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Coumba Gawlo Seck (fondatrice de l’association «Lumière pour l’enfance» ): « c’était à Dahra Djoloff quand j’ai vu une fille de 14 ans mariée à un vieux de 70 ans »

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Artiste de renommée internationale, ambassadrice de bonne volonté au Programme des nations unies pour le développement (Pnud) et fondatrice de l’association «Lumière pour l’enfance», Coumba Gawlo fait de l’éducation, en particulier celle des filles, son combat principal. «Jeune, je courais pour vivre, aujourd’hui, je cours pour faire vivre d’autres jeunes filles», dit-elle en utilisant des images fortes pour expliquer ce qui la prédestinait à cette vie dans l’humanitaire. Entre des débuts difficiles et un succès mondial, la star est revenue sur les réalisations de son association, ses projets personnels et sur la musique sénégalaise, le Mbalax en particulier.


COUMBA GAWLO, ARTISTE CHANTEUSE : «Jeune, je courais pour vivre, aujourd'hui, je cours pour faire vivre d'autres jeunes filles»
«Mà jiin» pour nommer votre nouvel album. Pourquoi ce nom ?

«Mà jiin» est en quelque sorte un retour à la tradition, à travers lequel je retrace l’histoire de mes ancêtres Gawlo et griots. Jiin veut dire en wolof «Bakk» c’est-à-dire glorifier quelqu’un avec des «sabars» (tam-tam) et des chants. Dans les temps anciens, c’est en l’honneur des rois qu’on faisait le «jiin». Je rends hommage à de grandes figures de notre l’histoire à travers cet album.
Y aura-t-il des tournées nationales et internationales qui vont suivre la sortie de cet album ?
Oui. On a déjà fait beaucoup de sorties, d’événements, de manifestations parmi lesquels d’ailleurs le gala de ce soir. Nous allons aussi faire des tournées dans la sous-région. Il y a des tournées internationales en vue également. Je continue mon travail.

Parlez-nous de votre association «Lumière pour l’enfance» créée en 1994. Comment se porte-elle ?

Elle se porte à merveille. Beaucoup de challenges et de missions nous attendent, mais on y travaille et nous donnons de jour en jour le meilleur de nous-mêmes pour le bonheur des populations. Et c’est le but d’ailleurs de cette association. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, on a notre cœur à donner, il y a une équipe derrière.

Qu’avez-vous réalisé concrètement à travers cette association ?

Très peu de choses ont été réalisées à mes yeux. Mais je pense qu’on a eu à faire beaucoup de choses et les faits sont là. On a eu à donner notre modeste contribution en réhabilitant l’école Mouhamadou Mansour Sy de Tivaouane avec l’aide de la Coopération française. On a également eu à réhabiliter le centre Kër Xale yi de l’hôpital Fann qui sera d’ailleurs bientôt inauguré et Estel grâce à l’aide de la Coopération japonaise. Il y a également la pouponnière de Mbour grâce à l’ambassade d’Italie, les bébés y étaient en détresse. Et tout récemment, dans la banlieue dakaroise, on a fait des interventions grâce à des partenaires qui croient en l’aide au développement.

Quels sont les projets de votre association ?

L’éducation et la santé, mais surtout la scolarisation et le maintien des filles à l’école. Vous savez, je suis quelqu’un qui croit en l’éducation pour tous, mais en particulier des filles. Parce qu’une femme instruite peut aspirer à se prendre en main. Nous avons besoin de filles éduquées pour pouvoir prendre de grandes décisions et se prendre en charge elles-mêmes en tant que femmes. Le levier du développement est la femme et pour cela il faut les inclure dans le processus de développement en leur assurant une éducation de qualité. Et je fais de cela l’un de mes combats. Il faut que les filles aillent à l’école.

Coumba Gawlo fait beaucoup dans l’humanitaire pourquoi ?

