Djibo Ka, Monsieur transhumance

Djibo Ka et la transhumance: trajectoire d’un orfèvre en la matière

Il fait partie des hommes qui ont marqué l’histoire politique du Sénégal pendant ces quarante (40) dernières années. Djibo Leyti Ka a servi les trois premiers présidents de la République du Sénégal. Et après s’être lié à tous les anciens locataires du Palais de Roume, le voilà qui dépose son ballot chez Macky, comme l’avait prédit Dakarmatin.com il y a six mois. Encore une fois, le secrétaire général de l’Union du Renouveau Démocratique (URD) n’a pas pu résister à la tentation du pouvoir. Par décret n°2015-1970 en date du 21 décembre 2015, le Président de la République l’a nommé à la tête d’un organe consultatif dénommé Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT).

Il est l’un des rares hommes politiques qui ont flirté avec tous les régimes. Il se caractérise également par sa faculté à fermer une page pour en ouvrir une autre, sans état d’âme. Dernier directeur de Cabinet du président Senghor, Djibo Ka a participé, avec l’arrivée de Diouf, à la désenghorisation. Il sera ainsi utilisé comme arme par Jean Collin pour fusiller Senghor, mais surtout chasser Moustapha Niasse, alors ministre des Affaires étrangères du président Abdou Diouf. D’ailleurs, dans ses « Mémoires », le président Diouf, révélant les confessions que lui a faites son ancien chef de la diplomatie, mentionne que le coup de poing de Niasse à Djibo Ka est le résultat d’un complot entre ce dernier et Jean Collin.

Toutefois, Djibo Ka a aussi gagné des galons sous le magistère de Diouf car ayant occupé plusieurs postes stratégiques pendant 14 ans. Ce qui expliquait d’ailleurs sa ferme croyance à pouvoir remplacer le président Abdou Diouf. Mais vaine espérance puisqu’ il quittera le Parti Socialiste (PS) lors du congrès sans débat de 1996 au profit d’un certain Ousmane Tanor Dieng qui bénéficiait du soutien du président d’alors. Les dirigeants du courant du Renouveau, mouvance contestataire au sein du Parti socialiste (au pouvoir), démissionneront du PS et décideront ainsi de présenter une liste indépendante aux législatives de 1998, avec Djibo comme chef de file. Il sortira tout de même victorieux de ces élections avec un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale.

Il importe par ailleurs de souligner que la volte-face la plus frappante de l’histoire politique du Sénégal en matière d’alliance lors d’élections est l’œuvre du patron de l’URD. En 2000, alors que Diouf disputait âprement le second tour de la présidentielle avec son plus grand rival Wade, Djibo Ka, interviewé devant les grilles du palais indiquait avoir dit ceci au président sortant : « Le meilleur service que tu peux rendre aux sénégalais c’est de partir ». Mais, à la surprise générale, il soutenait Diouf et essuyait naturellement la défaite avec lui, au grand bonheur d’un Wade qui accédait à la magistrature suprême après 26 ans de disette. Choix très polémique qui sera à l’origine de l’éclatement de l’URD. Porte-parole du Cadre Permanent de Concertation de l’opposition (CPC) lors des premiers jours de règne de Wade, Djibo lâchera plus tard l’opposition pour rejoindre son ancien adversaire au pouvoir. Et cela, après que le successeur de Diouf lui a fait un clin d’œil auquel il n’a pas pu résister. « Mieux vaut être avec lui qu’être sans lui puisque c’est un voyou », disait ainsi Wade à propos de l’homme qui s’apprêtait à intégrer le régime libéral.

Il faut rappeler qu’en bon politicien, Djibo sait donner des coups comme il sait faire des caresses. Pour gagner la confiance de Wade, il n’hésitera pas à égratigner son ancien mentor Abdou Diouf. « Si Me Wade avait succédé à Senghor, le Sénégal serait plus développé », disait-il, alors ministre d’Etat de Wade. Même si sa réponse à la main tendue de Macky Sall semblait timide au début, les observateurs avertis de la scène politique sénégalaise avaient préparé l’opinion à s’attendre à ce que l’homme au parcours politique mouvementé batte un nouveau record en déposant ses baluchons dans le Macky.

M.S.N  dakarmatin.com