En cette fin d’après-midi, alors que le soleil est presque couché sur l’hôpital de Pikine, Ndeye Fatou Dieng pousse un soupir de chagrin. Elle s’apprête à traverser une nouvelle nuit sans sommeil. Après 69 jours et autant de nuits d’angoisse, sa vie s’est transformée en un véritable cauchemar. Gisant sur un lit individuel qu’elle est obligée de partager avec une inconnue, cette jeune fille a vu le monde s’écrouler sous ses pieds. Au sortir d’un accouchement difficile ayant nécessité une césarienne et une réanimation, elle s’est réveillée à la chambre 20 de cet hôpital. Ce qui semblait être une délivrance pour cette fille de 19 ans, est devenu un passeport pour l’enfer. Faute de moyens pour payer ses soins, Ndeye Fatou s’est retrouvée « prisonnière » dans l’hôpital. Et ce, pendant près de trois mois.
Précisément, depuis le 14 octobre 2010, elle n’avait plus le droit d’humer l’air de l’extérieur encore moins espérer retourner aux siens. Tabaski et fêtes de fin d’année en écho derrière des murs froids, pas d’habits neufs, même pas un morceau de viande de mouton. A la place, elle a eu droit de manière irrégulière, à des restes mis de côté par des patients gavés ou d’autres opérés à jeun. « On ne mange pas bien et c’est toujours après tout le monde. Ce sont les gens de la cuisine qui nous offrent à manger mais ce n’est pas tous les jours car ils disent qu’ils reçoivent juste des ordres. Quand on est dans cette chambre on ne nous considère plus comme des malades de l’hôpital. C’est comme dans une prison. Même pour se promener, nous devons rester dans les couloirs », s’exaspère Ndeye Fatou. Toute cette punition parce que ses proches n’ont pas réussi à réunir la somme de 182.535 francs CFA due à l’hôpital. Et les traitements inhumains déroulent leur tapis de monstruosités. Cela va de la séquestration à l’irrespect, de la violence verbale au harcèlement moral en passant par le mépris, l’indifférence et l’abandon.
Dans ce temple de la tristesse qu’est devenue la chambre 20, d’autres passagères croupissent, nouveau-nés dans les bras. Cette pièce restreinte et relativement propre suffoque. Huit femmes pour quatre petits lits ! « Il y a des moments où on est même trois ou quatre sur un lit. Tant qu’il y a des femmes qui ne sont pas en règle, on les amène ici ». Contraintes à une pareille promiscuité, ces « détenues », reviennent pourtant toutes, de couches compliquées. N’empêche le repos au chaud, bien entouré des proches ne sera qu’un rêve avorté.
En témoigne la situation dégradante de Dieynaba Baldé, une autre fille de 17 ans y séjourne depuis le 5 novembre 2010. Pour disposer de son ticket de sortie, la « caution » de 150 mille FCFA lui est réclamée. Une somme qui parait astronomique pour cette enfant d’un père tôlier et d’une mère lingère à l’occasion. Désemparée, sa maman nous confie : « Nous n’imaginions pas que le coût des médicaments serait aussi excessif. Ma fille a été bien soignée ici parce qu’elle était dans un état critique quand on l’a amenée. On veut bien payer mais on n’a pas de moyens. Pour le moment on a déjà versé 30 mille francs sur les 150 mille dus, mais l’on a dit qu’elle ne pouvait pas sortir avant d’avoir versé le reste de la somme ».
Victimes effacées…
Malgré les malheurs qui envahissent cette pièce, l’atmosphère se fait quelque peu chaleureuse. Les visiteurs s’essayent à un brin de causette. Les « habituées » que sont Ndeye Fatou et Dieynaba aident malgré leur jeune âge, celles qui viennent d’arriver et ne connaissent pas encore les rouages de cet univers amer. Parmi ces nouvelles « détenues », un autre cas pathétique. Celui de Fatou, la benjamine de cette citadelle du silence. Quatorze ans, fille-mère et victime hagarde d’une société malade, elle se fait taquiner par ses aînées qui lui apprennent à tenir son bébé. Mais cette ambiance détendue, est constamment interrompue par les vigiles qui font le tour des chambres à l’heure de la visite. Finalement on est bien en « prison ». Pour voir si tout se passe bien et que les visiteurs ne s’assoient pas sur les lits, ils scrutent rigoureusement. Intrigués par notre présence ou juste pour s’assurer que tout est en ordre ? En tous les cas, ils guettent le moindre geste suspect tel des chiens anti-drogue. En l’espace d’un quart d’heure, pas moins de trois d’entre eux sont passés. A travers un échange très bref et avec une condescendance caractérisée, l’un d’entre eux lance : « Hé, lève-toi du lit ! ». A la jeune Dieynaba de lui répondre : « On est à deux à se le partager ». Avant de nous rapporter que : « Les vigiles nous parlent souvent de manière irrespectueuse. Ils ne répondent jamais à nos questions et se contentent juste de nous donner des ordres », regrette-t-elle. On ne peut que rester perplexe ou atterré devant cette triste constatation. Ici, le seul lien avec la communication se limite à des ordres et à des règlements de factures. Service public ou clinique privée ? La rigueur semble tourner à l’obsession financière. Pourtant tout cela se passe au pays de la parité, du respect de la femme et de la charité sociale…
Maternité indifférente, Service social absent !
