L’emprisonnement est une exception à la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Si ce n’est une liberté provisoire qui s’éternise, ce sont des condamnés à des peines de prison ferme qui circulent à Dakar, sous le prétexte de recours déposés auprès des juridictions compétentes. Ceci fait que Karim Wade et Mamadou Pouye sont les deux inculpés et condamnés qui sont en prison.
Sur seize personnes inculpées dont certaines ont été jugées, soit avec Karim Wade ou Tahibou Ndiaye, deux prévenus ont été condamnés à des peines de prison ferme et incarcérés en ce moment. Il s’agit de Karim Wade et de Mamadou Pouye. Les autres hument encore l’air de la liberté, selon que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) leur a accordé une liberté provisoire, ou a décidé de les placer sous contrôle judiciaire. Ou tout simplement, elle ne délivre pas un mandat de dépôt immédiat après qu’ils ont été déclarés coupables. C’est dire que l’incarcération n’est pas si automatique pour les cols blancs admis au box des accusés de la Crei. Nonobstant une condamnation ferme, Ibrahim Aboukhalil Bourgi dit Bibo a la liberté d’aller et de venir sur le territoire national, le temps que son pool d’avocats épuise toutes les voies de recours. Le 23 mars dernier, jour du verdict de l’affaire Karim Wade, la Cour n’a pas ordonné un mandat de dépôt pour les complices Bibo et Alioune Samba Diassé, pendant qu’elle relaxait Mbaye Ndiaye et Pierre Agboba. Les deux premiers ont le «privilège» d’avoir justifié d’une santé fragile. Les autres condamnés, à savoir Evelyne Rioux, Karim Aboukhalil Bourgi et Vieux Aïdara échappent encore aux mandats d’arrêt internationaux lancés à leur encontre.
Epuiser toutes les voies de recours
En attendant, l’ancien ministre et un seul de ses complices purgent leurs peines. Ils n’accueilleront pas de si tôt Tahibou Ndiaye, son épouse et des deux filles adoptives. Malgré les condamnations de prison ferme prononcées, les avocats de l’ancien directeur du Cadastre sauront saisir les opportunités que leur offre la loi pour retarder l’emprisonnement de leur client et de ses complices. Comme ce fut le cas alors avec l’affaire Karim Wade, la Chambre de cassation de la Cour suprême ne manquera point de statuer sur le dossier Tahibou Ndiaye. En cas de verdict défavorable, une demande de rabat d’arrêt ne serait pas inopportune pour ses conseils. Durant cette période, la peine restera non exécutoire. L’autre méthode qui permet à l’inculpé de jouir du bel air de la liberté est le contrôle judiciaire.
Abdoulaye Baldé, autrefois second de Karim Wade à l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique, en profite depuis un an. Il mène ses activités politiques, en portant une oreille aux travaux de la Commission d’instruction de la Crei. Son ex-sœur de parti, Aïda Ndiongue, a aussi bénéficié de cette forme de clémence décidée par les magistrats instructeurs.
Une Crei «traquée» et inculpée»
Le sort judiciaire de l’ex-sénatrice libérale pourrait profiter d’une réforme de cette juridiction. Ses promoteurs, en l’occurrence le Président Macky Sall, pensent au besoin atténuer le caractère répressif. Lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision itélé, Macky Sall a confirmé son ancien Premier ministre. En effet, Aminata Touré a récemment émis l’idée d’une «démocratisation de la Crei». Dans tous les cas, la juridiction a fini de vider les deux dossiers qui lui ont été renvoyés pour jugement. L’inculpé qui sera concerné par la prochaine ordonnance de renvoi est pour le moment inconnu.
Outre Aïda Ndiongue et Abdoulaye Baldé, le coordonnateur du Parti démocratique sénégalais, Oumar Sarr est dans le collimateur de la Crei. C’est également le cas pour Samuel Sarr, Me Madické Niang ou Me Ousmane Ngom. Ils sont frappés par une mesure d’interdiction de sortie du territoire. Néanmoins, le Parquet spécial ne les fait plus défiler à la Section de recherche de la gendarmerie de Colobane, pour les besoins d’enquêtes préliminaires. Aussi une diligence opinée n’est-elle plus ressentie dans le traitement de leurs dossiers respectifs, depuis le limogeage du Procureur spécial Alioune Ndao. Il n’en demeure pas moins que la Crei, telle que créée a un avenir incertain. Son opportunité convainc de moins en moins le tribunal de l’opinion et des décideurs politiques. Du coup, elle est «traquée» et risque d’être «inculpée» etc…
Le Quotidien