La qualité de l’offre éducative, voilà une problématique qui constitue la pierre angulaire du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (Paquet), du curriculum de l’éducation de base et des directives des Assises nationales. Pourtant, cette question constitue un casse-tête chinois pour les acteurs du système éducatif au regard des mauvais résultats du Cfee, Bfem et Bac enregistrés ces dernières années. Quelles sont les causes de cette tendance baissière de la qualité du système éducatif ? Que faut-il faire pour redorer le blason du système éducatif qui naguère était l’un des plus performants de la sous-région? Inspecteurs d’académie, syndicats d’enseignants, parents d’élèves et expert situent les responsabilités en se renvoyant la balle et livrent la clé d’une réussite des enseignements-apprentissages.
Peut-on atteindre la qualité dans les enseignements-apprentissages ? La réponse à cette question constitue un exercice périlleux pour les différentes catégories d’acteurs du système éducatif. Dans tous les cas, il est clair pour les inspecteurs d’académie qu’il est nécessaire, entre autres, de booster le quantum horaire à tous les niveaux, résorber la question des abris provisoires et promouvoir la stratégie de «remédiation » pédagogique des professeurs pour atteindre la qualité de l’offre éducative.
MADA BA, IA DE KAFFRINE : « Nous avons eu 54 écoles capotées en Cfee mais… »
Il y’a eu cette année de grands bruits autour des résultats des évaluations nationales au moment. Nous sommes en train de suivre les tendances de ces résultats. C’est dans ce sens que nous avons publiés la liste des 54 écoles capotées. Cela ne nous a pas empêché de faire un bond de 6.31 cette année. J’ai tenu une réunion récemment pour rencontrer l’ensemble des acteurs pour discuter et évaluer la situation et mettre en place un dispositif d’accompagnement des enseignants. Pour le Bfem, nous sommes 2ème sur le plan national. Il suffit de mettre encore un peu de sérieux pour être à la tête du peloton. C’est le cas pour le Bac où nous avons réalisé un bond de 3 points. Nous allons tenir des séances de galvanisation envers les candidats pour qu’ils puissent redoubler d’efforts.
NGARY FAYE, ACADEMIE DE DAKAR : « Il ne peut y avoir de qualité sans remédiation »
C’est un point central qui traverse tout le système. C’est la raison d’être d’une école de la réussite. Tous nos élèves ont la possibilité de réussir. Chaque élève a des potentialités pour réussir. Il y’a beaucoup de conditions pour une éducation de qualité. Ce n’est pas seulement l’enseignant qui est mis en cause. C’est l’environnement de l’enseignant qui doit être convoqué. La qualité est un défi. Elle ne se décrète pas. Elle ne doit pas être ponctuelle. Nous avons une évolution des performances en dents de scie. La qualité suppose une progression ascendante et continue. Maintenant, il est question d’identifier les leviers sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour atteindre cet objectif et prendre des engagements avec les enseignants pour réussir le pari. Quand les gens progressent au même rythme, les élèves qui ont des difficultés peuvent être identifiés à temps. Il sera possible de mettre un dispositif de remédiation pour permettre aux élèves qui ont des difficultés de se rattraper et être compétitifs à terme. Tous les systèmes éducatifs qui performent s’inscrivent dans la remédiation. Il ne peut y avoir de qualité sans remédiation. Mais l’effectif pléthorique est le premier obstacle à la qualité. On rencontre ce problème au niveau de la circonscription académique de Dakar qui est une zone de concentration. Elle concentre plus d’un quart de l’effectif de ce pays. On rencontre des effectifs de plus de 100 élèves par classe. Quel que soit l’engagement, la volonté du professeur, je ne pense pas qu’il puisse être assez performant.
ISMAILA DIOUF, IA DE Ziguinchor : « Le quantum horaire est entamé par l’existence des abris provisoires »
La qualité est un axe pris en compte dans les Contrats de performance des IEF avec l’IA. Des formations des enseignants de l’élémentaire et du moyen ont été déroulées. Il y’a eu des formations en lecture et mathématiques pour améliorer le niveau des élèves dans ces deux disciplines fondamentales. Cela a permis de relever le taux de réussite au niveau du Cfee. On est passé de 40 à 54%. Des enseignants qui n’ont pas eu la formation diplomante, ont été formés. Le quantum horaire est entamé par l’existence des abris provisoires. Ce n’est pas motivant. Les classes sont construites pour remplacer les abris. Avec le Paqueeb, nous avons en chantier un projet de construction de 6 écoles.
SEYDOU SY, IA DE MATAM : « Un accompagnement pour une bonne appropriation de la réforme curriculaire »
Nous sommes dans le cadre d’un contrat de performance. J’ai appelé à une synergie d’actions pour une qualité des enseignements-apprentissages. Au-delà des fournitures scolaires, il doit y avoir un accompagnement, des cellules pour permettre une bonne appropriation de la réforme curriculaire. Les professeurs de Philosophie sont une denrée rare. Tous les enseignements de cette discipline ont été dispensés grâce à la fibre patriotique des professeurs concernés avec des horaires complémentaires. Le ministère a fait un effort en matière de dotation des ressources numériques.
