Sa démission est l’aboutissement des divergences entre El Hadj Malick Gackou et son Premier ministre, qui ne l’a pas soutenu dans la gestion des crises qui frappent les structures des secteurs dont il avait la charge. Pour ne pas en être comptable, le ministre du Commerce a préféré rendre le tablier.
Le ministre du Commerce, de l’Industrie et du secteur informel du gouvernement du Premier ministre Abdoul Mbaye a présenté sa démission du gouvernement hier. Le motif officiel n’en a pas été donné au moment où Le Quotidien mettait sous presse, mais on savait déjà que le feu couvait depuis longtemps entre El Hadj Malick Gackou et son chef du gouvernement. La raison en serait à chercher dans la gestion de la situation actuelle des entreprises industrielles. Le n°3006 du journal Le Quotidien, annonçait déjà, le mercredi 30 janvier, que «le Ministre du commerce ne semble pas être tombé d’accord avec son chef du Gouvernement, sur la volonté de ce dernier d’imposer un diktat aux meuniers, pour leur demander d’autorité, de baisser le prix de la tonne de blé.» Le même passage poursuivait, comme en écho aux éléments qui ont servi d’arguments à El Hadj Malick Gackou : «Le Premier ministre, peut-être emporté par l’argumentaire des boulangers, ne semble pas tenir compte d’une conjoncture internationale défavorable.»
Et la conjoncture en question est à la hausse des prix des produits céréaliers, en plus de leur raréfaction, sur le marché international. Mais le marasme ne concerne pas que le secteur des minotiers. Tout le tissu industriel sénégalais est à la peine. Le Quotidien a déjà eu à parler des problèmes des producteurs de tomate, avec la fermeture de l’usine de la Socas à Dagana. Les soucis de la Sunéor et des industries de transformation de l’huile sont connues de tous. On ne parle pas ici des soucis des fabricants de parfum, dont les employés tiennent cet après-midi un point de presse pour faire état des risques graves de cessation des activités qui guettent leur secteur, ni des conséquences du revirement de l’Etat sur l’interdiction de l’exportation de la ferraille sur les ferronniers locaux.
Malick Gackou, qui avait devant ses yeux toute cette perspective, ne pouvait se permettre de rester inerte. Malheureusement pour lui, le ministre du Commerce a souvent été mis en minorité dans les arbitrages, par le Premier ministre et par son collègue de l’Economie et des Finances. Il lui fallait donc frapper un grand coup, mais personne ne s’attendait à celui-là. Surtout dans un pays où un ministre préfère avaler mille couleuvres que de renoncer à une seule tranche de son gâteau gouvernemental.
Mais, à des personnes qui ont échangé avec lui hier, juste après que sa démission a été rendue publique, Malick Gackou a déclaré de manière claire : «Je ne vais pas être le ministre sous le magistère duquel le tissu industriel du Sénégal va se déliter. Je ne peux pas regarder les entreprises fermer les unes après les autres et être comptable d’une politique que je n’approuve pas.»
Cohérence d’une politique
Cette sortie pose nécessairement la question de la cohérence de la politique économique de l’Etat. Pendant des années, les différents gouvernements ont regardé avec passivité, sinon avec délectation, les entreprises locales se faire bousculer, souvent de manière déloyale, par des concurrents étrangers. Si ce ne sont pas les Chinois, ce sont les Indiens ou les Turcs qui déversent sur le marché sénégalais des produits de basse qualité, qui mettent souvent à mal les manufactures locales. Macky Sall, qui affiche sa volonté de créer des emplois, n’a jamais rien fait pour contrebalancer cette tendance. Et la politique menée contre les meuniers, qui tend à nier les difficultés de ces derniers, dans un contexte international et national marqué par la morosité et la raréfaction des produits, risque de précipiter la mort de certaines des entreprises qui n’ont pas l’envergure nécessaire pour faire face à ces difficultés et les surmonter.
Conséquences au sein du gouvernement : Gackou provoque le malaise
Le malaise Malick Gackou… Il a rendu définitivement publics les désaccords qui minent le gouvernement. Son départ traduit une défiance publique envers le Premier ministre contesté même dans sa propre équipe. Cette démission risque de bouleverser l’agenda du chef de l’Etat qui n’arrive pas à restaurer la confiance entre Abdoul Mbaye et quelques ministres. Pris de court, Macky Sall se retrouve dans l’embarras, surtout que son ministre a démissionné pour des questions de principe. Une façon de le mettre devant ses responsabilités de chef de l’Etat.
Aujourd’hui, il y a deux hypothèses ; on continue à vivre dans le malaise ou on prend des décisions courageuses. Le choix est simple : Macky peut prendre fait et cause pour le Pm en se séparant des ministres fractionnistes, avant qu’il ne subisse encore d’autres camouflets. Ou se débarrasser d’un chef de gouvernement sans légitimité. Le communiqué du Conseil des ministres d’aujourd’hui nous édifiera.
[email protected]