Le Sénégal : un pays, deux faces de Janus. Deux faces d’une même pièce. Côté pile, une diplomatie politique et religieuse rayonnante sur la scène africaine et mondiale. Côté face, un processus électoral hideux en vue des Législatives du 31 juillet. Et l’administration n’aide pas à y voir plus clair. Autrement dit, la diplomatie intérieure est en panne.
Commençons par ce qui va. Petit bout de terre de moins de 200 mille km2, le Sénégal a souvent fait preuve de grandeur au plan diplomatique. De Senghor à Sall en passant par Diouf et Wade, la diplomatie sénégalaise brille sur la scène internationale tant par la qualité de ses ressources humaines que par ses positions à la fois de fermeté et de souplesse.
Le conflit israélo-palestinien avec la fameuse visite du Président Léopold Sédar Senghor rendue à Golda Meir, surnommée la grand-mère d’Israël ; la défense des droits inaliénables du peuple palestinien symbolisé par le courageux Yasser Arafat ; la lutte contre l’Apartheid avec le tapis rouge déroulé plus d’une fois par Dakar à Nelson Mandela ; la guerre du Liban ; les crises politiques : ivoirienne, mauritanienne, malgache, malienne, guinéenne, bissau-guinéenne, gambienne, libyenne… On mettrait des heures à lister les succès et quelques rares fois, les échecs diplomatiques du Sénégal qui n’hésite pas, au besoin, à adopter une posture de non-alignement que n’aiment pas toujours certaines puissances. Tant pis ! S’y ajoute, le nombre incalculable de fois qu’un Sénégalais a dirigé une institution internationale, bien que, ces dernières années, des places fortes aient été perdues. La voix du Sénégal compte et pèse encore dans le monde.
Avec 196 722 km2 seulement, le Sénégal est certes un petit pays de par sa superficie. Et comment ! Comparaison : la Russie fait 17,1 millions km2 et l’Ukraine, 603 mille km2. Or, ce sont ces deux pays en conflit mais jumeaux, en référence à leur histoire et géographie commune et à leurs liens de sang, que le Président Macky Sall visite à partir de ce 3 juin. En sa double qualité de chef d’Etat et de président en exercice de l’Union africaine, le numéro un sénégalais s’y rend avec le Tchadien Moussa Faki, président de la Commission de l’institution héritière de l’Oua. Et si seulement l’Afrique allait vers davantage d’intégration et d’unité ? Visez la suite… Avec une surface de 30,37 millions km2, l’Afrique est plus grande que la Chine et ses 9,5 millions km2, les Etats-Unis 9,8 millions, l’Europe 10,5 millions et l’immense Russie et ses 17 millions km2. Première puissance donc, en termes de superficie. Que dire aussi du poids de l’Afrique avec ses ressources de toutes sortes par rapport aux autres puissances ? Il n’y aurait pas non plus photo, si l’unité était enfin au rendez-vous.
Quand l’Afrique se réveillera, la terre entière tremblera… Pour l’heure, cette terre-berceau de l’humanité doit défendre ses intérêts supérieurs, et c’est ce que le président sénégalais, muni de son bâton de pèlerin au nom de tout un continent, va faire auprès de ses homologues, russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky. Mandat du médiateur de l’Ua : obtenir « l’arrêt des hostilités » entre les deux frères ennemis et « la possibilité de laisser l’Ukraine et la Russie exporter les céréales et les matières premières dont le monde a besoin ». Sans préjuger de son résultat, ce voyage du Président Macky Sall est déjà en soi un succès diplomatique.
Venons-en à ce qui ne va pas. Le Sénégal, un pays de paradoxes. Disons-le nettement. Quel est ce pays qui brille au plan international mais qui offre un pâle visage, politiquement parlant, au plan domestique ! Le pilotage par les acteurs politiques et l’administration des listes pour les élections législatives du 31 juillet est loin d’être un succès. Pour dire le moins. Alors que les « Sages » du Conseil constitutionnel avaient pris des arrêts relativement salutaires pour la démocratie, voilà que le ministère de l’Intérieur sort un arrêté fort bizarre : déclarer « irrecevable » la liste nationale suppléant de Benno en écartant la liste titulaire et inversement, accepter la liste nationale suppléant de Yewwi tout en rejetant la liste titulaire. C’est pire que le déroutant jugement de Salomon !
Attention, le Sénégal n’est plus le même pays dès lors qu’il est devenu producteur de pétrole et de gaz. Ces deux matières très inflammables et hautement convoitées attirent les fauves. A l’image du sang. Si la classe politique n’y prend garde, demain c’est le Sénégal qui aura besoin… d’une MÉDIATION.
3 juin 2022