier de Treichville à Abidjan, où les forces de sécurité ont dispersé un demi-millier de manifestants avec des gaz lacrymogènes.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a mis en garde contre le risque de guerre civile. Corinne Dufka, chercheuse pour l’organisation des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW) à Dakar, au Sénégal, a appelé toutes les parties à la retenue, estimant que Laurent Gbagbo devait donner «des ordres explicites (en ce sens) à la police et à l’armée» et que «l’ONU doit être prête à protéger ceux qui sont menacés par la violence, comme le prévoit son mandat».
afp