Vous savez, je n’ai pas eu une enfance facile, donc je sais ce que sont la souffrance et le besoin. C’est pour cela que je donne de ce j’ai. C’est quelque chose que j’aime bien. Cela vient du fait que je marchais pour aller l’école, du fait que je lavais ma robe le soir et la séchais derrière le réfrigérateur pour pouvoir la porter le lendemain, du fait que j’ai vendu des beignets à Colobane, que je suis allée puiser de l’eau à 5 heures du matin. Compte tenu de tout cela, je ne veux pas que des gens vivent la même chose et c’est une sorte de motivation personnelle pour moi, une fierté. Le déclic, c’était à Dahra Djoloff quand j’ai vu une fille de 14 ans mariée à un vieux de 70 ans ; j’étais choquée. Elle avait un enfant sur le dos alors qu’elle était une enfant elle-même. Ce sont des choses qui m’atteignent au plus profond de moi et du coup me rebellent.

Comment parvenez-vous à vous en sortir ?

Je rends grâce à Dieu, parce que chaque jour, quand je me lève, je me dis que cette petite fille qui marchait pour aller à l’école se fait conduire aujourd’hui par un chauffeur. Et c’est cette petite fille qui continue à courir de gauche à droite pour demander du soutien aux bailleurs pour pouvoir venir en aide aux gens. Dieu m’a donné un nom qui peut m’ouvrir des portes et je suis écoutée et soutenue par des gens qui ont les mêmes visions que moi.

Quels sont les partenaires qui vous aident dans vos actions sociales, pouvez-vous nous en citer trois ?

Ils sont nombreux, il y a la Coopération française, les ambassades d’Italie et de Japon. Nous avons Total, Kirène, ce sont nos principaux partenaires, il y en a d’autres. Mais ce sont des gens que je remercie beaucoup parce qu’ils nous aident dans la réalisation de nos objectifs.

Est-ce que vous avez des projets immédiats par rapport à votre carrière ?

Pour ce qui est de ma carrière, c’est chanter, chanter jusqu’à la mort. Vous savez, moi je pense que je suis née pour chanter, et au-delà, mener des actions humanitaires pour mon pays. La seule satisfaction que j’aurai à la fin de mes jours quand j’aurai 70 ou 80 ans – je m’imagine toujours vielle avec une canne -, c’est de voir qu’on a fait telle ou telle école et que j’ai apporté un minimum de choses dans ce pays. Ça, c’est la satisfaction, c’est mon rêve et j’y travaille.


COUMBA GAWLO, ARTISTE CHANTEUSE : «Jeune, je courais pour vivre, aujourd'hui, je cours pour faire vivre d'autres jeunes filles»
Que pensez-vous de la musique sénégalaise à l’heure actuelle ?

Elle a beaucoup de problèmes. Nous avons des artistes très talentueux, mais à côté, nous avons aussi des gens qui se font appeler artistes, et qui sont tout sauf des artistes, qui n’ont rien compris, qui se mettent à faire leurs clips à deux balles, qui se font diffuser comme ils veulent sur les chaînes de télévisions alors que la télé est censée être l’outil le plus puissant et le plus cher. Il ne faut pas donner à n’importe qui accès à cet outil médiatique qui est très cher. Moi je suis pour la promotion de la musique sénégalaise, pour la promotion des jeunes talents, j’ai monté un label ‘Sabar’, j’ai investi dans un studio d’enregistrement, installé avec 400 millions de francs Cfa. Je suis au début et à la fin pour l’entier soutien des jeunes talents. Mais il ne faut pas venir non plus dire «oui je sais chanter» et là, on te donne la télé et tu fais n’importe quoi, on diffuse ton clip sans aucune exigence et tout ça, à mon humble avis, c’est encourager la médiocrité, la nullité. Et tant que l’on encourage la médiocrité, on n’ira pas loin. Parce que l’on va voir certains se prendre pour des artistes ; ils vont penser aller monter sur le même plateau que l’artiste qui a fait 10 ans, 15 ans voire 20 ans de carrière.

Donnez-nous votre avis sur le Festival mondial des arts nègres

C’est une bonne chose, la culture est au début, au milieu et à la fin de chaque chose. Moi je pense que le Festival mondial des arts nègres, c’est une excellente chose, si cela permet de faire connaître la musique africaine, la culture africaine. Pas seulement la musique, mais tous les arts d’Afrique. Voilà, c’est une excellente chose, moi je le soutiens, je suis derrière. Je souhaite à l’issue de cet événement voir réellement ce que cela a apporté à notre pays, ce qu’il aura apporté à l’art africain et à l’économie du Sénégal.

