REPORTAGE – L’hôtel qui abrite Ouattara est un camp retranché où la vie quotidienne s’organise tant bien que mal.
Embarquer dans un antique hélicoptère russe loué par l’Onuci (forces des Nations unies en Côte d’Ivoire) et survoler d’ouest en est la grande cité lagunaire est aujourd’hui le seul moyen d’accéder à l’hôtel du Golf, le quartier général d’Alassane Ouattara, président élu du pays selon le verdict de la Commission électorale, certifié par les observateurs internationaux. Immeuble moderne planté au milieu d’un grand parc, bordé au sud par les eaux brunes de la lagune Ebrié, au nord par les vertes pelouses du terrain de golf d’Abidjan, cet hôtel quatre étoiles témoigne de ce qu’a pu être la capacité d’attraction des touristes et des hommes d’affaires de la prospère Côte d’Ivoire des années 1980. Lors des événements de 2004 (chasse aux Français par les «patriotes» gbagbistes), il était déjà devenu le lieu de refuge de l’opposition au régime du président Gbagbo, car protégé par les marsouins français du 43e Bima (bataillon d’infanterie de marine).
Une tour de Babel
Aujourd’hui, l’hôtel, défendu par les soldats africains, bangladeshis ou jordaniens de l’Onuci, n’abrite qu’une poignée d’officiers de liaison français en treillis, pistolet automatique à la ceinture. Mais chacun sait que l’armée française pourrait, si elle le désirait, être sur place en moins d’une demi-heure. Il suffirait aux commandos de ses forces spéciales d’embarquer sur leurs Zodiac et de foncer du sud au nord sur la lagune. Sur l’eau, ils ne rencontreraient que de rares pirogues de pêcheurs. Le camp militaire du 43e Bima, situé à Port-Bouet, jouit en effet d’un emplacement stratégique de rêve. Il dispose d’un accès direct aux pistes de l’aéroport international à l’est, à la lagune au nord, à l’océan Atlantique au sud, et il est longé par la grande route du Grand Bassam, menant jusqu’à la frontière du Ghana. Le président Sarkozy a rappelé mardi qu’il n’était pas question que les soldats français s’ingèrent dans la politique intérieure ivoirienne : Paris considère qu’Alassane Ouattara est désormais le président légitime de la République de Côte d’Ivoire, mais exclut l’hypothèse d’une intervention militaire française pour déloger Gbagbo du palais présidentiel. En revanche, placées sous mandat des Nations unies, les forces françaises interviendraient si l’armée ivoirienne avait l’idée saugrenue d’attaquer l’hôtel du Golf qu’elle encercle depuis un mois. Ce qui en fait un lieu intouchable : aussi bien les ouattaristes que les gbabistes l’ont compris.
L’hôtel comprend deux ailes : l’une est réservée au président élu, à ses conseillers, à son équipe de campagne électorale ; l’autre abrite les membres du gouvernement qu’il a nommés peu après sa prestation de serment. Les soldats de l’Onuci sont logés dans de grandes tentes blanches éparpillées dans le parc, à l’ombre des banyans. Le hall du lobby est une tour de Babel pleine de gaieté, où se retrouvent chefs de village en boubou, militaires des «Forces nouvelles» en treillis, députés en costume clair et «ministres» en costume sombre. Hormis la machine à expressos tombée en panne, tout fonctionne normalement. Chacun paie ses consommations – orangeades mais aussi bières «Flag» dès le matin – et la réception vend des droits Wi-fi comme dans n’importe quel hôtel de la planète. Entre deux «conseils interministériels» ou deux «réunions techniques», tout le monde se donne du «Monsieur le ministre», du «Monsieur le député» ou du «Monsieur le professeur», comme si la pratique de la courtoisie républicaine allait finir par donner de la consistance à cette République du Golf, raillée comme une «républiquette» par les gbabistes.
