Face à la Commission des Finances, il y a quelques jours, le ministre d’Etat Abdoulaye Diop s’est longuement épanché sur les dépenses extrabudgétaires, qui continuent de défrayer la chronique. Même s’il a expliqué pourquoi le Ministère de l’Intérieur a remporté le jackpot (14 milliards de Fcfa), Abdoulaye Diop n’est pas entré dans le fond pour les autres cas. Comme celui de la…Présidence, qui a effectué des extras pour 2 milliards de F Cfa. La liste est longue et ce sont les chefs de service de l’administration générale et de l’équipement (Sage) et les Directeurs de l’administration générale et de l’équipement (Dage) des Ministères, Établissements publics et Agences épinglés qui risquent de payer les pots cassés. De même que les entreprises ayant exécuté ces commandes hors budget.
Qui savait que la Présidence de la République était au cœur des dépenses extrabudgétaires ? Pour sûr, le ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances a levé un coin du voile sur ces fameuses dépenses, devant la Commission de l’Economie générale, des Finances, du Plan et de la Coopération économique de l’Assemblée nationale. Même s’il a systématiquement refusé de communiquer le rapport d’audit du cabinet Mamina Camara, qui a fait suite à celui de l’Inspection générale des Finances (Igf), il n’en demeure pas moins que Abdoulaye Diop a lu la liste des Ministères, Agences et Établissements publics au cœur de ces dépenses. Ce sont les députés de la majorité qui ont pressé l’argentier de l’Etat de communiquer le rapport d’audit. Refus ferme du ministre d’Etat : « Les conclusions de cet audit ont un caractère secret. Vous savez, vous Parlement, les procédures pour aller vers le déclassement. En tant que ministre des Finances, je ne peux pas prendre la responsabilité de vous les communiquer », a affirmé Abdoulaye Diop qui, il faut le souligner, a été félicité pour la conduite de ce dossier, d’autant que ce sont ses Services qui ont mis au grand jour les dépenses de la controverse.
Même s’il n’est pas entré dans les détails pour expliquer la cause des dépenses extrabudgétaires, Abdoulaye Diop a tenu à lever un coin du voile sur les dessous des extra au Ministère de l’Intérieur, alors dirigé par Me Ousmane Ngom. Si le ministre d’Etat a abordé cette démarche, c’est que le Ministère de l’Intérieur remporte la palme des dépenses hors budget, pour avoir affiché 14 milliards de F Cfa à son compteur. Avant cela, comme consigné dans le rapport qui a sanctionné la rencontre, Abdoulaye Diop a « apporté des éléments de clarification sur ce qui est communément appelé « dépense extrabudgétaire ». Le document rapporte : « Pour éviter toute interprétation divergente, monsieur le ministre d’Etat précisera que la notion de dépense extrabudgétaire suppose d’abord et avant tout, l’existence d’une dépense qui a déjà été exécutée. Or, en l’occurrence, il s’agit d’engagements extrabudgétaires définis comme étant des engagements initiés en marge de la réglementation et en l’absence de crédits ouverts dans le budget ».
En ce qui concerne donc le Ministère de l’Intérieur, ces dépenses extra budgétaires sont intervenues dans « la confection des cartes nationales d’identité et les ponctions budgétaires intervenues sur les crédits déjà engagés ». Mais, « en l’absence de faute imputable aux personnes publiques et aux co-contractants, le Ministère de l’Economie et des Finances s’est trouvé, en toute bonne logique, dans l’obligation de verser les sommes dues sur la base des prestations consenties ».
