Le glas a sonné pour l’Agence du programme de construction d’immeubles administratifs et de réhabilitation du patrimoine bâti de l’Etat (Apcrpe). Le décret n° 2009-1253 du 11 novembre 2009 a dissout l’Apcrpe (maitre d’ouvrage de l’Etat) et a consacré la cessation des activités de ladite agence. Une dissolution qui laisse un goût d’inachevé, avec une multitude de chantiers qui n’ont pu être menés à terme, en raison des ponctions importantes effectuées par le ministère de l’Economie et des finances (MEF) aussi bien sur le budget de fonctionnement que sur les crédits affectés à l’exécution des projets en 2008 et 2009. Parfois même, c’est la suppression totale certains crédits. Par ailleurs, la commission de liquidation mise en place depuis le 29 décembre 2009, a engagé une procédure de rupture des contrats des travailleurs.
Les projets « Spéciale indépendance 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008 », les maisons de l’outil, la Case des tout-petits, Cœur de ville de Kaolack, la Cité des enseignants du supérieur, l’Université du futur africain… tous ces chantiers dont la maitrise d’ouvrage était confiée au Pcrpe ont souffert des coupes presque endémiques sur le budget de ladite agence et de la non-disponibilité des fonds qui ont fortement perturbé l’avancement des chantiers pendant que certains sont carrément à l’arrêt. Avec la dissolution de l’agence du Pcrpe, leur achèvement devient hypothétique.
L’examen du Rapport d’activités de l’année 2008 et le Projet de budget 2009 renforcent l’image négative des agences nationales. Il met en exergue la multitude de chantiers qui n’ont pu être achevés faute de ressources disponibles. Suite aux ponctions récurrentes effectuées par le ministère de l’Economie et des Finances, le budget du Pcrpe est ainsi passé entre 46 464 000 000 FCFA en janvier 2008 à 29 708 834 000 en juin 2008. En novembre 2008, le budget est ramené à 14 858 834 000 suite à d’importantes ponctions sur le Budget consolidé d’investissement (BCI) destiné aux financements des différents projets. Globalement, c’est une ponction totale de 68% qui a été effectuée sur le budget initial 2008.
Le trait grossier de ces prélèvements reste les coupes sur les crédits affectés aux programmes « Spéciale indépendance » dont l’objectif est de doter les villes de l’intérieur du pays d’infrastructures et d’équipements de base (routes, adduction d’eau potable, éclairage publique, assainissement).
PONCTION DE 68% SUR LE BUDGET 2008
Ainsi, pour le programme « Spéciale indépendance Fatick 2005 », 15 milliards ont été alloués à la région. Mais, cinq ans après leur démarrage, le constat est que les travaux des axes routiers majeurs confiés à Zakhem pour un montant de 3 367 196 628 FCFA, sont toujours à l’arrêt. Idem pour l’éclairage public dont les travaux ont été attribués à la Dakaroise électrique, l’aménagement paysager qui accuse un retard important et la construction de la Grande mosquée et des abattoirs dont les marchés contractés avec EGBTP pour près de d’un demi milliard ont été résiliés. A Niakhar et dans la communauté rurale de Fimela, les travaux d’électrification rurale sont aussi à l’arrêt.
Le programme « Spécial Kolda 2006 » est logé à la même enseigne avec des taux de réalisation de 25% pour les espaces jeunes, entre 5 et 50% pour les plateaux multifonctionnels, la gare routière, le centre commercial, les bâtiments administratifs etc. Au total, un montant global de 4 milliards est encore dû au Pcrpe.
Les coupes ont pris un relief particulier avec les programmes « Spéciale indépendance 2007 et 2008 ». Leur budget global de 30 milliards de FCFA a été ponctionné de 22 648 166 789 FCFA.
S’agissant du programme « Spécial Diourbel 2007 », seul le choix des entreprises et les études sont effectifs, car la non-disponibilité des fonds prévus (près de 4 milliards) empêche le démarrage de la première phase des travaux de la voirie, de l’éclairage publique, des bâtiments et équipements publics (construction du théâtre de verdure) etc. Itou pour la deuxième phase qui concerne la réalisation de bâtiments publics (centre de documentation, galerie commercial, marché de quartier etc.) dont le milliard et 20 millions de financement n’est pas pour le moment disponible. A la date du 31 décembre 2008, 2 351 833 211 FCFA ont été engagés sur un montant alloué de 15 milliards.
