Demain, plus de trois millions d’électeurs iront aux urnes pour choisir le président de la République de Guinée, mais aussi pour tourner de manière définitive les pages sombres d’une vie politique ensanglantée depuis cinquante ans.
Demain, plus de trois millions d’électeurs iront aux urnes pour choisir le président de la République de Guinée, mais aussi pour tourner de manière définitive les pages sombres d’une vie politique ensanglantée depuis cinquante ans. Assoiffés de démocratie, privés de droits et pâtissant sans arrêt de la mal gouvernance, les Guinéens ont montré au cours d’une campagne électorale animée, rythmée et traversée par quelques échauffourées, qu’ils ont envie de vivre autrement, sereinement, en paix.
Hier vendredi, Conakry a vécu au rythme fou d’une ultime (??) journée de campagne électorale en direction du premier tour de l’élection présidentielle prévu ce dimanche 27 juin. Dans la capitale guinéenne, prédomine une ambiance festive. Les gens sont comme libérés d’un malentendu meurtrier qui les a empêchés, pendant plusieurs années, de jouir de leurs droits politiques réels. Jeunes hommes et filles dans la force de l’âge, garçons insouciants, grandes personnes jouant les encadreurs, les Guinéens semblent revivre. Et ils ont raison, dit un confrère local, Ounya Camara, administrateur du site Internet lejourguinee.com. «Il faut bien comprendre cette sorte de phénomène qui est en train de se développer ici?: c’est la première fois dans l’histoire politique de la Guinée que le gagnant d’une élection présidentielle n’est pas connu d’avance.»
En face de l’aéroport international Gbessia, la couleur jaune singularise la marée humaine de très grande densité ayant pris possession de l’interminable autoroute qui conduit au centre-ville à Kaloum, sur plusieurs kilomètres, en passant par le Palais du peuple, siège du Conseil national de la transition (Cnt). Un bâtiment dont les traits architecturaux ressemblent d’ailleurs étrangement à ceux de la Maison du Parti socialiste à Dakar.
Cette marée humaine, c’est le «peuple» de Alpha Condé, le candidat et figure historique du Rassemblement du peuple de Guinée (Rpg). Sur des motos, en voitures, dans des camionnettes fortement sonorisées, à pieds pour la plupart, les militants du Rpg tenaient vaille que vaille, semble-t-il, à répondre à la très grosse manifestation organisée la veille par l’Union des forces démocratiques de Guinée (Ufdg) de Cellou Dalein Diallo. Entre Alpha et Cellou, comme on les appelle affectueusement ici, c’est la guerre par partisans interposés, mais une guerre tout à fait politique dans l’ensemble.
Mais à l’approche du scrutin de dimanche, les esprits se sont surchauffés, notamment à l’intérieur du pays. Ainsi, la presse locale rapporte que jeudi des jeunes appartenant à l’Union des forces républicaines (Ufr) de Sidya Touré avaient caillassé le cortège de Cellou Dalein Diallo dans la localité de Coyah (à 50 km de Conakry) alors que ce dernier était en route pour la capitale, après plusieurs semaines de campagne dans la Guinée profonde. D’autres incidents plus ou moins isolés ont été signalés à Forécariah, ville distante de 100 km de Conakry.
S’il apparaît nettement que les leaders politiques sont déterminés à contenir toutes les dérives susceptibles de mettre en danger le processus électoral, il n’en est pas moins certain que le scrutin de dimanche est sous surveillance des autorités de la transition. A tous les grands carrefours de la capitale, stationnent des brigades mixtes composées de gendarmes et de policiers. Elles représentent, à contribution égale, environ 16?000 hommes mobilisés pour prévenir tout débordement. A ce sujet, la conférence de presse du général Ibrahima Baldé, Chef d’état-major de la Gendarmerie, déplorant l’absence criarde d’équipements pour les forces de sécurité mobilisées, a eu l’effet de réveiller des partenaires de la Guinée. Ainsi, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) a fait l’effort de livrer aux autorités guinéennes plusieurs dizaines de véhicules, des motos, téléphones portables et autres matériels de maintien de l’ordre.
Sur un autre registre, jusqu’à hier soir il n’était pas possible de savoir si la campagne électorale se poursuivrait encore ce samedi. Dans le souci de désamorcer une certaine tension ambiante, la Commission électorale indépendante avait proposé aux partis politiques de clôturer ladite campagne ce vendredi, étant donné qu’ils ont fait presque quarante jours de meetings et de rassemblements sur l’ensemble du territoire national. Mais les principaux leaders n’avaient pas encore réagi.
Par Momar DIENG (Envoyé spécial à Conakry)
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