COVID19 : aider les personnes âgées et porteuses de comorbidités à vaincre leur peur et éviter de stigmatiser les jeunes. (Par Baba Gallé Diallo)

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L’épidémie de la COVID 19 a fait couler beaucoup d’encre et continue de dominer
l’actualité sanitaire depuis son apparition le 02 mars 2020 au Sénégal. Le virus
circule au sein de la population. Le nombre de cas positifs augmente ainsi que le
nombre de décès qui en découle. Les cas importés par le biais des voies aériennes
qui avaient disparus de notre vocabulaire ont refait surface et suscitent des
interrogations.
L’Etat soumis à des impératifs de protéger la santé de la population et empêcher
l’effondrement de l’économie, a pris des mesures d’assouplissements risqués qui ont
inquiété le personnel médical mais saluées par les représentants de certains
secteurs de la vie économique fortement éprouvées.
Aujour d’hui, plus de trois mois sont passés. La gravité de la situation
épidémiologique malgré les efforts fournis par le Ministère de la Santé et de l’Action
sociale (MSAS), va crescendo. Certains analystes pointent du doigt la mauvaise
communication du gouvernement, en particulier du MSAS en arguant « qu’elle doit
être améliorée pour régler le problème de déficit d’engagement constaté des
populations en faveur de l’application et de la promotion des « gestes barrières » à la
contamination au Coronavirus ».
La communication ne règle pas tout. Elle n’a pas cette prétention et n’a pas non plus
les moyens de tout régler. Cependant, il y a des problèmes que la communication
contribue à régler, des problèmes qu’elle peut régler et des problèmes qu’elle ne
peut pas régler.
L’adoption des « gestes barrières » au Coronavirus font partie des problèmes liés au
comportement, notamment à notre style de vie, que la communication peut
contribuer à régler. Depuis plusieurs semaines, de sources autorisées, on parle de
plus en plus de l’engagement communautaire pour stopper la transmission du virus
au sein de la population.
La confiance est à la base de tout engagement communautaire en faveur de la
Santé. En milieu rural, cet engagement communautaire est beaucoup plus facile à
obtenir du fait de la nature des liens qui unit les uns aux autres, qu’en milieu urbain,
fortement politisé et marqué par l’insubordination, l’individualisme et la recherche de
la satisfaction de l’intérêt personnel.
En ce moment où on regrette et fustige la stigmatisation des malades de la
COVID19, on doit éviter de créer une autre forme de stigmatisation. En indexant les
jeunes et en les caractérisant de personnes insouciantes, incapables de comprendre
les risques qu’ils font courir aux personnes âgées et porteuses de comorbidités, en
foulant aux pieds les « gestes barrières », on risque fatalement de créer sans le
vouloir peut être, une autre forme de stigmatisation déplorable.

Sur ce point, on gagnerait beaucoup plus à positiver et à montrer les bons exemples
de comportement favorables à la santé des jeunes au lieu de les indexer et jeter
sans gangs leurs supposées responsabilités sur la figure.
Par ailleurs, le discours des « techniciens en Santé » consistant à dire que la maladie
COVID19 n’est pas une maladie grave car elle présente un taux de létalité de 1%
n’encourage pas au changement de comportement. Et paradoxalement, ils nous
disent en même temps, que la maladie est grave chez les personnes âgées et
porteuses de comorbidités. Avec ce type de discours, ils ont semé la peur de mourir
de la COVID19 dans le ventre des personnes âgées et porteuses de comorbidités.
Aujour d’hui, chose faite, la peur dans le ventre, on doit les aider à vaincre cette peur
et à les faire participer à l’endiguement de l’épidémie.
En somme, ce qui est certain, on ne peut pas combattre efficacement une maladie
mortelle en demandant à la population de se prémunir en appliquant des « gestes
barrières » au virus et dire en même temps à la même population que la maladie
n’est pas grave car elle tue une personne sur cent. C’est contradictoire et déroutant.
Au Sénégal, pour endiguer l’épidémie de la COVID19, le gouvernement a pris des
mesures qui ne relèvent pas de la communication mais qui sont d’ordre administratif
et organisationnel. Parmi ces mesures, on peut citer : l’Etat d’urgence sanitaire, le
couvre-feu, l’interdiction des rassemblements, la fermeture des écoles et des
universités, des frontières aériennes, terestres et maritimes.
Il faut souligner non sans regret l’absence de plan de communication multisectoriel
opérationnel, cohérent et bien coordonné avec un souci pédagogique très élevé,
pour accompagner la levée de l’interdiction des grands rassemblements (l’ouverture
des marchés y compris les marchés hebdomadaires, les écoles, les mosquées) et du
transport interurbain etc. Une communication opérationnelle aurait pu accompagner
l’ensemble de ces mesures sectorielles dans le sens d’obtenir l’engagement et le
soutien de la population.
En substance, ces mesures de sauvegarde n’ont pas produit les effets escomptés
c’est-à-dire contribuer à ralentir ou à stopper la circulation du virus au sein de la
population. Le chef de l’Etat, constatant les effets limités induits, a jugé utile de les
assouplir malgré les risques sanitaires encourus en invitant les sénégalaises et les
sénégalais à « apprendre à vivre en présence du virus » et non « apprendre à vivre
avec le virus ». La différence sémantique est grande pour ne pas être mise en
évidence.
Étant donné que l’on n’a pas pu empêcher le virus d’entrer dans notre pays et on ne
sait pas quand on sera en fin d’épidémie au Sénégal, « apprendre à vivre en
présence du virus » c’est vivre non sans soucis mais tout en appliquant les « gestes
barrières » au Coronavirus. Ce qui implique, la responsabilité individuelle de chacun
à prendre en main non seulement sa santé mais celle des autres.

Or « apprendre à vivre avec le virus » signifie s’accommoder à la présence du virus.
Ce qui renvoie à l’idée de considérer la maladie COVID19 comme une maladie
endémique. Pour le moment, on ne peut pas affirmer que cette maladie est
endémique ou saisonnière. Seul l’avenir nous le dira. Mais « apprendre à vivre avec
le virus » peut également renvoyer à l’idée de considérer la maladie COVID19
comme « une maladie chronique » comme le diabète, le Vih sida, l’hypertension, la
maladie rénale chronique, l’asthme, or ce n’est pas le cas.
Une épidémie ne ressemble jamais à une autre. Par contre, ce qu’on sait, qui semble
être une vérité générale pour le moment, est qu’une « communication réussie » qui
aboutit au changement de comportement de la population face à une épidémie,
résulte de la combinaison cohérente, harmonieuse et intelligente de la
communication de masse et de la communication interpersonnelle, dans la vérité, la
transparence et la confiance mutuelle.
En continuant de diffuser des messages de type générique sur la maladie de la
COVID19, les pouvoirs publics doivent développer et diffuser en même temps, à
travers des canaux appropriés des messages spécifiques pour sensibiliser non
seulement les personnes âgées et porteuses de comorbidités mais également le
grand public (population), sur les mesures de prévention (les gestes barrières au
Coronavirus) et la conduite à tenir selon la situation.
Aujourd’hui, on ne peut plus revenir en arrière mais on peut évaluer et réajuster pour
améliorer la communication de la Présidence, du gouvernement et en particulier du
Ministère de la Santé et de l’Action sociale, avec organisation et méthode.
Vive le Sénégal !
Vive la République !

Par Baba Gallé Diallo
Email : [email protected]

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