DECRYPTAGE – Le président autoproclamé joue la montre, le temps que la pression internationale à son encontre se relâche…
Un mois et demi après le second tour de l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire est toujours dans l’impasse. Les quatre émissaires mandatés par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine (UA) ont encore échoué à persuader Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à Alassane Ouattara.
S’il ne lâche rien, le président autoproclamé semble pourtant multiplier les gestes d’apaisement; il a ainsi proposé lundi de créer une commission internationale chargée de recompter les bulletins du nord du pays ou ce mardi «de négocier une issue pacifique à la crise sans conditions préalables». «Sa stratégie de communication est de souffler le chaud et le froid», indique Rinaldo Depagne, analyste de l’Afrique de l’Ouest à l’International crisis group.
Double langage
«Il a un message pour la scène internationale, où il se montre ouvert au dialogue, et un message totalement différent pour l’intérieur.» Ainsi, ce mardi matin, il a attaqué le siège du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), l’un des quartiers généraux de campagne d’Alassane Ouattara pendant le second tour. «Il tente clairement de gagner du temps», explique encore Rinaldo Depagne. Une démarche logique selon l’analyste, qui souligne que «plus longtemps Gbagbo reste à la présidence, plus il s’affirme comme le président de la Côte d’Ivoire, ou du moins d’une partie de la Côte d’Ivoire».
Car sa force, c’est «la propagande. Il sait manier le verbe. Il a ainsi réussi à faire presque oublier qu’il avait largement perdu l’élection présidentielle.» Et cette stratégie du gain de temps, voire du pourrissement, lui permet aussi de consolider son pouvoir, bien qu’il l’ait «déjà fait tout au long de ses dix dernières années» à la tête de l’Etat, tempère Rinaldo Depagne.
Une offensive militaire très incertaine
Autre atout pour Gbagbo: le fait que les médiateurs agitent la menace d’une offensive militaire, mais ne sont pas pressés d’envoyer des troupes pour le contraindre à quitter le pouvoir. En effet, impossible de dire combien de temps cette offensive militaire pourrait durer ni quelle en sera l’issue, «d’autant plus qu’autour d’Abidjan et de la présidence, Gbagbo possède d’importants cordons de son appareil sécuritaire, et qu’il a l’appui d’une partie de la population», rappelle Rinaldo Depagne.
Objectif de cette stratégie: que la pression internationale se relâche. Mais, «même si la situation se tasse, le pays restera coupé en deux, comme dans les années 2000», souligne Rinaldo Depagne. Cette élection devait en effet légitimer un président qui parachèverait la réunification du pays. Un objectif manqué, dans la mesure où le pays est toujours divisé en deux parties, et que «la crise est désormais politico-militaire, avec l’élément militaire redevenu très prégnant».