La Présidence (2 milliards) et la…Cour des comptes (17 millions) dans le coup
En faisant l’inventaire de ces dépenses extra budgétaires ayant conduit à une loi des finances rectificative, le ministre a informé que la Présidence avait engagé pareilles dépenses sur 2 milliards de F Cfa. Fait cocasse, l’inventaire a révélé l’implication, dans les dépenses extra budgétaires, d’une structure relevant du Ministère des Finances : la Cour des comptes ! En fait, sur la liste, le Ministère des Finances était cité pour 17 millions de francs. Mais Abdoulaye Diop a expliqué que cette dépense émanait de la Cour des comptes ; et qu’en fait, celle-ci avait engagé des crédits qui ont, après coup, fait l’objet de blocage. Le Ministère de la Famille, comme déjà révélé, est en bonne place sur cette liste. De même que le Ministère de l’Elevage et celui des Forces armées… En ce qui concerne les Agences et Établissements publics (Hôpitaux comme Principal, Fann, Grand-Yoff, Dantec…), ces « dépenses extra budgétaires » ont été revues en « arriérés ». D’ailleurs, l’Inspection générale des Finances a été saisie par le Ministère des Finances, pour chercher les conditions dans lesquelles ces dépenses ont été engagées.
L’agent judiciaire de l’Etat hérite de l’affaire
Même si 30 milliards de F Cfa ont été mobilisés pour le paiement de ces dépenses, il faut cependant dire que l’Etat ne payera sans doute pas ce montant. Il payera moins, et pour cause. Une Commission a été mise en place et l’agent judiciaire de l’Etat, Assane Diankho, va y siéger. En effet, tous les dossiers actuels sont de facto en contentieux. Aussi, la Commission va aborder les dossiers au cas par cas. D’abord, elle va voir si les factures présentées sont conformes aux prestations effectuées. Ensuite, s’il n’y a pas eu de surfacturation dans les prix et enfin, « négocier » avec le fournisseur. Le principe retenu rappelle l’affaire des dépenses extra budgétaires, discrètement gérée en 1997 par le régime socialiste. Ces dépenses étaient de l’ordre de 17 milliards de F Cfa et l’Etat n’avait pu les régler qu’à travers la cession des actions Sonatel. À cette période, les fournisseurs avaient été payés après une décote de créance. C’est le même principe qui sera adopté ici. Par exemple, un fournisseur engagé sur des extra de 2 milliards de F Cfa, peut recevoir un seul milliard.
Ponction sur les salaires et traduction devant la Cour des comptes pour les Sage et Dage
Ce sont les chefs de service de l’administration générale et de l’équipement (Sage) et les Directeurs de l’administration générale et de l’équipement (Dage) dont les ministères sont impliqués dans ces dépenses, qui risquent de payer la note. En effet, il a été convenu que tout fonctionnaire qui aura conduit l’administration à faire des dépenses irrégulières, sera soit traduit devant la Chambre de discipline budgétaire de la Cour des comptes, soit son salaire subira une ponction, comme le soulignent les textes en vigueur. Il faut cependant dire que Abdoulaye Diop aura, en Commission, évité la sanction extrême aux entrepreneurs. En effet, il était prévu que ces fournisseurs soient exclus des marchés de l’administration. Mais, dans ce pays où c’est la commande publique qui nourrit le Secteur privé, l’argentier de l’Etat estime que le mieux serait de faire « jurer » à ces entrepreneurs qu’ils n’exécuteront plus des commandes hors budget. Ce qu’un député comme Me Abdoulaye Babou a qualifié de « non-sanction ». Comme l’indique le rapport, les commissaires ont proposé au Ministère des Finances que ces entrepreneurs comparaissent devant une Commission d’audition, pour « pouvoir administrer les sanctions idoines ».
C. M. G
Secret sur l’augmentation de 7 milliards de F Cfa sur les fonds… secrets
« Vos commissaires sont aussi revenus sur la confidentialité présumée des rapports d’audit, les dispositions de la loi de finances régissant la nullité absolue des actes de dépenses des personnes morales de droit public, accomplis en dépit de l’inexistence de crédits suffisants, et singulièrement les transferts et le renflouement des crédits spéciaux opérés sur le budget de la Présidence de la République », lit-on dans le rapport fait par le député Seydou Diouf. Effectivement, ces crédits spéciaux, communément appelés « fonds secrets », ont connu une hausse de 7 milliards de F Cfa en faveur de la présente Loi de finances rectificative. De 9,895 milliards, ils ont connu une rallonge de 7 milliards de francs, pour atteindre la barre des 16 milliards de F Cfa. Malgré la persistance des interpellations, le ministre des Finances a brandi le caractère secret qui entoure l’utilisation de ces fonds.
C.M.G
lasquotidien.info