En se rendant aux urnes ce 17 octobre 2021, les Cap-verdiens étaient au moins sûrs d’une chose : ils auront un nouveau président de la République, en remplacement de Jorge Carlos FONSECA qui a bouclé ses deux mandats constitutionnels. Autre possibilité, une quatrième alternance en 30 ans d’histoire démocratique avec la présidence de la République qui alterne tous les dix ans entre le PAICV et le MPD dont est issu le chef de l’état sortant.
Le Cap-Vert fait partie de ces démocraties où il ne saurait y avoir le moindre doute quant à un troisième mandat car les acteurs politiques en vrais gentlemen, ne feront pas un tel affront à leur pays. Pedro PIRES du PAICV qui a quitté le pouvoir en 2011 au terme de ses deux mandats, a rappelé aux journalistes venus le rencontrer en marge de la campagne électorale que les chefs d’Etat qui considèrent que quitter le pouvoir est une catastrophe, ont tout faux et qu’il y a bien une belle vie après le pouvoir et il en est la preuve.
Sans doute à cause de l’insularité, on en oublie ce pays quand on parle de démocraties avancées sur le continent alors qu’il est un des meilleurs élèves de la classe. Le Cap-Vert est à la deuxième place au classement 2020 de l’indice de la démocratie derrière l’île Maurice et juste devant le Botswana. Il titille les démocraties pleines faites d’Etats au sein desquels les libertés politiques/civiles sont respectées et qui reposent également sur une culture politique propice à l’épanouissement de la démocratie, les médias étant indépendants et diversifiés et un pouvoir judiciaire indépendant rendant des décisions exécutées.
Pourquoi ce troisième mandat de trop qui pollue dans plusieurs pays l’atmosphère depuis 2009 au Niger avec un coup d’Etat de rectification contre Mamadou TANDJA, ne se pose pas au Cap-Vert, même le doute n’est pas permis ? C’est parce qu’au-delà des textes si parfaits soient-ils, les parties prenantes ne sont pas au service d’un Homme fut-il le président de la République, mais font beaucoup attention à l’image que leur pays renvoie au monde. Perdre le pouvoir n’y est donc pas une fin en soi.
La démocratie, c’est l’alternance dit un proverbe Shona du Zimbabwe et cette démocratie n’est pertinente que s’il y a une alternance régulière tous les cinq ou dix ans au maximum. Les Cap-verdiens l’ont bien compris et appliqué. Ils ont opté pour le semi-présidentialisme en coupant la poire en deux entre les pouvoirs exécutif et législatif. Chez nos voisins insulaires au large de l’Océan atlantique, il n’y a ni présidentialisme fort qui peut transformer un chef d’Etat en demi dieu surtout s’il est entouré de flagorneurs assoiffés des fastes du pouvoir capables de lui faire renier sa parole, ni régime parlementaire pur et dur qui ne laisse aucune place au président de la République réduit à n’inaugurer que des chrysanthèmes.
Le fait que les deux grands partis qui dominent la vie politique, jouent le jeu de la démocratie y est pour beaucoup également. On ne cherche pas à gagner par tous les moyens quitte à tricher de la manière la plus sophistiquée possible car les acteurs savent que les règles du jeu sont très claires. Autre preuve de la maturité démocratique des Cap-verdiens, s’il leur arrive de confier la présidence de la République et l’Assemblée nationale à un même parti comme c’est le cas avec le MPD depuis 2016, ils rééquilibrent les pouvoirs s’ils en ont l’occasion. Ce qu’ils ont fait en élisant ce 17 octobre 2021 comme nouveau Président de la République José Maria NEVES du PAICV, ancien Premier Ministre. Une façon de montrer que la cohabitation ne fait pas de mal dans une vraie démocratie. En confiant la présidence de la République et le parlement à un seul parti politique, il a tendance à en abuser s’il n’y a pas équilibre entre les trois pouvoirs.
Mamadou THIOR
Journaliste – Analyste politique