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Dakar: Le crépuscule de la médina, ou la nuit du civisme (Par Mame Malick Diop)

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Un curieux bégaiement de l’histoire, que de voir des jeunes de la médina défier les lois de la république instaurant le couvre feu. Des jeunes de la médina qui défient des mesures de lutte contre une épidémie, devant leurs parents et leurs aînés. C’est à la limite d’une insulte à l’histoire. Leur Histoire!
La médina, c’est ce qu’on appelle le premier  » village de ségrégation » de l’Histoire du Sénégal. Ce quartier a été crée en 1914,dans la précipitation par le gouverneur colonial William Ponty.
Un village, écrit le gouverneur, «dans lequel la population indigène peut vivre selon ses habitudes sans être astreinte à des mesures d’hygiène incompatibles avec son degré de civilisation et sans constituer néanmoins un foyer de propagation de germes pathogènes, comme celle qui résultait de sa présence au milieu d’une ville européenne».
Il y’avait jusque là une coexistence entre les européens et les colonisés. Les dakarois étaient plutôt répartis dans des cases et des paillotes à travers les 14 pencc du plateau.
Et ce sont justement ces cases, les conditions d’hygiène désastreuses, que les colons ont considérées comme les causes des épidémies ( variole, tuberculose, peste,etc) répétitives qui sévissaient .
En avril 1914, une épidémie de peste fait plus de 1400 morts à dakar, plus de 1100 morts à yoff. Pour une population de 30.000 habitants.
Le gouverneur colonial Ponty n’y va pas par 4 chemins: Il entreprend de détruire plus de 1600 cases et paillotes, et construit illico presto un village de ségrégation. Il voulut l’appeler Ponty-Ville. Ce qui a crée une vague de contestations; de quasi émeutes. .
N’eut été le refus du gouverneur général de l’AOF, le gouverneur de dakar allait décréter l’état de siège.
C’est le vénéré El Hadj Malick Sy, appelé à la rescousse pour une médiation,qui a ramené la paix , et qui a donné le nom de Médina.
Des décennies plus tard, ce sont les jeunes de ce quartier qu’on a vu défier dans la rue des lois destinées à préserver le pays d’une impitoyable épidémie qui avance à grand pas.
Un curieux destin pour un grand quartier qui a tant donné à notre pays.
Ce qu’on a vu à la médina, c’est un pays qui a fini de reculer, qui touche le fonds. Un pays qui a jugé que l’éducation coûte chère; un pays qui a semé l’ignorance, et qui s’étonne de récolter la violence d’une telle inconscience collective.
Ce qu’on a vu à la médina, c’est aussi cette défiance qu’on a vue dans les mosquées et les grandes mosquées vendredi dernier, sous d’autres formes.
Le suicide d’une nation commence par la faiblesse de son Etat. Le Sénégal dispose d’un Etat faible: du fait de ses institutions anesthésiées, mais aussi du fait de tant de décennies de faillite des politiques d’éducation. .
En vérité , ce crépuscule de la Médina annonce les ténèbres de la nuit qui tombe sur le civisme dans notre pays.
C’est la photographie de l’état de déliquescence qui a fini de s’emparer notre pays et de ses institutions.
Médina, c’est la manifestation d’un Etat en faillite.

Mame Malick Diop

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