La question a été évoquée dans le journal « Libération n°4040 du mercredi 27/07/2016 » et je voudrais, en apportant ma contribution, rendre d’abord un vibrant hommage au défunt président-poète Léopold Sédar Senghor pour sa vision politique de ce que devait être et demeurer la formation des ressources humaines en vue de la prise en charge du développement de notre pays.
Le président Senghor savait que le Sénégal ne pouvait se développer qu’avec une jeunesse saine, formée dans les valeurs de l’ordre et de la discipline.
Le président Senghor savait que notre jeune État, pour assurer les bases de son développement, devait s’adosser à une administration dont les ressources humaines sont bien formées, parce qu’ayant bénéficié d’enseignements pertinents sur les questions d’organisation et de méthode.
Je voudrais prendre le prétexte de ce témoignage du Professeur Aliou Diack pour regretter la décision du gouvernement de l’époque de n’avoir pas fait preuve de fermeté face aux jeunes élèves ingénieurs que nous étions entre 1981 et 1986, années décisives au cours desquelles l’école polytechnique a connu des perturbations dues à des grèves dont les motifs, quand j’y pense aujourd’hui, trente ans après, me mettent mal à l’aise. Car, je me sens en partie responsable, comme une bonne partie des élèves ingénieurs de l’école durant cette période, devenus fonctionnaires locaux, ou internationaux, et décideurs dans le secteur privé national.
La diversité de nos origines sociales cache difficilement la capacité de nos familles à prendre en charge des études d’ingénieur de qualité équivalente à celle des formations dispensées dans les pays du Nord.
Pourquoi un gouvernement céderait-il alors face à des jeunes élèves qui sont loin de comprendre les enjeux ayant déterminé l’État du Sénégal à créer une école d’ingénieur avec un statut militaire ?
Les élèves ingénieurs que nous étions étaient dans les meilleures conditions qu’un étudiant pouvait espérer. Les diplômés de l’Ecole polytechnique de Thiès, dont plus de 95% sortaient avec un statut d’officier de réserve, font partie des meilleurs ingénieurs, aussi bien dans l’administration que dans le privé au Sénégal et en Afrique.
Pourquoi en est-on arrivé à changer le statut militaire d’une école d’élites, et à rattacher l’Ecole polytechnique à l’université CAD ?
L’Acdi et la coopération canadienne venaient de réussir la phase 1 du projet de l’École polytechnique de Thiès et envisageaient le démarrage de la phase 2 avec la reconstruction du complexe pédagogique et du renouvellement des laboratoires.
La décision du président Senghor de doter le Sénégal d’une nouvelle école d’ingénieurs de conception d’où sortaient les meilleurs ingénieurs de profil nord-américain à côté d’un institut universitaire de technologie d’où sortaient les meilleurs techniciens et ingénieurs technologues du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest francophone était gage des ressources d’un Sénégal émergent.
Nous pensons qu’il y a une corrélation forte entre l’état de l’ordre et de la discipline dans un pays avec son taux de croissance et le niveau de développement de son économie. Toutes choses étant égales par ailleurs, il est possible de montrer par des exemples, que plus la population d’un pays est disciplinée, plus il y a de l’ordre dans un pays, plus ce pays accède plus rapidement aux indices de croissance et de développement humain.
Les ingénieurs polytechniciens de Thiès, Aly Ngouille Ndiaye et Abdoulaye Sène, s’ils ont fait l’apologie de la remilitarisation de l’Ept, n’ont fait qu’exprimer un sentiment aujourd’hui largement partagé par notre corporation d’école.
Au-delà de l’aspect formation académique de l’ingénieur, il y a la formation de l’homme, aux réflexes d’ordre et de discipline qui, à mon sens, constituent les facteurs les plus déterminants de l’impulsion du développement de notre pays.
Notre Professeur de Chimie Physique, M. Ndiaye « Enthalpie » à l’École polytechnique de Thiès, aimait dire, à chaque début de cours que : « L’ordre est indispensable pour réussir »
Nous sommes convaincus que l’ordre et la discipline sont les pré-requis de tout État qui ambitionne de bâtir une Nation émergente. Alors nous devons, forts de ce constat, remettre en place ce creuset qu’est une école polytechnique militaire comme elle a été créée par le président Senghor.
Au-delà de la question du retour de l’École polytechnique sous l’autorité du ministère des Forces armées et, donc, du commandement militaire, nous invitons nos amis et frères professeurs d’université, l’ensemble des personnels du commandement, les officiers supérieurs et stratèges militaires, à accepter d’échanger sur le constat du niveau de l’ordre et de la discipline cette fois-ci, en dehors du segment des forces militaires et paramilitaires dans notre pays et suggérer des recommandations pour l’amélioration de l’ordre et de la discipline au niveau de la jeunesse et que la démocratie ne puisse plus justifier un laissez-faire et donc un désordre qui, à coup sûr, fera partie des facteurs principaux qui vont retarder l’émergence du Sénégal.
L’École militaire préparatoire Charles N’Tchoréré qui s’est distinguée cette année par 100% d’admis au Bfem, 98% au Bac et 32 mentions pour 70 admis est une école de référence et ses anciens élèves sont devenus aujourd’hui, au Sénégal et en Afrique, aussi bien dans l’armée que dans les administrations, une bonne représentation des piliers du pays. Il en est de même des ingénieurs diplômés de l’ancienne École polytechnique de Thiès dont nous recommandons la renaissance.
Par Babacar DIEYE
9ème Promotion de l’EPT- 1981
Email : [email protected]