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Djilobodji, le guerrier, jeune disciple du maître Mourinho

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Un physique de déménageur breton, une agressivité débordante, mais une volonté de fer et un cœur en or. Ça, c’est Papy Djilobodji, surprise du dernier jour de mercato et désormais jeune disciple du maître Mourinho. Portrait.
«
Allô ? Oui, devine quoi ? C’est trop bon, c’est trop bien… Je vais passer ma visite médicale à Chelsea ! » M. Gerard est l’un des proches de Papy Djilobodji. Il l’a hébergé à Moissy, en Seine-et-Marne, durant une année, juste après son arrivée du Sénégal. Et quand son ancien hôte reçoit ce coup de fil, il est partagé : « J’étais content et surpris à la fois. » Quand on y pense, c’est plutôt logique. Dernier jour du mercato, on parlait de John Stones, Marquinhos, et puis les Blues se rabattent finalement sur Papy Djilobodji. Il y a de quoi être étonné. Vincent Sasso, son ancien coéquipier à Nantes, ne peut pas cacher sa surprise quand il reçoit la notification sur son portable : « On parlait du Celta Vigo, de la Turquie et tu passes de ça… à Chelsea ! C’est gros quand même. » Et si tout son entourage a plus ou moins été pris de court, avec du recul, ils reconnaissent tous que la persévérance du Papy a fini par payer. Le grand central a réussi à équilibrer la force et à obtenir ce qu’il voulait.
Basket, colocation et surplus d’énergie

1er juillet 2009, aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Papy met les pieds pour la première fois en France. Après des tests en Moldavie, où il faisait « trop froid pour lui » selon M. Gerard, ce jeune Sénégalais, ce fils de basketteur au physique de pivot, préfère tenter sa chance dans le foot. Il quitte sa famille et son Kaolack natal, « une petite ville reculée par rapport à Dakar », à son grand regret. Mais il est persuadé que son sacrifice paiera un jour ou l’autre. Il débarque donc à l’US Sénart Moissy, un petit club en CFA qui galère à lui trouver un logement. C’est là qu’intervient M. Gerard : « J’avais de la place dans ma maison, donc je lui ai dit de venir. Et puis comme ça s’est bien passé, je lui ai dit de rester chez moi. » Colocataires d’abord et puis amis finalement. « On s’appelle encore aujourd’hui. On discute, il m’invite chez lui, on se fait des bouffes. Il est très bon cuistot. Il me fait souvent du thiéboudiène, un plat de chez lui. »

M. Gerard, qui est aussi l’entraîneur des gardiens du club, suit les progrès de Papy avec attention. Mais il n’est pas le seul. Matthieu Bideau, recruteur au FC Nantes, a également un œil sur lui : « On l’avait repéré grâce à Philippe Casagrande qui bossait sur Paris. Ou plutôt grâce à son fils, qui jouait à Moissy. Il lui a dit dès le premier entraînement : « Papa, viens, on vient de recruter un monstre en défense. » C’est parti de là. » Et désormais, Matthieu ne le lâche plus d’une semelle : « On est allés le voir jouer plusieurs fois. Et il était très fort, ouais, un peu brut de décoffrage peut-être. Sur les six mois d’observation, il avait quand même pris trois ou quatre rouges, toujours pour un trop-plein d’engagement. Il était impassable, mais pas toujours dans les règles de l’art. » Le jeune Padawan doit encore maîtriser ses émotions et canaliser son énergie.
Disneyland, lutte sénégalaise et yoga

La preuve le premier jour de l’année 2010. M. Gerard décide d’emmener Papy à Disneyland : « C’était la première fois qu’il y allait. Il était comme un enfant, il n’était pas très rassuré, il a fait toutes les attractions, mais la plupart du temps, il fermait les yeux. » Et puis finalement, après sa première saison à Moissy, Matthieu Bideau fait abstraction des défauts de Papy et saute le pas : « Le match déterminant, ça a été en Coupe de France contre Sedan. Une belle équipe de Ligue 2 à l’époque, ça jouait bien. Et il avait fait un très bon match. Dijon avait aussi fait une offre à ce moment-là, mais il a choisi Nantes. Le club était au fin fond du trou. Mais Papy avait au moins le niveau des bons défenseurs de Ligue 2. » À 21 ans, Papy entame donc enfin sa formation de Jedi.

Car à ce moment-là, malgré une politesse et une gentillesse à toute épreuve, il a quelques défauts difficilement compatibles avec le foot. Pour commencer, sa technique un peu rudimentaire. Valentin Rongier, alors chez les jeunes à Nantes, désormais ancien coéquipier de Papy : « Je me souviens de lui quand il est arrivé à Nantes. Moi, j’étais tout jeune et on voyait qu’il avait pas mal de lacunes techniques balle au pied. On était pas mal à dire qu’il fallait qu’il progresse techniquement. Et il a bien réussi, il a bossé comme un malade, toujours souriant. » Ensuite, son agressivité. Jimmy Acheron, un de ses anciens coéquipiers à Moissy : « En même temps, c’est un grand fan de lutte sénégalaise. Il regarde ça tout le temps avec son oncle. » Mais selon Matthieu Bideau, il fait tout pour se soigner : « Il s’est mis au yoga quand il a changé d’agent, Bouna N’Diaye. Il a l’habitude de bosser avec des joueurs de NBA. Et comme tout agent rompu à la NBA, il s’occupe du joueur dans sa globalité, en matière de bien-être, tout ça. Ça se fait souvent comme ça aux États-Unis. » Et donc, tous les jeudis, Papy apprend à se relaxer avec une coach particulière. Ça met du temps, mais petit à petit, il arrive à moins se faire remarquer par l’arbitre.
« Je rêve de gagner la Ligue des champions »

Le plus dur est fait. Reste maintenant à gommer une troisième et dernière petite chose : sa ponctualité parfois relative. Chez les Canaris, Valentin Rongier se souvient des arrivées sur le fil de Papy : « C’est un très grand professionnel, un bosseur, c’était un leader du groupe à Nantes, mais il avait aussi parfois tendance à « jouer » avec l’heure, en arrivant parfois avec une ou deux minutes en retard, rien de bien méchant » Chose qu’on a pu constater sur ce mercato. Les négociations avec son président traînent. M. Gerard tente d’expliquer ces tensions qui s’étalent sur des semaines : « L’année dernière, il a été contacté par plusieurs clubs, Nantes étant en interdiction de recrutement, ils lui donc ont demandé de faire un effort et de rester. Il a accepté, et du coup, ils lui ont dit que pour sa dernière année de contrat, il aurait un bon de sortie. Mais, cet été, le président a changé d’avis. »

D’ailleurs, au Sénégal, sa famille et ses amis sont dans l’incompréhension qu’il boycotte l’entraînement, qu’il fasse la grève. Ils ne reconnaissent plus leur garçon. Car au lieu d’alimenter la polémique, Papy, désormais maître Yoga, patiente. Attend son moment. Valentin Rongier : « On lui demandait souvent : « Alors tu pars quand ? » Et lui répondait tout le temps : « Ne vous inquiétez pas, s’il faut attendre le dernier jour du mercato, j’attendrai… » » Un peu comme quand il disait en octobre dernier sur le plateau du Canal Football Club : « Je rêve de jouer dans un grand club et de gagner la Ligue des champions. » Rigolé, les gens ont. Mais atteint son objectif, il a.

Suivre UGO BOCCHI sur TwitterPar Ugo Bocchi, avec RB
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