Pour Kaffrine et Louga (2008), les projets relatifs à ces programmes « Spéciale indépendance » sont à l’étude. Le Budget consolidé d’investissement du ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Hydraulique urbaine, de l’Hygiène publique et de l’assainissement avait pourtant inscrit pour le compte du Pcrpe un crédit de 15 milliards de FCFA pour le programme indépendance 2008. Toutefois, « un revirement du MEF » a privé le Pcrpe de moyens d’intervention. Raison pour laquelle, sur les 15 milliards de crédits alloués, 10 milliards ont été bloqués et 3 500 000 000 seulement ont été émis.
Les raisons de ces retards dans l’achèvement des travaux ou leur démarrage sont associées à la baisse des prévisions de trésorerie qui ont été ramenés entre janvier et décembre 2008 de 46 464 000 000 à 12 858 833 211 FCFA dont seulement 10 507 000 000 effectivement reçus.
En plus de ce gap, le MEF reste devoir au PCRPE le remboursement des sommes dues aux pertes de change du fonds taïwanais et aux dépenses de réhabilitation du palais de la République qui devaient être réalisés par le MEF. Le tout pour un montant de 12 440 555 116 FCFA (5 586 648 752 pour la réhabilitation de la présidence de la République et 6 853 906 364 de perte de change). Au total, un reliquat de 10 640 55 116 reste être dû au Pcrpe en dépit des promesses de régularisation du MEF.
SPECIALES INDEPENDANCES, DES PROGRAMMES CONDAMNES A L’INACCOMPLI
L’année 2009 n’a pas été plus faste en réalisations comme en 2008. Les ponctions sur le BCI cumulées à 26 955 166 000 FCFA ont compromis la finalisation correcte des projets concernés. Ainsi le projet indépendance 2007 passe de 15 milliards à 4 351 834 000 FCFA. Idem pour le programme indépendance 2008, qui a été divisé par trois, passant ainsi de 15 milliards à 5 milliards. Le projet indépendance Thiès 2004 de la moitié et le projet ouvrages et infrastructures de banlieue a été amputé de moitié, ils sont passés respectivement à 1 milliard 500 contre un montant initial de 3 milliards et 500 000 000 contre 1milliard.
Concernant le programme les Maisons de l’outil, 7 maisons sont à l’arrêt pour déficit de financement, dans la région de Kolda. Idem pour les centres polyvalents de formation des producteurs (Cpfp). A cause des ponctions importantes effectuées sur les crédits, deux (à Samba Dia (683 660 457) et Sédhiou (195 827 978) sont carrément à l’arrêt tandis que ceux de Ranérou, Bakel, Dagana ne sont réalisés qu’à hauteur de 65 à 75%.
Dans la ville de Kaolack, les travaux entamés par la société Sattar pour la réalisation d’un boulevard urbain, d’une gare ferroviaire, d’aménagement paysager et d’équipement audiovisuel, pour un montant de 6 617 447 531 TTC, sont à l’arrêt. Le retard observé dans les travaux du projet Cœur de ville de Kaolack est imputable à la ponction de 4 milliards sur le crédit initial et aux « carence de l’entreprise chargée de la réalisation du Centre départemental d’entraide et d’assistance aux femmes (Cedaf) ».
S’agissant de ces Cedaf, cinq parmi les douze entamés sont pour le moment inachevés à cause de difficultés de l’entreprise pour celui de Thiès et les défaillances ayant entrainé la résiliation du contrat pour celui de Dakar, La Cité des enseignants du supérieur ne connaît pas un meilleur sort. Les 140 logements prévus dans le cadre de ce projet sont à l’arrêt depuis cinq ans pour insuffisance de crédits et de la procédure de résiliation du marché attribué à Atepa enclenchée par le Pcrpe.
L’une des conséquences de la rupture des relations diplomatiques entre le Sénégal et la République de Chine Taïwan est la conséquence de l’arrêt des travaux de l’Université du futur africain. Avec le départ des Chinois, aucun financement n’est disponible pour son achèvement. Rien de surprenant donc à ce que le chef de l’Etat, au cours du dernier sommet de l’Union africaine, ait vendu le projet en sollicitant le financement par l’Union africaine. Pour le marché central de Touba, d’un montant de 10 227 000 000, dont la réalisation est confiée à l’entreprise GECOM, le foirail, le marché aux poissons et les ouvrages annexes attendent toujours leur réalisation.
Se pose par ailleurs le problème des crédits destinés à l’arène nationale et au siège de la Bid, logés dans les ministères concernés. Les montants d’un milliard destinés à chaque projet ne sont pas disponibles parce que transférés.