GANASENE, IA de Diourbel : » Promouvoir le dialogue social pour l’amélioration de la qualité » »
Nous avons pris plusieurs dispositifs avec des axes que nous comptons mettre en œuvre pour cette année. Le premier élément est la généralisation des Contrats de performance. L’année dernière, le principe de contractualisation n’avait pas touché tous les acteurs. Cette année, nous allons contractualiser avec tous les niveaux du système. Le deuxième point pour l’amélioration de la qualité, c’est la promotion du dialogue social. Le comité mis en place va œuvrer dans la pacification de l’espace scolaire. La dotation en manuels est le troisième élément. Elle est très faible, mais pour les élèves de la première étape, des livraisons sont en train d’être faites pour les élèves de CE1 et CE2. Nous allons dans le courant du mois d’octobre livrer 28 écoles construites et équipées. Presque 84 salles de classes seront livrées pour améliorer l’environnement des apprentissages. Nous nous approchons à former les professeurs dans le cadre de l’opération de la remédiation pédagogique. Il s’agit de voir comment prendre en charge les élèves en difficultés. Près de 700 professeurs seront formés dans les jours qui suivent. Sans compter les cours de soutien que nous comptons renforcer cette année en mettant à contribution des comités de gestion.
PAPA BABA DIASSE, IA DE RUFISQUE : « Nous envisageons de former tous les professeurs de maths et de sciences à l’utilisation des guides »
Dans le cadre de l’amélioration de la qualité, des enseignements apprentissages à tous les niveaux, les activités et mesures sont envisagés. A titre d’exemple, dans le préscolaire/élémentaire, nous avons fait le classement de toutes les écoles et établissements selon leurs résultats aux examens du privé comme du public pour assurer un suivi différencié. Cette année encore comme l’année dernière l’accent sera mis sur la lecture et les mathématiques, la distribution des manuels de la deuxième étape dans le cadre du curriculum et le suivi de la mise œuvre du curriculum et formation des enseignants en évaluation certificative. Nous envisageons en relation avec la DEMSG de former tous les professeurs de maths et de sciences dès la semaine prochaine à l’utilisation des guides en maths et en sciences déjà disponibles dans les établissements. La problématique de la relation entre la qualité et la gestion des grands groupes se pose. A ce niveau je rappelle que la majorité des enseignants ont été dans le cadre de la formation initiale ou continuée formés à la pédagogie des grands groupes. Je ne pense pas que cela puisse constituer un obstacle à la qualité dans la mesure où il y a des stratégies qui permettent de les prendre en charge : travail de groupes, travail à deux, accompagnement par les pairs, les groupes de besoins, etc. Vous savez l’enseignant est le premier intrant de qualité, s’il est bien formé et armé d’une bonne conscience professionnelle, il peut faire des merveilles avec ses élèves.
CHEIKH DIONE, IA DE SEDHIOU : « Un important programme de résorption des abris provisoires au niveau de Sédhiou »
Tout ce que nous faisons tourne autour de la prestation de service de qualité dans nos établissements. Mais la gestion de la qualité est un processus qui mérite un dispositif où l’enseignement scolaire occupe une place importante. Dans ce cas, il y’a un important programme de résorption des abris provisoires au niveau de Sedhiou avec le BCI. Le programme d’appui à l’éducation de base en Casamance où la construction de 13 collèges et de 5 écoles élémentaires clef à main est attendue. Du point de vue des infrastructures, nous sommes en train de mettre aux normes les infrastructures pour accueillir la qualité. Nous avons un programme de renforcement des capacités des enseignants. 1000 enseignants seront renforcés pour mieux utiliser le Curriculum de l’éducation de base. Nous allons aussi former les professeurs en charge l’enseignement des disciplines scientifiques. Nous allons mettre des stratégies qui vont dans le sens des progressions harmonisées pour permettre aux enseignants d’enseigner les mêmes contenus et d’évaluer de manière standardisée.
KHADIDIATOU DIALLO, IA DE THIÈS : « Rendre plus fonctionnelles les observatoires du quantum horaire à tous les niveaux »
Il s’agira tout d’abord de renforcer l’encadrement et le contrôle pédagogiques en systématisant les visites de classes, d’écoles et de cellules d’animation pédagogique. Le temps d’apprentissage étant un important intrant de la qualité, il s’agira de booster le quantum horaire par ces canaux essentiellement avec la mise en place du dispositif du dialogue social à tous les niveaux ; école, IEF, district, IA. Ce dispositif est déjà mis en place au niveau régional et a pour mission essentielle de travailler à la pacification et à la stabilité de l’espace scolaire. Il s’inscrit dans une démarche de résolution de problèmes et de prévention des conflits. Il faut aussi rendre plus fonctionnels les observatoires du quantum horaire à tous les niveaux pour éviter les déperditions de crédit horaire et maximaliser le temps d’apprentissage. En ce qui concerne la qualification des enseignants, des efforts importants sont faits pour réaliser le maximum d’évaluations certificatives des enseignants. Aussi, la formation continue notamment dans les cellules pédagogiques participe au relèvement du niveau des enseignants. Par ailleurs, l’importante dotation des collèges en guides (sciences physiques, maths et SVT) et la formation des enseignants à l’utilisation de ces guides sont des intrants qui participent au relèvement du niveau de qualification des enseignants. Des efforts importants sont consentis à Thiès pour la construction et l’équipement de salles de classes : plus de 8 milliards entre 2012 et 2015. La même dynamique va se poursuivre en 2016 et 2017. A terme, ces programmes impacteront positivement la taille des groupes pédagogiques.
