Depuis le mois de Juin, de nouvelles règles de circulation sont en vigueur pour les automobilistes sortant du quartier d’Ouest-Foire en face du Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices). En effet, les véhicules sortant sont contraints de délaisser la Vdn pour emprunter la piste latéritique jusqu’au rond point situé à quelques encablures de la nouvelle station Elton.
Depuis le mois de Juin, de nouvelles règles de circulation sont en vigueur pour les automobilistes sortant du quartier d’Ouest-Foire en face du Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices). En effet, les véhicules sortant sont contraints de délaisser la Vdn pour emprunter la piste latéritique jusqu’au rond point situé à quelques encablures de la nouvelle station Elton. Et de là, choisir leur itinéraire. Si certains usagers énervés par autant de désagréments au quotidien soupçonnent une volonté de protéger l’ouvrage de l’Anoci, la Gendarmerie nationale, elle, convoque les principes de fluidité et de sécurité pour expliquer la mesure.
A Ouest-Foire, une nouveauté attire l’attention. En effet, depuis le mois de Juin, et à certaines heures de la journée, les véhicules provenant de ce quartier n’ont plus le droit d’emprunter directement la Vdn pour continuer leur course. Devant la station Shell, et deux autres postes plus loin, un gendarme est toujours sur les lieux pour appliquer cette nouvelle directive. Ainsi, les véhicules sont déviés sur la piste latéritique qui conduit à la nouvelle station Elton et, de là, au rond point qui permet de déboucher sur les deux voies menant à Liberté 6 ou sur une autre portion de la Vdn.
Un mardi matin, il est 8 heures. Des gens vont rejoindre leur bureau, d’autres vaquent à leurs occupations quotidiennes. Ce qui est frappant, c’est le désert qui règne sur la Vdn, avec une très mince file de voitures d’une part, et la densité de la circulation qui prévaut sur la piste en latérite à partir de l’entrée du quartier Ouest-Foire. Pourquoi cette déviation ?
Dans un premier temps, Le Quotidien s’est rapproché d’un certain commandant Kandji. Mais sur un ton sec, il nous a éconduits. «Je ne vous ai pas donné mon numéro de portable qui est personnel. Donc je ne répondrai pas à vos questions.» Des questions qui ne lui étaient même pas encore soumises. Avant de raccrocher, il lance : «Si je connaissais celui qui vous a donné mon numéro, il m’entendrait !»
Par contre, avec le commandant de l’Escadron de circulation, nous aurons réponses à nos interrogations. Selon le capitaine Dieudonné Agbo, les embouteillages notés sur la Vdn ont attiré l’attention des autorités compétentes qui ont travaillé sur les conclusions d’une étude qui a duré 15 jours. «Sur 9 987 véhicules qui viennent de la banlieue de Yoff et d’autres endroits, longeant la Vdn pour se diriger vers le pont de Ouest-Foire, explique le gendarme, 137 provenant de Ouest-Foire cisaillaient la Vdn. Cela provoquait parfois des embouteillages et des chocs entre les voitures qui viennent de Ouest-Foire et celles qui viennent de la Vdn.»
D’ailleurs, au moment où l’on s’entretenait avec le capitaine Agbo, un véhicule qui venait d’Ouest-Foire voulait prendre la Vdn alors qu’au même moment, un autre qui venait de la Vdn s’apprêtait à tourner pour rentrer dans Ouest-Foire. N’eut été l’intervention du gendarme, les deux véhicules auraient pu entrer en collision. Ainsi, le gendarme a fait dévier la conductrice vers la latérite, ce qui, visiblement, n’a pas plu à cette dernière dont le visage suintait d’énervement. Malgré tout, elle s’est exécutée au grand bonheur de l’autre automobiliste qui est passé sans soucis.
En effet, précise le capitaine Dieudonné Agbo, la Gendarmerie travaille certes pour le public mais dans certaines situations, elle se range du côté des intérêts de la majorité. La Vdn étant une route prioritaire empruntée par la majeure partie des voitures, contrairement à Ouest-Foire, la Gendarmerie nationale, après concertation avec Ageroute et avec certains syndicats de transporteurs, a opté pour un barrage temporel à Ouest-Foire, au niveau de la station Shell, tous les jours de 7h à 9h et de 17h à 21h. Durant ces intermèdes, plusieurs pandores font le pied de grue pour réguler la circulation et faire appliquer les mesures arrêtées. Comme un père noël, le capitaine Agbo vient avec une bonne nouvelle pour tempérer la colère de certains usagers. «La latérite sera bitumée bientôt. Normalement, au moment où je vous parle, elle devrait être déjà bitumée. Mais c’est la faute à Ageroute qui avait donné sa parole pour le faire et jusqu’à présent rien n’est fait.»
A Cse, le directeur technique, Malal Diallo Kane, exprime son étonnement par rapport à cette situation. «Au niveau de la Cse, nous ne sommes pas au courant de cette situation, les gendarmes ne nous ont pas approchés pour nous en parler.» Toutefois, il se veut clair. «La déviation des voitures n’est pas due à la non solidité du pont car justement ce pont est très solide.»
