Des forces de sécurité fidèles à Laurent Gbagbo, l`un des deux présidents proclamés de Côte d`Ivoire, ont bloqué lundi pendant plusieurs heures l`accès à l`hôtel qui sert de QG à son rival Alassane Ouattara, premier face-à-face armé entre les deux camps en deux semaines de crise.
A la mi-journée, dans le quartier chic et verdoyant de Cocody, ces membres des forces de l`ordre, notamment des gendarmes et soldats, avaient placé des barrages aux deux extrémités de l`unique route menant à l`hôtel du Golf, situé en bordure de lagune à Abidjan.
Ces forces pro-Gbagbo, au moins une cinquantaine d`hommes dont certains de la BAE (Brigade anti-émeute), étaient équipées de plusieurs pick-up surmontés de mitrailleuses.
A quelques centaines de mètres, l`entrée principale du bâtiment était protégée par des éléments de l`ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), partisans de M. Ouattara armés notamment de lance-roquettes RPG7. Des Casques bleus de l`Opération des Nations unies en Côte d`Ivoire (Onuci) montaient également la garde.
Un porte-parole des Nations unies à New York a expliqué que l`Onuci avait « reçu l`ordre de protéger le gouvernement de M. Ouattara », reconnu comme le vainqueur de la présidentielle du 28 novembre par la communauté internationale.
Le blocus a finalement été levé en fin de journée, a appris l`AFP auprès d`habitants du quartier, précisant que les forces pro-Gbagbo étaient désormais très discrètes aux alentours de l`hôtel. « La circulation a repris », a confirmé une source au sein de l`armée régulière.
C`est la première fois depuis le début de cette crise postélectorale que les deux camps se trouvaient face à face, après des jours d`apparent statu quo.
Le symbole est fort: l`hôtel sert de « présidence » à M. Ouattara, abrite son gouvernement et son Premier ministre, le chef des FN Guillaume Soro, tandis que son rival Laurent Gbagbo siège au palais présidentiel.
En dépit de ce blocus de quelques heures, Guillaume Soro a affirmé qu`il s`installerait vendredi avec ses ministres au siège du gouvernement à Abidjan.
Il compte aussi s`accaparer jeudi un autre instrument du pouvoir en se rendant avec son cabinet « dans les locaux de la RTI (télévision publique) pour y installer le nouveau directeur général ».
La RTI est toujours aux mains du camp Gbagbo et la nomination par M. Ouattara d`un nouveau dirigeant est restée pour l`heure sans effet.
Solidement installé à la présidence, Laurent Gbagbo est cependant de plus en plus isolé sur la scène internationale. L`Union européenne a accru lundi la pression sur lui en décidant de le sanctionner, via des restrictions de visas et un gel d`avoirs.
Signe que l`atmosphère se crispe, le général Philippe Mangou, chef d`état-major de l`armée régulière, a adressé dimanche un ferme avertissement à l`Onuci (10.000 hommes) et à la force française Licorne (900 éléments), les sommant de ne pas « faire la guerre aux Ivoiriens ».
Il a rappelé « les événements douloureux » de 2004 au cours desquels les tensions avaient atteint leur paroxysme entre la Côte d`Ivoire et l`ex-puissance coloniale française, après la crise née du coup d`Etat raté de 2002 qui a coupé le pays en un sud pro-Gbagbo et un nord FN.
Un bombardement de l`aviation ivoirienne avait tué neuf soldats français à Bouaké (centre) et plus de 50 manifestants ivoiriens étaient tombés à Abidjan sous les balles des soldats français.
Avant le général Mangou, le ministre de l`Intérieur de M. Gbagbo, Emile Guiriéoulou, avait accusé des diplomates « occidentaux » à Abidjan d` »approcher » des officiers de l`armée « pour les persuader de faire allégeance » à M. Ouattara, une « immixtion » que le gouvernement ne « saurait tolérer plus longtemps ».
afp