Face à la souffrance et la détresse de ces femmes, aucun des services de l’hôpital supposés porter réconfort aux malades ne s’est préoccupé de leur sort. Où sont alors passés les droits du patient pour le soulagement de sa douleur, le droit à l’information ? Bafoués par la maternité et simplement ignorés le service social. Car, le premier service n’ayant pas assuré le suivi correct de ces cas, le second devant au quotidien protéger les plus démunis, ne s’est pas montré présent. Pendant des mois ! Surréaliste pour des services à responsabilité censés faire des rapports régulièrement. Réputé pour sa rigueur et sa bonne organisation, l’administration de cet hôpital a, pour ces « cas » failli gravement. De plus, pour en situer la responsabilité c’est la balle qu’on se rejette entre service social et maternité. Indigne d’une administration bien structurée !
Mais l’administration de cet hôpital réputée pour sa rigueur et sa bonne organisation a failli de manière grave. Qui a fauté ? Entre le Service social et la Maternité, on se rejette la balle. En réalité, ce n’est que le 27 décembre 2010 que le service social a eu un entretien avec Ndeye Fatou Dieng. Jusqu’à cette date, aucune fiche n’était encore remplie pour cette dernière et pour Dieynaba Baldé. Prétexte : « les deux travailleurs sociaux avancent qu’ils n’étaient pas au courant de leur situation ». Une faute qui, dès lors, incombe à la responsable de la maternité qui avoue « n’avoir pas relancé le service social ». Sauf que pour cette dernière, le service social a également manqué de vigilance car il est censé faire le tour des salles chaque samedi. Mais c’est sans compter sur le responsable de ce département qui, à court d’inspiration, indique ferme « n’avoir jamais été frappé par la présence de ces cas ». Pourtant, avec le budget annuel de 15 millions de francs CFA destinés aux cas sociaux avérés, le service social aurait pu venir en aide à ces pauvres femmes. A l’enquête sociale pour définir si elles peuvent ou non bénéficier de ce fonds, l’on a préféré la détention. Avec un lot de désolation sinon de maltraitance, ces femmes se sont, des mois durant, senties humiliées, maltraitées, abandonnées, passées sous silence sans rien dire, par peur, par honte ou tout juste par ignorance. Pendant ce temps, leurs proches se sont trouvés mal informés avec des attentes interminables et inexpliquées. Une situation qui ne témoigne aucun respect de la dignité humaine.
