XALIMANEWS-La rubrique « Comment vivre avec le coronavirus » de cette semaine de Xalima reçoit le journaliste et écrivain Moussa Seydou Diallo. Ce dernier, comme la quasi-totalité des Sénégalais dépeint un tableau pas reluisant de la pandémie : » la situation est critique pour ne pas dire alarmante au regard de la gestion de la pandémie par nos autorités, mais aussi la réticence des populations à adopter de nouveaux comportements pour leur propre santé d’abord ensuite celle des autres », fait-il savoir.
M. Diallo trouve que cette situation n’est pas imputable aux populations mais à l’État: « il serait bien d’abord de situer les responsabilités avant d’en venir aux populations qui, il faut le dire, ont été en quelque sorte laissées à elles-mêmes. Cela peut expliquer pourquoi, les populations s’inscrivent dans une logique de survie plutôt que de prévention. Il est difficile de faire comprendre à quelqu’un qui a faim, qui a des urgences, qui vit dans le dénouement total qu’il y’a une pandémie qui s’appelle coronavirus. Parce-que, cette personne est déjà condamnée de par sa condition humaine, d’existence. Alors, s’il y’a un responsable dans ce qu’on reproche aux populations, je trouve que le seul responsable est celui qui a tout fait, pour qu’on en arrive là, alors qu’on aurait pu l’éviter si on avait eu un peu de courage. Je parle de l’Etat », argumente-t-il. Prenant l’exemple des autres pays, qui ont pu maîtriser la pandémie, il trouve qu’il devrait y avoir plus de rigueur de la part des autorités pour changer la donne. « Regardez ! Ce qui se passe dans le monde entier, tous les pays qui ont tant bien que mal maîtrisé la situation ont pris des mesures fortes et courageuses. Ce n’est pas le cas chez-nous. Où, même s’il faut reconnaitre la volonté ferme du chef de l’Etat à barrer la route à la pandémie dès les premières heures, il a manqué de rigueur dans la mise en œuvre et de l’exécution des mesures prises. Cette responsabilité est imputable aux personnes notamment ses ministres qui ont en charge la mise en œuvre de sa vision et de sa politique. Dans le cadre de la gestion de cette pandémie, cela a été un échec. Le ministre de la santé en question a déclaré devant tout le monde et publiquement que la « pandémie a été maitrisée » après que les mesures de restrictions aient été levées par le chef de l’Etat. Alors que tel n’est pas le cas », indique-t-il. « Aujourd’hui, on se rend compte que ce n’était que de la poudre aux yeux et que la pandémie est loin d’être maitrisée », ajoute-t-il.
Il trouve désolant le fait que l’alerte des techniciens n’ait pas été prise au sérieux depuis le début de la pandémie au Sénégal. « Pourquoi on n’écoute pas les techniciens de santé dans ce pays ? Le professeur Seydi a été très clair dès le départ en attirant l’attention des uns et des autres. Parce qu’il savait ce qu’il disait. Le constat est là. Nos pauvres hôpitaux sont saturés et les malades sont hospitalisés chez eux. C’est sérieux ça ? », se demande-t-il.
Pour lui, tout cela fait que la population n’a plus confiance et ne sait plus sur quel pied danser : » Alors c’est tout ceci en plus du tâtonnement des autorités qui font que les populations n’ont plus confiance. Elles ne savent plus où se trouve la vérité. C’est pourquoi, je pense qu’au lieu de dire que les populations ont relâché où qu’elles ne respectent plus les mesures barrières, il me semble qu’il faut s’arrêter et analyser l’efficacité de ce qui a été fait d’une part et d’autre part regagner leur confiance pour qu’elles sachent qu’aujourd’hui plus qu’hier qu’elles doivent s’impliquer. Sinon, c’est la même population qui paiera un lourd tribut », soutient-il .
Cependant, indique-t-il, cela ne devrait en aucun cas empêcher les populations de se protéger pour éviter d’être contaminées par la covid-19: « les populations doivent être plus responsables et exigeantes envers elles-mêmes. Chacun doit être un gendarme pour veiller au respect stricte des mesures de prévention édictée par les professionnels de santé. Aussi, les populations doivent se faire le devoir de dénoncer les mauvaises pratiques qui mettent les populations en danger », suggère-t-il.