Et est-ce que vous êtes impliquée en tant qu’artiste ?

Je suis impliquée dans ce festival. Parce que pas plus tard que cet après-midi, j’avais un rendez-vous avec le ministre de la Culture pour parler de cela parmi tant d’autres questions que nous avons abordées.

Coumba prépare un gala international. Est-ce qu’on peut connaître les objectifs de cette manifestation ?

Effectivement, je prépare un dîner de gala qui aura lieu ce vendredi, au Monument de la Renaissance africaine. L’événement entre dans le cadre des actions humanitaires de mon association pour l’enfance. C’est la 2ème édition, le gala entre dans le cadre de la recherche de fonds afin de mener des actions sociales. L’objectif, c’est donc de réunir toutes les personnalités de notre pays, avec notre association, les populations. Le thème de cette édition est «la scolarisation des filles», ce qui nous amène encore à ce que je disais tout à l’heure parce qu’il est important de sensibiliser tout le monde, il est important que l’on se retrouve avec des filles brillantes, avec des filles indépendantes, des filles qui ont quelque chose, qui savent faire quelque chose de leur vie. C’est ce qui nous évitera, demain, de nous retrouver avec des femmes qui ont 10 gosses, des maris qui les abandonnent et quand vous leur posez la question de savoir «pourquoi vous ne partez pas, ils vous battent les jours, ils ne vous donnent rien», évitez qu’elles vous répondent : «je n’ai pas où aller, je ne sais ni lire ni écrire, mes parents sont pauvres, je n’ai pas de moyens». C’est pour cette raison que l’on s’engage. Et l’autre raison de ce gala, c’est de pouvoir continuer à réhabiliter des centres avec le minimum de moyens que l’on a.

Et les recettes issues de cette soirée, elles seront destinées à qui exactement ?

C’est pour l’association comme je l’ai dit. Les recettes sont destinées à mener des actions sociales. Pendant ces trois dernières années, on a eu à réhabiliter beaucoup de centres. La première édition, dont le concept était «Aidons les enfants à grandir», nous a permis à partir du budget, de réhabiliter l’école Mouhamadou M. Sy. La Coopération française avait donné l’autre partie du budget. Et c’est dans cette dynamique que nous nous mettons aujourd’hui pour mener des actions dans la banlieue et ailleurs comme on a eu à le faire souvent.

Vous êtes ambassadrice de bonne volonté pour le Pnud, qu’est-ce que Coumba fait pour le bien-être des nécessiteux ?

Donner un peu de soi. Moi j’ai eu la chance d’être une artiste avec un nom. J’avoue que cela m’ouvre beaucoup de portes, parce que je suis en contact permanent avec l’autre. Aujourd’hui, quand je vais sensibiliser sur l’excision dans les villages, quand je vais sensibiliser les parents sur le mariage forcé, quand je vais sensibiliser les parents sur l’urgence et l’importance de scolariser les jeunes filles, c’est l’artiste qui va vers eux. Ce n’est pas la personne qui vient les juger, ce n’est pas l’intellectuelle qui vient leur donner des leçons. Mais c’est la chanteuse, l’artiste et c’est une chance pour moi parce que c’est grâce à ce métier-là que je peux faire ça. Vous savez, dans chaque société, chez chaque peuple, tout repose sur l’éducation. Une population inculte ne connaît que des problèmes. Parce que celui qui n’a pas le savoir, celui qui ne sait pas où il va, vous ne pouvez rien construire avec lui. Parce que vous allez beau lui expliquer les choses, vous allez beau lui dire la direction à prendre, il pensera toujours qu’il a raison, et il verra toujours comme il voit, il ne verra pas plus loin que le bout de son nez. Absolument ! L’ignorance est un danger. Je pense qu’aujourd’hui, celui qui a un minimum d’ouverture vers l’extérieur, qui est éduqué, même s’il est pauvre, il saura avec sa tête faire des choses.

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Awa DABO & Marianne NDIAYE

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