Toutes les grandes villes du monde essaient aujourd’hui se sauvegarder les dernières poches de bonnes terres agricoles situées à l’arrière-pays de leur finage. A Dakar, comme partout dans les grandes villes d’Afrique, l’agriculture est entrain de perdre toutes ses terres à l’entrée de la grande ville au moment où dans les pays développés, le souci des autorités nationales et régionales est de préserver quelques activités d’agriculture à la sortie des villes.
Agriculture bio, énergies vertes propices à la protection des villes du monde, les exemples ne manquent pas de villes qui commencent à prendre conscience des dangers qui pèsent sur l’avenir du maraîchage dont l’entrée des grandes villes est par excellence l’aire de développement et de production. Il en est de même pour l’élevage des ovins, des bovins, des caprins et les productions maraîchères. Tous produits dont la ville est le principal marché. En laissant d’énormes banlieues sans équipements se développer sur des terres aussi fertiles que les environs de la grande Niaye de Dakar, de la forêt de Mbao, la région de Dakar a décidé de laisser se combler de grandes surfaces de terres arables consacrées, il n’y a guère à la petite agriculture périurbaine. Or, il faut nourrir le grand nombre qui se bouscule dans la ville tous les jours.
Aujourd’hui, l’exemple le plus significatif de cette tendance est la situation d’abandon que vivent le complexe avicole de Mbao et le Centre national d’aviculture. Laissés à lui-même, voilà pourtant un secteur qui a fait un grand bon dans la modernisation des connaissances en matière d’aviculture et la généralisation de la fourniture d’aliments pour l’engraissement des poulets. Le principal risque que court encore cet espace situé à l’entrée de Dakar sur la route de Rufisque est de le voir rayé sur la carte pour les bienfaits du logement. Enserrées à la ville depuis l’époque coloniale, ces deux entités, spécialisées dans la recherche sur l’aviculture, devraient être les lieux de formation des jeunes chercheurs sur la question agro-alimentaire, et un domaine de préparation des futurs opérateurs dans le même secteur. Elles n’ont plus de vocation définie par l’Etat, la région et la ville qui n’arrêtent pas pourtant de voir la demande en produits carnés (surtout blancs) croître sur le marché. Preuve de nullité et manque de responsabilité des générations actuelles de leaders qui tous en Afrique, ne voient pas ce qui se passe sous le bout de leur nez.
Keur Massar, espace humide, situé aussi à quelques kilomètres à vol d’oiseau de la ville de Dakar, est une zone envahie jusque dans ses aires humides et bas-fonds par le béton et le logement. Si les inondations sont plus graves dans cette zone que l’Etat et les communes ont par erreur, attribué aux coopératives d’habitat, c’est parce nous sommes ici dans une véritable zone humide. L’eau est partout. Les Niayes aussi et leur flore de palmiers. La ville en y installant sa décharge la plus développée et la plus vaste montre encore qu’il ne se soucie pas de la vie et du bien être des gens qui avaient choisi de vivre comme pasteurs et agriculteurs ici.
La plupart des habitants y survivent encore avec quelques troupeaux de bœufs, des champs sales envahis par les ordures et pollués dans la nappe par les rejets quotidiens de saletés venant de Dakar. A l’intérieur de ces terres, la pauvreté a pris une ampleur inquiétante du fait de l’appauvrissement des sols et du manque d’eau propre pour le maraîchage bio qui faisait la réputation des environs des lac Mbeubeuss, Mbaouane etc.
En matière d’aménagement de région ou de ville durable, des exemples existent pourtant dans le monde. En île de France, dans le bassin parisien, les maraîchers occupent encore 0,4% du foncier. Dire qu’on pense ici et là, aux terres fertiles qu’on protège contre le béton et les projets immobiliers ; histoire de laisser des espaces verts, mais surtout de fournir une partie de la grande ville en légumes, et autres céréales et produits de l’élevage de proximité. Que serait le marché de Rungis sans ces espaces d’agriculture, d’élevage et de pêche préservées et au seul service des villes du bassin parisien.
Ce sont là les véritables contours de la cité de demain. Une ville où la vie, le bien être et la santé citoyens prennent le pas sur la politique politicienne d’élus sans scrupules qui vivent de la cité au lieu de lui servir. Un espace également dont la connexion avec le monde rural, les zones de production de richesse n’est en aucune manière, interrompue. Et, dans cet environnement, tous les reflexes de modernisation (transports, services, maîtrise de l’eau, systèmes de communication etc.), devraient prendre en compte la qualité des terres agricoles insérées à la ville. Une manière de se soucier du bien être et de la qualité de vie des populations.
Dans un monde où l’on dompte le vent pour s’en servir mieux, la question est de savoir si les autorités qui se présentent à la tête des villes, ont le profil pour comprendre l’évolution actuelle du monde. Le climat change, les terres d’agriculture s’amincissent et l’eau avec. Que font les élus d’Afrique ? Peu s’inspirent de ce que font de grandes villes comme Paris, Portland ou encore San Francisco aux Etats-Unis. En perdant des terres consacrées à l’agriculture, l’élevage et la foresterie, ces villes ont choisi une voie plus durable qui consiste à ne jamais céder des terres fragiles, des zones humides consacrée au secteur primaire et secondaire et encore.
Dans le bassin parisien comme dans d’autres villes du monde, la prise de conscience que l’eau arrivera un jour à manquer comme la terre a fait que l’on réfléchisse de nouvelles manières de recycler l’eau en la récupérant. Mais aussi de garder les traditions d’agriculture qui ont fait la réputation de certaines villes. Aujourd’hui, la volonté d’innover et de relancer les pratiques culturales sont expérimentées jusque sur le toit des immeubles où certains cultivent leurs légumes.
