C’est par une conférence sur la philosophie africaine que la maison de culture Douta Seck a ouvert son cycle de « Grandes conférences ». La première leçon a été servie par le Professeur Mamoussé Diagne dans l’enceinte de l’institution, elle a eu lieu avant-hier mercredi. Au cours de la conférence le professeur est revenu sur la problématique de l’oralité et le savoir africain.
Le professeur de philosophie Mamoussé Diagne a fait cette déclaration au cour d’une conférence sur la philosophie africaine. Cette conférence qui s’est tenue à la maison de la culture Douta Seck, entre dans le cadre du cycle des grandes conférences organisées par l’institution. Devant un public composé en majorité de candidats au baccalauréat, l’agrégé de philosophie est revenu sur le débat longtemps entretenu sur l’existence ou non d’une philosophie africaine.
C’est dans cette perspective que le professeur répondant à une question a fait savoir que l’oralité est un obstacle à la philosophie et à la science. Argumentant son opinion le professeur convoque les limites de l’oralité par rapport à l’écriture. « L’oral exerce une contrainte sur la mémoire dans la mesure où celle-ci n’a pas une capacité indéfinie de stockage , elle est également liée à la contrainte de la chaîne parlée qui exige l’existence physique d’un locuteur, ce qui n’est pas nécessaire pour l’écriture ».
Poursuivant son argumentaire le philosophe relève un autre obstacle de taille, il s’agit du caractère sacré de l’oralité « les contenus les plus précieux de l’oralité se trouvent dans la sphère du sacré , dans la sphère de l’initiation où , il n’y a pas de débat de contradictoire, de débat critique. ..
Le sacré ce n’est pas savoir on y croit ce n’est pas discuter ni débattre. C’est donc une limite que même le grand Cheikh Anta Diop a reconnu le caractère sacré du savoir comme un obstacle épistémologique de taille. » C’est pourquoi poursuit le conférencier l’écriture dans toutes les grandes sociétés constitue un grand saut car elle a permis une démocratisation du savoir.
Toutefois Mamoussé Diagne n’en reconnaît pas moins l’existence d’une philosophie africaine. Celle là qui n’est pas la philosophie des éthnophilosophes mais plutôt celle que lui et ses contemporains sont entrain d’écrire et de pratiquer comme le disaient Paulin Hountondji. « Ce n’est pas une philosophie qui existerait depuis longtemps, formulée par les ancêtres et qui dispenserait les philosophes actuels de philosopher » a dit le conférencier . Les sagesses africaines, contes et autres proverbes ne constituent pas une philosophie, car pour le philosophe ces formes de penser ce sont pas l’apanage de l’Afrique, elles ont existé ailleurs.
Pour Mamoussé Diagne le débat sur l’existence ou non de la philosophie africaine est aujourd’hui dépassé, car posé autour d’une question mal conçue, c’est une « diallèle » une question circulaire entre éthnophilosophes et anti éthnophilosophes. Le combat qui vaille aujourd’hui c’est celui de la relecture de ce corpus de savoirs et de sagesse traditionnels non pas pour la réécrire mais pour en tirer ce qu’ils peuvent encore nous offrir dans notre société d’aujourd’hui. Le philosophe se dit convaincu « de la possibilité de se nourrir encore de la pensée d’un Kocc barma ou d’un Madiakhaté Kala ». Il propose de revenir sur le savoir, de le critiquer pour en tirer ce qui peut nous permettre d’aller de l’avant.
Quand les peuples revisitent leur histoire ce n’est jamais pour la rééditer mais plutôt pour une toilette du souvenir c’est-à-dire pour en élaguer les facteurs traumatisants et n’ en retenir que les éléments dynamiques et les insérer dans leurs projets actuels » conclut le conférencier.
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