Le décès de Mohamed Morsi doit faire l’objet d’une « enquête internationale indépendante », a estimé mardi un député conservateur britannique qui avait dirigé une commission indépendante sur les conditions de détention de l’ancien président égyptien. La mort de M. Morsi « en détention est représentative de l’incapacité de l’Egypte à traiter les prisonniers conformément au droit égyptien et international », a déclaré dans un communiqué le député Crispin Blunt. « Le gouvernement égyptien a le devoir d’expliquer sa mort malheureuse », a-t-il ajouté, en réclamant une « enquête internationale indépendante ».
Traitement médical refusé
Lors de la présentation en mars 2018 d’un rapport de la commission qu’il présidait, Crispin Blunt avait notamment souligné que le « refus d’un traitement médical de base » auquel M. Morsi avait droit « pourrait entraîner sa mort prématurée ».
Le rapport affirmait également que M. Morsi, qui avait des antécédents de diabète et d’insuffisance rénale, était maintenu à l’isolement 23 heures par jour dans des conditions de détention susceptibles de relever de la torture ou du traitement cruel, inhumain ou dégradant.
“Malheureusement, nous avons eu raison”
« Nous craignions que si le Dr Morsi ne bénéficiait pas d’une assistance médicale d’urgence, les dommages pour sa santé pourraient être permanents et même mortels. Malheureusement, nous avons eu raison », a regretté mardi Crispin Blunt, en estimant que la « chaîne de responsabilités » pouvait remonter jusqu’à l’actuel président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.
M. Morsi, issu des Frères musulmans et premier dirigeant élu démocratiquement en Égypte, est mort lundi après une audition devant un tribunal du Caire, près de six ans après sa destitution par Abdel Fattah al-Sissi, alors chef de l’armée.
Enterré discrètement au Caire
Mohamed Morsi a été enterré mardi au Caire en toute discrétion et sous haute surveillance, après avoir passé près de six ans derrière les barreaux. Dans la presse égyptienne mardi, l’événement était relaté de façon minimale, certains journaux ne mentionnant même pas qu’il a été chef de l’Etat entre 2012 et 2013.
Premier président égyptien démocratiquement élu
Issu de la confrérie des Frères musulmans, interdite en Egypte, Mohamed Morsi avait pourtant été le premier président démocratiquement élu dans ce pays après le Printemps arabe de 2011 qui avait poussé au départ l’ancien chef de l’Etat Hosni Moubarak après 30 ans de pouvoir. Mais dans un Etat où les autorités ont mené une sévère répression contre l’opposition, peu d’habitants commentaient ouvertement le décès de l’ex-chef d’Etat.
Réactions dans le monde musulman
En revanche, en Turquie où le gouvernement soutient les Frères musulmans, des milliers de personnes ont participé à une prière collective à la mémoire de Mohamed Morsi à Istanbul. La veille, le président turc Recep Tayyip Erdogan, avait qualifié de “martyr” Mohamed Morsi, l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, exprimant lui “sa profonde tristesse” et l’Iran regrettant “une mort malheureuse”.
Aucun journaliste autorisé
Au Caire, l’enterrement s’est déroulé dans la nuit, dans le quartier de Medinat Nasr (est) bouclé par des policiers qui ont contrôlé chaque véhicule passant à proximité. Aucun journaliste n’a pu accéder au cimetière, situé non loin des lieux où la répression féroce par les forces de l’ordre d’un sit-in des partisans de Mohamed Morsi avait fait environ 800 morts en août 2013. Seuls une dizaine de membres de la famille étaient présents, selon des journalistes de l’AFP.