Pour dire que le gaspillage noté dans les villes pauvres d’Afrique ne peut pas se poursuivre quand on est obligé d’aller « quémander » des parts d’argent à chaque grande conférence sur la biodiversité et le climat. Des billets d’avions payés pour rien. Des frais d’hôtel pour des gens nuls ne comprenant pas souvent même l’enjeu des engagements qui se jouent sous leur nez.
Pour devenir une ville intelligente, verte et plus fonctionnelle, Dakar gagnerait à se lancer dans l’organisation d’un grand salon international d’échanges et de partages d’expériences sur les produits verts. Les autorités d’aujourd’hui comme les maires et conseillers des prochaines échéances ont besoin de se frotter avec ce qui se fait de mieux dans le monde en matière de recyclage des déchets, d’utilisation de sources d’énergies nouvelles et renouvelables (l’éolienne et le solaire surtout) au service de la ville ; mais également dans l’optique de fournir des services adaptés en terme d’éclairage public ; et encore dans l’éclairage domestique au niveau des maisons,(histoire de baisser le coût des factures d’électricité et d’eau). Dans le développement et la vulgarisation de produits verts et propres tirés de l’agriculture périurbaine qui nourrit la ville.
Le business vert existe et prend de plus en plus de l’ampleur. Et les universitaires sénégalais et autres chercheurs qui sillonnent le monde pour rencontrer les spécialistes qui travaillent dans les centres de recherche sur la question, ont aujourd’hui des idées sur les voies à explorer. Le problème est qu’il n’y a pas d’espace de dialogue. Alors un salon vert serait l’espace idéal pour cela. A l’université, la faculté des sciences, le département de géographie, la faculté de médecine également devraient être des leviers de ce challenge.
Tout comme des universités reconnues dans le monde qui développent de plus en plus un savoir faire dans ce qu’on appelle communément dans l’univers de la recherche, les « green technologies » à l’image d’Oxford University à Londres précurseur du Business vert. Mais encore dans nombre d’Universités canadiennes (Laval à Québec, Ubc* à Vancouver) sont aujourd’hui en plein dans les expériences de généralisation des énergies vertes qu’elles ne demandent qu’à partager. Dans le domaine de l’agriculture, une région comme la Normandie est entrain de bâtir une belle réputation de partenariat dans le domaine des biotechnologies liées aux échanges agricoles. C’est ainsi que la première édition du « Salon vert & Nature » se tiendra du 10 au 13 février 2011 aux Docks Café, Parc-Expo du Havre.
Cette vision de la Normandie est d’instaurer au beau milieu de notre région un rendez-vous annuel qui présentera cette Normandie verte, en créant un véritable rassemblement des acteurs du monde vert et de la nature : Le Salon vert & Nature devrait s’articuler en trois parties : une exposition sur le thème de la ferme, réalisée par la Chambre d’Agriculture de la Seine-Maritime avec la présence d’animaux (vaches, chevaux, cochons, chèvres et moutons, poules, etc.). Des animations autour du monde agricole, dégustations et présentation de produits fermiers ; un grand rassemblement d’exposants, autour de 4 pôles thématiques. Ainsi que des conférences et réunions pour les professionnels et les visiteurs sur des thèmes liés à l’agriculture, au monde vert, à la nature et au bien-être.
Mais, pour les puristes, un salon vert, ce n’est pas seulement l’agriculture et élevage. Aujourd’hui, des métiers et des vocations sont nés de ce fait. Dans le domaine de l’ingénierie (architecture, urbanisme, design industriel et artisanal), dans le bâtiment comme dans les métiers soft liées aux télécommunications, le vert est partout. Même dans le vêtement. Dans le même domaine le Palais de Tokyo à Paris (16ème) du 6 au 10 mai dernier, la deuxième édition du salon 1.618 consacrée au luxe durable. Au programme : expositions d’objets éthiques, défilé de véhicules propres, courts-métrages et conférences.
Le Palais de Tokyo expose ainsi toutes les nouveautés du design vert et des nouvelles technologies respectueuses de l’environnement. Loin des salons traditionnels, artistes et personnalités du développement durable, ce salon a permis de présenter une vision moderne du luxe, dans une mise en scène aérienne et déstructurée. Ici, l’écologie se décline aussi dans la gamme luxe.
• Université de Colombie Britannique
Petit ENCADRE
Notes à lire
– L’Expansion N°746 ; Novembre 2009, sur le palmarès des villes les plus écolos en France.
– Un-Habitat, The state of the African cities 2008: www. unhabitat.org;
– Un-Habitat, “ The state of the world cities 2010-2011, Bridging the Urban Divide: Overview and key findings;
– Afrique de l’Ouest: la croissance urbaine mise en cause dans les inondations, 16 septembre 2009; www.irinnews.org;
– Jean Christophe SERVANT, « Dans le chaudron africain, Le Monde diplomatique, Avril 2010 ;
– Philip S GOLUB, « Des cités-Etats à la ville globale », Le Monde Diplomatique avril 2010 ;
– Maison Bois Ecologie, Bimestriel, numéro d’Avril-mai 2008 ;
1- Un champ de tomate dans la périphérie de Vancouver (Colombie Britannique). Exemple de démonstration, ce champ sous serre est situé à côté de la principale décharge de la ville;
2- Un exemple de salon d’échanges, l’exposition du Forum urbain mondial de Nanjing (Chine) en décembre 2008
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