Du côté de la société Ageroute, ancienne Aatr, on encaisse la critique du gendarme avec philosophie. D’après Mbagnick Dione, le chef d’antenne de l’entreprise au Sénégal, tout sera fait en temps opportun. «Nous avons effectivement prévu de bitumer cette route, mais cela n’est pas encore possible à cause d’un problème de budget. La construction d’une route coûte cher et en plus, on ne peut pas improviser les dépenses de l’Etat. Néanmoins, ce projet de bitumer cette route d’Ouest-Foire est un tronçon inséré dans un programme. Il sera réalisé dans la gestion de 2011.»
Le bitume en 2011
La qualité du pont est souvent mise en avant pour expliquer la mesure de circulation. Pour le capitaine Dieudonné Agbo, «l’ouvrage n’a aucun problème de solidité et la déviation n’a rien à voir avec son état». Un tout autre son de cloche a cours chez la dame Aby Ndiaye, responsable commerciale dans une entreprise de la place. «Il y a quelque chose qui cloche avec ce pont ! », dit-elle. A bord de son 4×4, la mine sérieuse, elle défend ainsi ses arguments : «Depuis le début de cette situation, je n’ai cessé de réfléchir sur ce qui doit pousser les gendarmes à nous faire dévier de la route. A mon avis, des experts ont fait une étude après la construction de ce pont et ils se sont rendu compte que le pont ne peut pas supporter en permanence le poids de plusieurs véhicules en stationnement puisque, paradoxalement, la circulation est bouchée sur le pont !» Pour Mme Ndiaye, le pont est fragile et donc n’a pas été bien construit. Les travaux d’extension de la Vdn ont débuté en 2007, dans le cadre des préparatifs du Sommet de l’Organisation de la conférence islamique (Oci) dont Karim Wade, actuel ministre des Infrastructures, dirigeait l’agence. Par conséquent, Mme Aby Ndiaye n’a pas cherché loin pour identifier les «responsables» d’une telle situation.
Dans la même lancée, le taximan Mbaye Fall rencontré plus loin se range derrière les certitudes de madame Ndiaye. Lui aussi accuse le patron de la défunte Anoci d’être à l’origine de cet état de fait. «Il essaie de nous leurrer en construisant ces mauvaises routes», dit-il en indexant la chaussée. «La route n’est pas bonne. C’est pourquoi les gendarmes font dévier les conducteurs afin d’éviter des chocs. C’est anormal !», gronde-t-il.
Amadou Bâ, chauffeur de car Ndiaga Ndiaye, est lui en phase avec les autorités. «Si les voitures sont déviées sur la latérite, c’est pour éviter les chocs et rien d’autre. Par exemple, si un car veut juste prendre un client et partir, il peut s’arrêter sur la Vdn. Mais s’il veut stationner longtemps pour attendre l’arrivée des clients, il est obligé de se garer sur la latérite afin de ne pas gêner les véhicules qui viennent de la Vdn et qui roulent à grande vitesse.»
Si la mesure ne semble pas faire l’affaire de certains automobilistes, on peut penser qu’elle profite à la nouvelle station Elton dont la devanture polarise chaque matin une file interminable de véhicules. Une bonne occasion en effet de se faire de la pub sans frais et, surtout, de vendre encore et encore du carburant. Toutefois, cela ne paraît pas évident. Chez Assane Diop, gérant de ladite station, c’est plutôt l’amertume. «Cette déviation nous cause beaucoup d’ennuis car le matin, il y a un embouteillage monstre qui bloque nos clients qui sont dès lors obligés de venir à une heure tardive où il y a moins d’embouteillage.» Pis, le porte-monnaie de l’entreprise pétrolière est même touché. «Notre chiffre d’affaires a baissé de 2 à 3% depuis le mois de juin, début de ce nouveau phénomène. Je suggère que l’on laisse les choses telles qu’elles étaient avant», souligne M. Diop.
Chez Baye Souleymane Cissé, pompiste dans la même station, le tableau est moins sombre. «La nouvelle déviation est à la fois bonne et mauvaise pour nous. Elle est bonne car avant, les conducteurs qui avaient l’intention d’acheter du carburant au moment d’atteindre la station oubliaient de le faire à force de rouler vite. C’est après avoir traversé le pont qu’ils se rendent compte de leur oubli, mais malheureusement ils ne peuvent pas faire marche arrière. Aujourd’hui, avec l’embouteillage et en conduisant dans un rythme lent, ils ont le temps de réfléchir et de penser au carburant. Alors, ils font un crochet ici pour se servir.»
Le mauvais côté des choses, c’est que, explique M. Cissé : «La déviation gêne notre travail car si toutes les voitures sont déviées, il y a un embouteillage monstre et de ce fait, elles n’ont pas un libre accès à la station, ce qui ralentit notre travail. Donc la déviation ne nous arrange nullement et vivement que les choses soient comme avant !»