Le chef de l’Etat n’est content ni des difficultés que le Sénégalais rencontrent pour accéder au crédit dans son propre pays ni du gap de financement de 500 milliards des Petites et moyennes entreprises. Il l’a fait savoir hier, à la clôture de la Deuxième concertation nationale sur le crédit. Devant un parterre de banquiers et financiers, le président Wade a dénoncé le système bancaire et demandé sa réforme.
Le président de la République, Abdoulaye Wade est constant dans sa position face au système bancaire, de manière générale. Venu clôturer, hier, l’atelier sur la Deuxième concertation nationale sur le crédit (16-17 mars à Dakar), le chef de l’Etat a réitéré ses critiques à l’endroit de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) et des établissements de crédit. Au cours de cette rencontre de deux jours sur le thème central de ‘l’amélioration de l’accès des Pme au crédit’, il a été rappelé le faible niveau d’exécution des 65 mesures opérationnelles dont la mise en œuvre intégrale devrait améliorer l’accès au crédit.
Le président Wade trouve inadmissible qu’un Sénégalais éprouve beaucoup de difficultés pour accéder au crédit chez lui alors que ce n’est pas le cas par ailleurs dans la sous-région. Les Petites et moyennes entreprises, représentant 90 % des entreprises sénégalaises rencontrent la plus grande réticence des établissements de crédit en matière de financement de leurs activités. Ces mêmes entités économiques participent pour 33 % à la composition du Produit intérieur et emploient 42 % de la population active.
Ainsi, la logique voudrait que ces Pme soient au cœur du développement et accélèrent la croissance économique. Cependant, la réalité est tout autre. Ces maillons du tissu économique traînent un gap de financement estimé à 500 milliards de francs en 2007.
Après avoir écouté les recommandations issues des travaux, Me Wade déclare : ‘il y a un tas de mesures. Mais il y a une seule chose à faire : c’est d’élargir l’Adpme’. L’Agence pour le développement des Pme est chargée d’encadrer ces entreprises. Ainsi, il indique que son élargissement en agence nationale permettra donc une meilleure gouvernance des Pme.
Le président de la République, également, demande que l’on ‘renforce les Petites et moyennes entreprises’ et qu’on arrête de copier les modèles dans les pays développés, et qui ne s’adaptent pas aux réalités locales. Aussi, accuse-t-il, la responsabilité est partagée entre la Bceao et les banques commerciales. Ces établissements bancaires, dit-il, se cachent derrière les textes réglementaires pour justifier leur réticence à financer les petites entreprises. Pour sa part, poursuit le président Wade, l’institution d’émission avance que ce sont les banques qui refusent de financer des investissements avec leurs fonds propres, alors qu’elles sont très liquides. ‘Je ne suis pas satisfait de la manière dont notre système fonctionne. Nous manquons d’audace’, déclare le chef de l’Etat qui fait savoir son opposition contre l’orthodoxie des banques qui les amène à se focaliser plus sur un modèle économique plutôt que de s’adapter au contexte. ‘Le système bancaire n’est pas bon, de la Banque centrale jusqu’en bas’, dénonce le président Wade, qui plaide pour un ‘réforme de ce système’. Le président Wade estime, par ailleurs, qu’il faut penser à ‘une banque centrale adaptée pour nos Etats’, une banque centrale qui ‘finance l’économie’. Toutefois, il précise à l’endroit du Gouverneur de la Bceao, Philippe Henry Dacoury-Tabley, que les attaques qu’il (président Wade) fait contre la banque centrale ne lui sont pas directement adressées. Le système étant antérieur à sa nomination à la tête de l’institution d’émission.
Auparavant, le Gouverneur de la Bceao déclarait que des ‘solutions idoines’ devraient être trouvées pour financer les Pme. D’après Philippe Henry Dacoury-Tabley, les difficultés d’accès au financement pour ces entreprises sont liées à l’insuffisance des informations sur les Pme au niveau des banques, au niveau d’endettement, à la faiblesse des garanties, l’insuffisance des systèmes d’encadrement, de fonds propres, etc. Il estime, par ailleurs, qu’il faut mettre en place un système fiscal favorable au financement des petites et moyennes entreprises.
Par ailleurs les travaux de l’atelier ont été bouclés hier par une série de recommandations, pour les sous-thèmes ‘Demande de crédit’, ‘Coût du crédit’, ‘Offre de crédit’, et ‘Environnement juridique et judiciaire’, ayant fait l’objet de réflexion dans les sous-commissions. Relativement à la Demande de crédit, 45 recommandations axées principalement sur la disponibilité et la fiabilité des informations, et les garanties, ont été formulées.
Sur la question liée à la demande de crédit, les 12 recommandations visent à corriger l’insuffisance de la mobilisation des ressources longues, l’environnement financier peu favorable, notamment. Les garanties, étant une des préoccupations des entreprises de petite taille, il a été proposé un élargissement de la gamme de garanties et un allégement des coûts supportés par l’entrepreneur. Aussi la mise en place d’un Fonds de garantie a-t-il été recommandé. Cependant, le président Wade oppose une fin de non-recevoir pour cette dernière recommandation. Selon lui, il n’est pas question que l’Etat supporte le risque à la place des banques. ‘Je suis contre le Fonds de garantie, à moins que ce soit un système privé’. Toutefois, il est d’avis que les Pme ont besoin d’un appui institutionnel.
walf.sn