Des ressortissants sénégalais émigrés au Cap-Vert font part de leurs problèmes de sécurité physique et juridique, notamment l’impunité dans leur pays d’accueil et les passeports arrivés à expiration leur rendant impossibles les formalités administratives ou bancaires, a appris l’APS de source associative, dimanche à Dakar.
‘’On a un grand problème et on veut trouver des solutions : les passeports de nos amis et frères de l’association sont expirés. Ils ont leur argent à la banque, mais ne peuvent faire aucun retrait’’, a confié à l’APS, Lamine Cissé, président de l’Association des jeunes ressortissants casamançais au Cap-Vert (AJRCCV).
‘’Mes amis et parents ont de graves difficultés dans ce pays (…)’’, a-t-il affirmé. ‘’Pire, a-t-il révélé, il y a en d’autres qui ont perdu leur travail à cause de l’expiration des passeports. Il faut les aider le plus vite possible car ici, au Cap-Vert, la carte d’identité nationale (du Sénégal) ne sert à rien, seul le passeport…’’.
L’AJRCCV compte 700 émigrés sénégalais originaires de la Casamance. En marge d’une rencontre, en décembre dernier, l’ambassadeur du Sénégal au Cap-Vert, Mamadou Fall, signalait la présence de 5.000 Sénégalais enregistrés dans l’archipel, dont un millier d’entre eux vivent dans l’île de Santiago, où se trouve Praia, la capitale du pays.
‘’Aide-moi à trouver des solutions car les gens sont très fatigués ici’’, a-t-il écrit dans un message électronique accompagné, en pièces jointes, des copies des documents de voyages de ressortissants en détresse. ‘’Pour les autres passeports, c’est aussi le même problème (…) très dur’’, a-t-il ajouté.
M. Cissé a demandé auprès des autorités sénégalaises l’envoi d’une équipe chargée de renouveler les titres de voyages de ses concitoyens. ‘’Nous voulons que les gens viennent le plus vite possible faire les passeports. Des Sénégalais sont là et ça fait un an ferme qu’ils n’ont pas touché à leur argent à la banque et ça c’est grave.’’
Le président de l’AJRCCV a par ailleurs évoqué des questions de sécurité pour les ressortissants sénégalais, en rapport notamment à la recrudescence de cas d’agressions à domicile dont sont victimes des compatriotes, surtout des cambriolages, sans aucune suite judiciaire.
‘’Abdou Gassama, né le 17 février 1965 à Sibicoroto, vit au Cap-Vert, près de Praia, dans un village qui s’appelle Santa Catarina Somada. Cinq personnes armées, tous des Cap-Verdiens, l’ont agressé dans sa propre maison, en lui tirant dans les pieds (…)’’, selon M. Cissé, quelque peu désespéré.
La victime, a-t-il dit, ‘’est un marabout qui se préparait à aller en vacance au Sénégal’’. Ses agresseurs ont tout emporté après leur forfait, des biens personnels et ceux de son épouse, dont 10.000 euros ainsi que 5.000 escudos capverdiens, en plus des bijoux en or en et argent, d’une valeur d’un million de francs CFA.
‘’Les Cap-Verdiens continuent d’agresser les Sénégalais jusque dans leurs chambres et leur Etat ne fait rien contre eux. Nous, nous demandons à notre Etat de faire tout pour trouver des solutions à cela’’, a-t-il déclaré. ‘’A Dakar, on n’a jamais entendu de Cap-verdien agressé par un Sénégalais. Pourquoi eux ils nous maltraitent ici ?’’, se désole-t-il.
Pourtant, le Cap-Vert et le Sénégal font partie des 15 membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), laquelle est peuplée de plus 270 millions d’habitants, tous également régis par le protocole sur la libre circulation des personnes et le droit d’établissement dans l’espace communautaire.
Signé à Dakar le 29 mai 1979, ce texte est entré en application le 8 mai 1980. Le protocole de la CEDEAO a été révisé le 28 mai 1985 pour supprimer le visa d’entrée dans les pays membres et introduire aussi le droit d’établissement aux ressortissants de la communauté. Mais son application connaît des fortunes diverses.
Au cours d’un déplacement en décembre dernier à Praia, le ministre d’Etat Abdoulaye Baldé a été interpellé sur les difficultés de séjour rencontrées par ses compatriotes. Plusieurs responsables d’associations sénégalaises insistaient sur l’établissement ou le renouvellement des passeports de leurs membres. En aparté, de jeunes émigrés faisaient cas de violences qu’ils subissent, s’exaspérant de l’impunité de leurs agresseurs.
‘’Le problème ne peut se poser pour ce qui est du renouvellement des passeports, une équipe peut se déplacer (dans les huit îles, NDLR)’’, assurait un diplomate. Pour les nouveaux documents, il faut remonter au centre de production ou envoyer, de Dakar, une mission itinérante dans les foyers d’accueil de Sénégalais. ‘’La requête sera faite, disait-il. Le problème des passeports peut être considéré comme réglé.’’
‘’Les doléances, nous les avons bien enregistrées autant pour les passeports que pour les conditions de séjour ici au Cap-Vert’’, avait déclaré, de son côté, M. Baldé qui s’engageait, devant des centaines d’émigrés sénégalais, à transmettre lesdits points à ses collègues en charge respectivement de l’Intérieur, des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur.
‘’Il nous faut une bonne politique de migration dans les deux sens’’, avait soutenu le ministre d’Etat, tout en réaffirmant devant ses compatriotes tout son respect pour la souveraineté pleine et entière du Cap-Vert dans le cadre de ses lois et règlements. ‘’Il faut cependant que les tracasseries soient au maximum réduites, nous sommes dans un espace communautaire’’, rappelait l’officiel sénégalais.
Aps.sn