UN GOUFFRE DE 1800 MILLIARDS
Selon des sources dignes de foi, ces manquements dans la réalisation des ouvrages ne sont que la partie visible de l’iceberg car le crime économique a eu toute la latitude de prendre ses aises au Pcrpe. En effet, ces mêmes sources révèlent que, entre 2003 et 2008 plus de 1800 milliards FCFA ont été engloutis dans les chantiers conduits par le Pcrpe. Seulement, les constats font douter de l’investissement effectif de ces sommes dans les chantiers ciblés.
Sa réputation de gouffre à milliards, le Pcrpe ne l’usurpe pas. Ainsi, un peu plus de 6 milliards de FCFA ont été mobilisés pour la construction de bassin de rétention. Par ailleurs, plus de 15 milliards ont été consacrés à la réalisation des Maisons à outils dont 7 sont à l’arrêt rien que dans la région de Kolda. En outre, nos sources renseignent que la campagne de communication du président qui a coûté deux milliards de FCFA a été financée à partir du Fonds taïwanais. Nos sources de se demander la destination de la somme virée deux jours avant la rupture des relations diplomatiques entre le Sénégal et le Taïwan. Ce montant n’aurait laissé aucune trace comptable selon certains responsables du Pcrpe.
Au plan social, un préavis a été servi depuis le 29 janvier 2010 à la soixantaine d’agents de l’ex Pcrpe en vue d’engager la procédure de rupture de leur contrat par la commission de liquidation de l’agence mise en place le 29 décembre 2009. Selon le préavis, un futur organisme sera chargé du parachèvement des projets du Pcrpe. Cette future structure sera confiée à en croire nos sources au fils du chef de l’Etat, non moins ministre d’Etat, ministre chargé de l’aménagement du territoire, entre autres.
Le sort en est jeté pour le Pcrpe !
L’Agence du Programme de construction d’immeubles administratifs et de réhabilitation du patrimoine bâti de l’Etat (Pcrpe) créée en 1996 a été dissoute par décret n°2009-1253 du 11 novembre 2009. A cet effet, le président de la Commission de liquidation M. Adama Mboup a servi un préavis de rupture de contrat daté du 21 janvier 2010 aux employés de l’ex-Agence du Pcrpe, afin d’engager la procédure de rupture de contrat. S’adressant aux employés de l’ex-Agence, M. Mboup les informe en ces termes « Vous ne manquerez pas en raison de la cessation des activités de l’Agence évoqué ci-dessus, et du fait de l’enclenchement de la procédure de dévolution de ses biens dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur, en la matière, de restituer auprès du bureau d’accueil au siège de l’Agence dans les soixante douze heures qui suivent la réception de la présente, tout matériel ou moyen mis à votre disposition, pour l’exercice de vos fonctions, par ladite institution ». Il ajoute : « Le futur organisme, chargé du parachèvement des projets Pcrpe, en cours, jugera de l’opportunité ou non de substituer à votre ancien employeur, pour la signature d’un autre contrat de travail. En l’absence de cette substitution, le liquidateur des biens du Pcrpe, une fois des ressources disponibles ou les actifs réalisés, veillera, après leur décompte au paiement de vos arriérés éventuels de salaires et autres droits légaux » A ce jour, les Sénégalais ignoraient même que le Pcrpe a été dissout alors que le décret qui a mis fin à ses activités date du 11 novembre 2009. Le 29 décembre dernier, le ministre de l’économie et des finances a sorti un arrêté portant création et fixant la composition de la commission de liquidation du Pcrpe avec Adama Mboup à sa tête.
Les difficultés du Pcrpe ont commencé avec l’arrêt des relations diplomatiques entre le Sénégal et Taïwan en 2005 note le dernier rapport d’activités de l’agence. En effet, avant la rupture diplomatique, les ressources du Pcrpe ont été constituées principalement par les fonds provenant de la coopération taïwanaise. Pendant les 4 dernières années, les ressources du Pcrpe proviennent du budget consolidé d’investissement (Bci) avec l’arbitrage du Ministère de l’économie et des finances. Ces arbitrages se déclinent souvent sous forme de ponctions et restrictions sur le budget d’investissement du Pcrpe en raison de la conjoncture difficile. L’année 2008 reste de loin l’année où le budget du Pcrpe a été le plus réduit du fait des ponctions. Le rapport renseigne dans ce sens que « l’année 2008 pourra être retenue comme la plus sombre de son histoire. En effet, l’Agence a vu l’essentiel de ses crédits faire l’objet de ponctions et parfois de suppression totale ».
Mamby DIOUF et Aliou NIANE
lagazette.sn