Moussa Seydou Diallo trouve impertinent le fait que les autorités pensent que c’est avec la contrainte qu’elles vont arriver à faire respecter les mesures par la population: » ce n’est pas par la contrainte, l’intimidation ou les menaces qu’on va arriver à gagner la lutte, mais par le dialogue, la concertation, la discussion. C’est depuis le début qu’on aurait dû « corser » si cela a été réellement corsé ? Je me le demande. Parce-que sur le terrain, il y’a toujours l’indiscipline routière qui continue avec des conducteurs qui remplissent leurs véhicules comme ils veulent et haussent les prix du transport à leur guise, parce que tout simplement il n’y a pas le contrôle qu’il faut pour faire respecter les décisions. C’est aussi une faiblesse de notre Etat. Il faut commencer par faire respecter les mesures. Mais si nous-mêmes qui fixons les règles sommes les premiers à la violer comment voudriez-vous que les autres suivent ? Le point de presse du ministre de l’intérieur Aly Ngouille Ndiaye l’illustre parfaitement. Parce qu’il n’a pas pu organiser sa rencontre de telle sorte qu’on puisse respecter la distanciation physique comme cela se doit d’être ».
Pour ce qui concerne le port du masque qui est devenu obligatoire, il prône pour le dialogue puisque ce pratique est jusque là méconnu des Sénégalais: « le port de masque est une nouvelle habitude que les sénégalais n’avaient pas. C’est une nouvelle habitude qu’il faut expliquer pour que les gens comprennent. Non seulement l’approche doit être revue mais la pratique communicationnelle du gouvernement doit changer notamment en cette période de crise. La communication que nous a habituée le gouvernement est une communication scientifique, de techniciens de santé qui ne permette pas aux populations de bien comprendre les enjeux, la gravité de l’heure, son implication etc… C’est ce qu’il faut revoir pour espérer changer le comportement des sénégalais face à cette pandémie. A une nouvelle situation, doivent s’adosser de nouvelles mesures et de nouvelles approches, définir un cadre, se doter des moyens et une stratégie de mise en œuvre », explique-t-il avant de plaider pour que l’on change de stratégie à l’endroit de ceux qui refusent de porter le masque, puisque les arrestations ne feront que compliquer la tâche aux forces de l’ordre : » elles vont être émoussées avant même d’aller plus loin. Ensuite, les forces de l’ordre ne sont pas suffisamment motivées dans cette lutte contre la pandémie. Il faut le dire ce sont les moins lotis dans la riposte contre la pandémie. Alors qu’elles ont besoin en cette période de motivation, mais aussi de soutien et d’attention de la part de l’autorité mais aussi des populations. Puisqu’elles ne nous sommes pas étrangères. Les forces de l’ordre viennent de la population civile, donc ce sont nos frères, nos sœurs. On se doit de nous donner la main pour l’intérêt de tout un chacun. Parce qu’il faut le comprendre et le savoir dans le contexte actuel, la situation est critique pour tout le monde et si la situation empire ce sera tout le pays qui va en pâtir. Par conséquent, on a intérêt à nous serrer les coudes et à aider les forces de l’ordre à faire correctement leur job. Il faut relâcher ceux qui ont été arrêté après leur avoir fait payer une amende et les sensibiliser sur la nécessité de rester chez eux en attendant que la situation se calme », trouve-t-il.
Il dit être convaincu que pour stopper la chaîne de contamination, l’État doit prendre des mesures fortes: « il faut avoir l’audace de confiner les foyers de tensions comme dans les autres pays. Sinon, on fonce directement vers une catastrophe qui, finalement va confirmer malheureusement les prémonitions de l’Organisation mondiale de la santé. Ensuite, on ne peut pas avoir deux Etats dans un même pays. Le président de la République doit prendre son courage en main et traiter tous les sénégalais sur le même pied dans le respect des mesures prises. En outre, il faut, et à mon avis, c’est sans condition, reporter tout ce qui est évènement religieux. Il y va de notre responsabilité à nous tous » recommande-t-il.
Mariama Kobar Saleh