REACTION… REACTIONS… REACTIONS
MAMADOU LAMINE DIANTE, GCSE : «Je crois que l’horizon du Paquet est assez lointain»
«Le Paquet, c’est un objectif à atteindre et je crois que son horizon est assez lointain, parce qu’il y a des préalables qu’il faut régler pour espérer une qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. Nous avons constaté que tous ces préalables ne sont pas encore en place. Il s’agit particulièrement de la formation des enseignants. On sait que beaucoup d’enseignants qui sont dans l’élémentaire où le moyen-secondaire sont en attente de formation, qu’elle soit initiale ou continue. Aujourd’hui, le constat est que la formation diplômant n’existe plus à cause de la disparition des écoles de formations, l’animation pédagogique ne se fait pas comme elle se doit. Forcément, cela joue sur la qualité de l’enseignement. Il y a aussi la relation enseignant et apprenant qui est loin des standards nationaux à cause de l’effectif, le personnel encadreur, à savoir les inspecteurs qui sont très réduits, ainsi que le manque de logistiques. Au niveau des écoles, il y a le matériel pédagogique qui fait défaut. C’est tout un préalable qu’il faut régler pour ainsi parler de qualité de l’enseignement.»
ABDOU FATY, GCSE : «L’environnement n’est pas souvent propice à la mise place du Paquet»
«La qualité de l’enseignement et de l’apprentissage se posent avec acuité maintenant (…). L’environnement n’est pas souvent propice à la mise en place du programme. Ce sont des écoles où le manuel scolaire se fait rare, ce sont des écoles où les effectifs sont pléthoriques. Il y a aussi la réforme appelée Curriculum de l’éducation de base qui pose problème. Là, on a mis les charrues avant les bœufs. Or, les enseignants qui doivent porter cette réforme, la plupart d’entre eux, ne sont pas formés et enseignent en dehors du curriculum. Cela veut dire qu’ils enseignent avec l’autre méthode. Les inspecteurs qui doivent faire le contrôle, n’ont pas les moyens, la logistique, le carburant pour faire le contrôle dans les coins les plus reculés. Pour arriver, aujourd’hui, à un enseignement de qualité, l’Etat doit faire des efforts allant dans le sens d’éradiquer les abris provisoires, améliorer l’environnement des écoles en les dotant de matériels scolaire, mais aussi former le personnel enseignant et donner les moyens aux inspecteurs pour le contrôle.»
BACARY BADIANE, PRESIDENT DE LA FENAPES : «Du Ci au Lycée, les élèves sont accompagnés de personnel non qualifié»
«Depuis un certain temps, nous avons constaté que la plupart du personnel chargé de la formation de nos enfants n’a reçu aucune formation. Je pense que c’est depuis 1995 qu’on a commencé à recruter les volontaires de l’éducation nationale. Dans les collèges et lycées, ce sont des vacataires qui ont en charge la formation de nos enfants. Et on se rend compte que, du Ci (Cours d’initiation) au Lycée, les élèves sont accompagnés de personnel non qualifié. Aujourd’hui, nous sommes à 21 mille enseignants non formés. Ça pose problème. Ils forment le plus gros lot des enseignants. A cet effet, comment voulez-vous qu’on parle de qualité. Il s’y ajoute les grèves à répétition. Les élèves, d’année en année, arrivent en classes supérieures avec des lacunes. La qualité, c’est d’abord la formation professionnelle des enseignants.
Il y a des efforts sur l’accès dans l’élémentaire et le secondaire. Il ne s’agit pas de remplir les classes, mais il y a aussi la qualité. Et présentement, on constate le manque de professeurs, le manque de logistique et autres. Pour répondre à la qualité, il faut former le corps enseignants, doté de moyens les inspecteurs mais aussi à l’Etat de sanctionner. Il est tant qu’il y ait des états généraux encore. C’est bien vrai que le ministre de l’enseignement supérieur a organisé des concertations nationales sur l’enseignement supérieur, le ministre de l’éducation nationale sur les Assises nationales. Deux rencontres importantes sur l’éducation qui ont été sanctionné par des conseils présidentiels où des directives ont été données allant dans le sens d’améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. Aujourd’hui, nous demandons juste à l’Etat d’être un Etat fort car nous croyons que tout ce qui est juste doit être fort.»
sudonline.sn