Certes, il est important de construire de nouveaux hôpitaux, de renforcer les plateaux techniques, de recruter les personnels qualifiés. Mais, il serait mieux de rendre possible l’accès économique aux soins pour les indigents et de lever le voile qui cache les ignominies d’un système qui maltraite impunément sous le masque trompeur de la rigueur. En attendant, Ndeye Fatou passera en silence sa 70ème nuit de détention. Elle avait un peu laissé de côté son amertume, le temps de notre passage. Mais au moment de vider la salle et de refermer la porte sur elle, sa mine abattue se terre. Dans ses yeux, des regards sans espoirs…
LE MEA CULPA DE L’ADMINISTRATION : ADA NDIAYE CAMARA, DIRECTRICE DE L’HOPITAL
« Ce sont des cas typiques d’une situation qui ne devait pas exister ici »
« Il y a faute grave. C’est une erreur de la maternité. Il y a faute parce que le service social n’a pas eu le dossier. Ce n’est pas bien et cela montre qu’il y a eu faille dans le système. On ne peut pas garder une femme en maternité pendant deux mois. Ce n’est pas possible, c’est inadmissible dans la mesure où le budget du service social est disponible et exonère des malades éligibles. En dehors de ces cas qui ne devaient pas exister, ce qui se passe à Pikine c’est qu’au-delà d’une certaine heure c’est comme si les autres structures sont à l’arrêt, on nous amène des patients qu’on est obligé de prendre devant l’urgence vitale comme nous y invite la loi. Mais une fois que le malade sort de la phase critique, la procédure de recouvrement est alors enclenchée auprès des parents. Mais ces derniers jouent souvent au dilatoire. Et à la fin de leur hospitalisation dès qu’ils reçoivent le ticket de sortie, tu ne les retrouves plus. J’ai grandi à Pikine, je connais le niveau de pauvreté. Si d’avance le malade se déclare cas social, le service social prend le dossier pour mener son enquête et définir le niveau de vie du patient. Mais la procédure n’est plus respectée. Les gens attendent d’être soignés pour vous dire qu’ils n’ont pas de quoi payer. L’alternative alors reste le paiement des médicaments selon leurs possibilités. Même si c’est 2000 francs par mois, on accepte. Dans la mesure où il y a des écritures je n’ai pas de problème. Mais, c’est un point sur lequel je ne négocie pas, car si un malade part sans rembourser les médicaments, notre pharmacie sera en rupture et nous ne pourrons plus soigner les malades à venir. Si tu les laisses partir tu auras sur la table une ardoise non-payée et en cas d’audit tu vas le justifier. Il n’y a pas de sortie la procédure est claire. Soit l’hôpital paie, soit c’est la mairie ou alors c’est une imputation budgétaire réglée par le ministère de la famille. Certains pensent que dans le public on vient se soigner et après on sort. Ce n’est pas comme cela. Il y a des gens qui veulent imposer la force et cela ne marche pas. On est là pour soigner des gens, on est tenu de le faire mais après cela il faut régler sa facture. On n’a pas intérêt à retenir un malade ».
Pape Adama TOURE
lagazette.sn
c vraiment dommage, on n’ose pas croire que c au senegal que cette histoire existe et pourtant nous somme au senegal de wade
Aucun mot…
Grand « MERCI » au journaliste qui a publié cet article et qui a fait connaitre la souffrance de ces femmes… Pour moi, cet article est le meilleur que j’ai lu dans ce site pour aujourd’hui. J’espère que cet article fera réagir les autorités parceque ces femmes ont vu leurs droits les plus élémentaires être bafoués. Elles doivent sortir immédiatement parcqu’aprés 3 mois de « détention », je crois qu’elles ont payé leur dette à la societé. J’espere qu’a l’avenir, l’hôpital trouvera d’autres moyens pour faire payer ses patients.
GOOD JOB,
Voila le senegal de Wade, le liberalisme sauvage du SOPI. C’est terrible ce que je viens de lire. Merci au journaliste, merci a la Gazette, c’est ce type d’article qu’on espere de la presse senegalaise.
« Pour le moment on a déjà versé 30 mille francs sur les 150 mille dus » alors k wade et famille francaise continue de piller notre contribuale.
sino ki pourrai imaginer k cela existe au senegal. et prtant dans les fournitures scolaires distribuer par le minstere on voit mentionner sur les cahiers : droit a l’education, droit a la sente. mais a voir ce ki se passe on ‘ a l’impression kil ya un rupture entre l’action et la parole
Tragique comme situation. L’hôpital viole la loi et bafoue les droits humains!!!
La Gazette et son journaliste ont fait un excellent travail même s’il nous a remué le cœur. Continuez sur cette lancée
le problème est est dans tous les hôpitaux
la santé coute cher et c’est normal c’est le niveau de vie des sénégalais qui ne suit pas le renchérissement des produit de la santé et oui pour soigner on consomme des médicaments et des consommables et on paie les médecins et le personnels de soutien mais wade est un poison il a eu la fausse bonne idée de rendre gratuit les soins pour les vieux et uniquement les vieux
et inconscient il ne paie pas les factures du sesame les hôpitaux se retrouvent avec 60% des patients les vieux qui ne paie pas solvable ou pas les hôpitaux sont tous a genou a cause du sesame donc il en arrive a être dure avec ceux qui doivent payer légalement les ceux qui ont moins de 60 ans si on veut s’en sortir il faut dire à ce sénile de président de laisser les personnes âgées qui peuvent payer de payer et de prendre en charge les cas sociaux jeune comme vieux
les jeunes aussi ont droit a la vie
// sauf au senegal pays ou le vieillard sacrifie l’avenir des plus jeunes //
bi lay gorgui bou ngen ko falate di nagnou wekh khat wassalam