Poisson en sauce de la lagune
Beaucoup de ouattaristes étaient venus ici en prévision de la marche sur la RTI (radio-télévision ivoirienne, instrument de propagande du gouvernement gbabiste). La marche ayant avorté à cause de l’intervention des forces de l’ordre gbabistes, ces militants ont dû se replier en vitesse sur l’hôtel, d’où ils ne peuvent plus sortir. Le président Gbagbo a promis mardi à la délégation d’intermédiation de la Cédéao (Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest) qu’il allait lever le blocus de l’hôtel. Mais, ici, personne ne se fie à sa parole. Les ouattaristes ont une peur bleue de se retrouver aux mains des redoutables «Cecos», les forces spéciales du président Gbagbo, qu’ils accusent de fonctionner comme des «escadrons de la mort».
Il y a une personne qu’on ne voit jamais, ni dans le parc, ni dans le lobby, ni au restaurant où l’on sert du riz et du poisson en sauce de la lagune, ni même au bar tamisé Le Flamboyant – endroit VIP gardé par des malabars en costume sombre où un barman très digne en veste blanche vous confectionne de remarquables cocktails «planteur» -, c’est Alassane Ouattara. En ne frayant pas avec cette tour de Babel, le président veut sans doute conserver la majesté qui sied à sa fonction. Ouattara ne se montre que très rarement, comme lundi, à l’occasion de la visite à l’hôtel du Golf de la délégation des trois présidents envoyés par la Cédéao (Bénin, Sierra Leone et Cap-Vert) et du premier ministre kenyan représentant l’Organisation de l’unité Africaine. Le «protocole» de la République du Golf avait bien fait les choses : tapis rouge déployé jusque sur le macadam du parking de l’hôtel, haies de militants du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) en tee-shirts pour chanter des slogans («Dix ans de pouvoir, dix ans de souffrances, ça suffit !) et applaudir l’arrivée des dignitaires ; grande salle de réunion, au sous-sol, où l’on avait disposé les drapeaux des États africains représentés.
Le temps joue pour Gbagbo
Une fois parti le ballet des limousines présidentielles précédées des blindés blancs de l’Onuci, le président Ouattara improvisa une conférence de presse dans le lobby de l’hôtel. Cohue indescriptible des caméras et des flashs. L’homme n’est pas un tribun. Il s’exprime d’une voix douce, comme s’il parlait dans une salle de réunion feutrée du Fonds monétaire international (dont il fut l’un des directeurs généraux adjoints). On ne l’entend pas à dix mètres. Mais le fond de son propos est particulièrement ferme. Non, il n’acceptera pas la «Commission internationale d’évaluation des élections» proposée à la Cédéao par Gbagbo : les règles du jeu étaient très claires, explique-t-il, chacun avait accepté à l’avance l’arbitrage de l’ONU, or cette dernière a certifié qu’il avait bien été élu.
Si le blocage continuait, il en appelle à l’usage de la «force légitime» par la Cédéao pour déloger son rival. Curieusement, les ouattaristes de l’hôtel du Golf n’ont pas perdu leur optimisme. «Le président a le pays réel derrière lui, car il est soutenu par l’alliance des deux plus grandes ethnies du pays, les Baoulés (centre, ethnie de feu le président Houphouët-Boigny) et les Dioulas (nord, pour la plupart musulmans)», explique le «conseiller technique» d’un ministre, dans un français impeccable rodé à Sciences Po. La réalité est qu’un déblocage de la situation n’est pas en vue : aucun des deux rivaux n’a pas les moyens de déloger l’autre par la force. Donc le temps joue pour Gbagbo, qui s’est refait une santé diplomatique en recevant au palais présidentiel les envoyés de la Cédéao. Laurent Gbagbo ne croit en effet pas à l’éventualité d’une intervention militaire de cette dernière pour le déloger. Il est vrai qu’on ne voit guère des soldats nigérians (les seuls qui comptent au sein de la Cédéao) intervenir en Côte d’Ivoire, au nom d’une «démocratie» qui, chez eux, est loin d’être parfaite…
lefigaro.fr
En pratique dans un cas pareil de revendication de la legitimite entre deux protagoniste c’ est le principe de l’ effectivite du pouvoir qui prime la legitimite. Quelle aleur en effet aura aujourd’hui un visa deliuvre par un Ambassadeur nomme par Oattara?Pour ne donner qu’ un exemple.
bagbo a fait 10 ans au pouvoir il devait avoir une sortie honorable